Si la fermentation est un procédé permettant de conserver la viande, la façon qu’ont les Muong de fermenter leur viande de sanglier donne à ce plat une vraie valeur ajoutée sur le plan gastronomique. Héritiers d’un savoir-faire ancien, ils n’hésitent pas à innover, comme nous l’indique Dinh Thi Phuong, qui habite la commune de Vo Miêu.
«Quand j’étais petite, mes parents emballaient la viande dans des feuilles de bananier ou de phrynium. On mangeait ça aux repas du Nouvel an lunaire. Aujourd’hui, on a remplacé les feuilles par des tubes de bambou. Conservée à l’intérieur de ces tubes, non seulement la viande garde plus longtemps toutes ses saveurs, mais elle prend aussi celle du bambou, qui est très agréable», explique-t-elle.
Les villageois élèvent leurs sangliers en les laissant se nourrir eux-mêmes dans la nature. L’animal pèse une vingtaine de kilos en moyenne. Sa chair est ferme et sa peau, à la fois résistante et croustillante.
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Pour ce qui est de la préparation du plat, le sanglier est d’abord rôti en entier jusqu’à ce que sa peau se caramélise et que sa chair soit demi-cuite. Par la suite, on le découpe en morceaux et on choisit les meilleurs, au niveau des cuisses, des épaules, des côtes ou de la poitrine. Tous les tendons seront prélevés. Quant à la viande, elle sera coupée en petites tranches avant d’être mise à fermenter dans des tubes de bambou qui auront été préalablement nettoyés et séchés. À noter que les extrémités de chaque tube sont remplies de quelques feuilles de goyavier qui ont pour effet de prévenir les moisissures tout en facilitant la fermentation. Autre détail important, le tube de bambou doit être parfaitement rembourré, faute de quoi la viande ne fermentera pas et perdra de ses saveurs, nous explique Sa Thi Tâm, qui habite la commune de Kim Thuong.
«Conservée dans des tubes de bambou au-dessus du foyer, la viande peut se consommer pendant des mois. Mais elle est particulièrement savoureuse au bout d’une semaine», affirme-t-elle.
La viande fermentée des Muong garde la couleur et les saveurs de la viande fraîche, précise Dinh Van Thân qui habite la commune de Vo Miêu, et qui tient à revenir sur la première étape de la préparation, le lavage.
«La viande doit être lavée avec de l’eau à 45 degrés avant d’être accrochée puis coupées en tranches minces. Lorsque le plat est servi, chaque morceau doit être parfaitement infusé aux épices», souligne-t-il.
Pour ce qui est de l’assaisonnement, on y trouve notamment du sel, de l’ail et de la farine de maïs torréfié. Les Muong accompagnent leur viande fermentée avec des feuilles de ficus, de goyavier ou de liane fromage (Paederia lanuginosa). Pour la sauce, ils utilisent du piment fermenté ou du nuoc mam (saumure de poisson). Résultat: un plat unique que vous ne serez pas près d’oublier!