La teinture à l’indigo. Photo: Khac Kiên/VOV Nord-Ouest |
Il est à peine 5 heures du matin quand Vàng Thi Su se lève. Dans la pénombre de sa maison traditionnelle, cette femme de 52 ans prépare déjà ses outils de travail. Comme chaque jour depuis plus de trente ans, elle perpétue un geste ancestral: transformer le lin sauvage en tissus d’un bleu profond, celui de l’indigo.
Enfant, elle apprenait déjà auprès de sa mère les gestes transmis de génération en génération: d’abord filer, puis tisser le tissu, et enfin cueillir les feuilles d’indigo pour préparer la teinture. Un savoir-faire qu’elle transmet aujourd’hui à sa propre fille, car il faut que les jeunes générations sachent confectionner ces robes traditionnelles pour que l’artisanat Mông ne disparaisse jamais.
«Si on travaille vite et bien, on peut confectionner trois ou quatre ensembles par an. Mais si on prend son temps, on n’en fait qu’un ou deux. Ce qui est sûr, c’est qu’un vrai costume Mông doit absolument être teint avec des feuilles d’indigo. Sinon, les couleurs s’estompent rapidement», dit-elle.
Cette authenticité, c’est précisément ce qui fait la richesse du village de Lao Ty Phung. Sur les 100 foyers Môngs qui le composent, 85 pratiquent encore cette teinture traditionnelle. Un pourcentage remarquable à l’heure de la modernisation.
Malgré la modernisation, les Mông de Lai Châu veillent à préserver leurs métiers traditionnels. Photo: Khac Kiên/VOV Nord-Ouest |
Le processus reste entièrement artisanal: récolte du lin en forêt, écorçage, broyage pour obtenir les fibres, filage, puis tissage... Une fois le lin transformé en toile, commence le véritable art de l’indigo. Les feuilles sont mises à macérer dans l’eau pendant une semaine entière, créant cette solution épaisse d’un bleu-noir intense. Le tissu y est alors plongé, encore et encore, jusqu’à obtenir la nuance parfaite. Viennent ensuite le séchage au soleil, la peinture à la cire d’abeille, la broderie des motifs traditionnels, et enfin la coupe et la couture.
Hô A Su, chef adjoint du village, observe cette effervescence quotidienne avec fierté:
"Fabriquer un vrai tissu Mông, c’est un art qui demande de nombreuses étapes. Nous nous efforçons d’aider notre communauté à préserver cette culture ethnique qui se transmet de mère en enfant. Il faut absolument que nous préservions cette tradition pour que les visiteurs puissent découvrir et admirer toute la beauté de notre artisanat".
Car c’est là tout l’enjeu contemporain: concilier préservation culturelle et développement économique. Les costumes traditionnels hmôngs suscitent aujourd’hui un intérêt croissant auprès des touristes. Pourtant, dans les villages des montagnes de Lai Châu, on privilégie toujours les tissus faits main, portés autant pour leur beauté que pour leur valeur symbolique.
Des femmes Môngs brodent sur des tissus déjà teintés à l’indigo. Photo: Khắc Kiên/VOV Nord-Ouest |
Lê Xuân Dung, vice-président du Comité populaire du quartier de Tân Phong, nous explique:
"La tradition de la teinture à l’indigo chez les Môngs a généralement lieu en juillet et août de chaque année, quand les conditions sont optimales. Aujourd’hui, au-delà de la teinture pour les besoins familiaux, nos artisans vendent leurs créations à l’extérieur, ce qui génère des revenus importants pour les familles. Nous continuons d’orienter, de mobiliser et d’encourager la population pour préserver cette identité culturelle traditionnelle, tout en contribuant au développement du tourisme communautaire".
Porter ces costumes de brocart au marché, en ville, ou les offrir aux touristes, c’est participer activement à la diffusion de la culture Hmông au-delà des frontières montagnardes. Dans ce bleu profond de l’indigo se cache l’âme d’un peuple, la mémoire d’une terre et la promesse d’un avenir où tradition et modernité s’épousent harmonieusement.