Le đàn tròn, un instrument emblématique des Pa Di. Photo: jounal Lào Cai |
Le đàn tròn n’est pas un simple instrument. Il est l’écho vibrant des émotions, des récits et des liens sociaux du peuple Pa Di, comme nous le confie Lù Sin Lèn, artiste de Muong Khuong.
"Le đàn tròn est inséparable de la vie des Pa Di. Partout où ils vont, les jeunes, surtout les garçons et les filles, se découvrent, s’aiment et se lient à travers ses sons et les chants qu’il accompagne", affirme-t-il.
Proche du đàn tính des Tày, le đàn tròn s’en distingue par une caisse de résonance plus large, un manche plus court, et surtout quatre cordes au lieu de deux. On retrouve des variantes similaires chez les Nùng ou les Hà Nhi, mais celui des Pa Di se caractérise par un soin tout particulier apporté à l’esthétique: décors peints et gravés, souvent très détaillés.
"Les motifs gravés sur le đàn tròn sont typiques de notre peuple. On y trouve souvent une tête de dragon, symbole de force, de prospérité et de ce qu’il y a de plus noble dans la vie", explique Trang Vàng Min, un artiste local.
Chez les Pa Di, le chant et le đàn tròn ne se conçoivent pas séparément. Cet instrument accompagne les chants d’amour, les fêtes, les jeux vocaux en duo. Hommes et femmes y participent à égalité. Mais attention! Il ne s’agit pas de performances solitaires. Il faut au moins deux personnes pour un jeu en duo, ou l’une jouant pour accompagner l’autre.
"Lors des fêtes ou du Nouvel An, il faut être deux pour chanter. Un garçon, une fille. Seul, on ne peut pas vraiment chanter. Ça ne sonne pas bien", précise Trang Vàng Min.
Le đàn tròn accompagne les chants d’amour, les fêtes, les jeux vocaux en duo. Photo: journal Lào Cai |
L’usage du đàn tròn est profondément codifié. Chaque âge, chaque étape de la vie, a ses mélodies: berceuses pour les bébés, comptines pour les enfants, chants galants pour les adultes. L’instrument n’est toutefois jamais joué dans les contextes tristes, comme les deuils ou la maladie.
Comme les Pa Di ne possèdent pas d’écriture propre, leurs chansons se transmettent oralement, de génération en génération. Po Chin Din joue de cet instrument depuis l’âge de 15 ans. Elle connaît une dizaine de chansons anciennes, notamment sur les mois de l’année, les saisons, les douze animaux du zodiaque et la vie quotidienne. Active sur les réseaux sociaux, elle partage sa passion au-delà de la montagne.
"Je publie mes chansons en ligne, et les gens aiment beaucoup. Certains dansent même en entendant le đàn tròn", nous dit-elle.
Tout comme Po Chin Din, Trang Vàng Min consacre une partie de son temps à enseigner l’art du đàn tròn aux jeunes.
"Je donne des cours une à deux fois par semaine. Il faut une semaine pour s’habituer aux sons et pouvoir chanter. Il faut surtout aimer l’instrument pour vraiment apprendre à le jouer", partage-t-il.
Malgré les changements rapides de la société, le đàn tròn reste une voix du cœur pour les Pa Di. Porté par la passion d’artistes engagés, il continue de faire vibrer les villages et les cimes du Nord du Vietnam. Dans ses notes résonne une identité fière, discrète, mais bien vivante, gardienne d’un héritage sonore ancestral.