Les motifs de décoration traditionnels ont trois couleurs essentielles: le blanc, le noir et le rouge (photo: VOV)
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Du haut de ses 70 ans, H Nun Bya, domiciliée à Buôn Ma Thuôt, le chef-lieu de la province de Dak Lak, compte déjà 60 ans d’ancienneté dans le métier de tisseuse. Enfant, elle voyait sa grand-mère, sa mère et d’autres femmes du village tisser des couvertures, des vêtements, des porte-bébés… qu’elles utilisaient dans leur vie quotidienne, offraient comme cadeaux lors des grandes occasions, ou enterraient avec des morts… À l’époque, les Ede cultivaient eux-mêmes leur cotonnier, en extrayaient les fibres qu’ils transformaient en fils, coloraient ces fils avec de la boue, des feuilles, des tubercules, des racines ou des écorces d’arbre.
«Autrefois, les motifs de décoration avaient trois couleurs essentielles: le blanc, le noir et le rouge», se souvient H Nun Bya. «Chaque motif nécessite un nombre de fils différent, 10, 15, 17, 27 ou 35. Les plus difficiles à réaliser sont les motifs en relief».
La technique la plus sophistiquée consiste à combiner des fils et des perles en plastique pour créer des bandes serrées en bordure des vêtements supérieurs, des jupes ou des cache-sexes, nous explique H Yar Kbuôr, une tisseuse chevronnée du district de Krông Ana.
«Appelée Kteh, cette technique était utilisée pour décorer les vêtements portés par les dignitaires et les vêtements destinés aux grandes occasions. Même aujourd’hui, très peu de gens maîtrisent cette technique qui est infiniment plus difficile que les autres», indique-t-elle.
Les motifs de décoration sont différents pour les hommes et pour les femmes |
Si les Ede utilisent aujourd’hui des fils de fabrication industrielle pour produire leurs brocatelles, ils restent attachés aux motifs de décoration qui font l’identité de leur ethnie, ce qui ne les empêche pas pour autant de compléter le répertoire traditionnel composé essentiellement de symboles d’animaux, de plantes et d’objets de la vie quotidienne. L’imagination des tisseuses permet d’ailleurs de donner plus d’éclat, plus d’originalité aux produits, affirme H Yam Bkrông, qui est la responsable d’une coopérative de brocatelle de Buôn Ma Thuôt.
«Les motifs de décoration sont différents pour les hommes et pour les femmes. Que ce soient des dragons, des losanges, des tortues ou des fleurs, les motifs sont transmis de génération en génération et les tisseuses sont libres de donner cours à leur imagination», nous dit-elle.
Question de confort, les Ede préfèrent aujourd’hui s’habiller à l’occidentale dans leur vie de tous les jours. Mais les vêtements traditionnels restent incontournables lors des grandes occasions, où ils permettent facilement de distinguer cette communauté parmi tant d’autres.