Pas question que la femme se fasse elle-même son chignon! Non, cet acte spirituel est confié à deux représentantes de sa belle-famille qui répondent à des critères précis. Elles doivent avoir chacune une famille heureuse, le verbe facile et connaître parfaitement les coutumes traditionnelles. Au jour choisi conjointement par les familles de la mariée et du marié, ces deux dames viennent peigner, faire le chignon et recommander à la fille la bonne conduite que l’autre famille attend d’elle. À 80 ans passés, Tong Thi Song, qui est domiciliée à Son La, ne sait plus combien de fois elle a été invitée à coiffer des mariées, mais elle connaît encore par cœur la prière utilisée pour l’occasion.
«Aujourd’hui, c’est un jour faste, la famille du garçon adopte cette fille et nous lui apportons ce peigne fait de corne de buffle pour lui faire un beau chignon. Désormais, comme un bateau qui se dirige dans le sens voulu par le navigateur, la femme suivra son mari. Ne déracine pas la première jeune pousse de bambou vue dans la forêt, ne fais pas les yeux doux aux jeunes hommes célibataires. La femme mariée écoute son mari, l’homme marié écoute sa femme. Soyez fidèles et amoureux jusqu’à la fin de vos jours», dit la prière.
La mariée aura un chignon constitué de ses propres cheveux - Photo baovanhoa.vn
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Pour faire un beau chignon, les dames de chez le marié apportent deux mèches de cheveux aussi épaisses qu’une poignée et longues de 40 à 60cm. Il s’agit en fait de cheveux de membres féminins de la famille du marié. La tradition Thai Noir veut que chaque fois que les femmes se peignent, elles ramassent les cheveux qui tombent pour constituer ces mèches qui seront utilisées lors de la cérémonie de création du «chignon de noces». Car, là encore selon la tradition, plus le chignon est gros et élevé, plus la mariée sera belle! De plus, intégration oblige, la mariée aura un chignon constitué de ses propres cheveux, auxquels viennent s’ajouter ceux des femmes de sa belle-famille.
Mais… il y a des exceptions. Certaines femmes Thai Noir ne portent pas de chignon au moment de leur mariage ni après. Cette dérogation n’est possible qu’avec le consentement de leur mari et des parents de celui-ci. Mais dans ce cas, une autre cérémonie aura lieu. La famille du mari devra offrir à la mariée deux mèches de cheveux, une broche, deux bracelets, une paire de boucles d’oreille en argent, un rouleau de brocatelle, une ceinture en brocatelle verte, un miroir, un peigne… À en croire Tong Van Hia, un chaman de Son La, les Thai Noir sont plutôt libres dans leurs relations amoureuses.
«Selon notre tradition, les filles et les garçons sont libres de se rencontrer et de s’aimer», assure-t-il. «Mais s’ils veulent aller plus loin, ils doivent tenir informés leurs parents respectifs et leur mariage comportera toutes les rites traditionnels nécessaires».
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Avant la cérémonie de création du chignon ou celle de remise de cadeaux, la famille du marié apportera à l’autre deux coqs bouillis, deux boules de riz gluant cuit à la vapeur, deux bouteilles d’alcool de riz, deux régimes de noix d’arec avec des feuilles de bétel… tous les cadeaux doivent être au nombre de deux, symbole de bonheur éternel pour le jeune couple. Ces cadeaux-offrandes seront installées sur l’autel des ancêtres et une fois les bâtonnets d’encens consumés, ils seront redescendus pour être partagés entre tous les témoins du mariage.
La femme Thai Noir gardera son chignon jusqu’à la fin de sa vie ou la disparition de son mari, suite à laquelle elle sera obligée de renoncer au chignon élevé. La veuve se fera alors une queue de cheval, comme les jeunes filles.