Les villageois et les membres de la famille sont invités à assister à la cérémonie. Photo: Hà An/baohagiang.vn |
Chez les Dao, un garçon n’est pleinement reconnu comme adulte - c’est-à-dire apte à fonder un foyer, à prendre part aux décisions communautaires ou à participer aux rituels spirituels - qu’une fois ce rite accompli.
Traditionnellement organisé en hiver ou au printemps, lorsque les cultures sont en pause, le rituel dure de trois à sept jours, selon les moyens de la famille et le statut du futur initié.
La cérémonie débute vers 22 heures, accompagnée du son des cloches et des tambours. Photo: Hà An/baohagiang.vn |
Pendant plusieurs jours, le jeune garçon doit suivre un parcours spirituel exigeant: apprentissage des textes sacrés, processions avec lanternes, rituels chamaniques... jusqu’au moment où un maître spirituel lui remet une amulette symbolique, signe qu’il a été reconnu adulte par les esprits.
«Chez nous, les garçons de 10 à 16 ans doivent franchir cette étape sacrée. Un homme de 40 ans qui ne l’a jamais passée est encore considéré comme un enfant. À cet âge, on dit qu’il est trop tard pour apprendre ce que les anciens ont à transmettre», explique Ly Dai Thông, le chef du village de Nâm Dam.
Mais ce rite n’est pas seulement une étape individuelle. Il est aussi un moment de rassemblement pour le clan, rythmé par des danses, des tenues chatoyantes, des sons de tambour et de khène. C’est une fête, mais aussi un espace sacré, où l’on célèbre la lignée, les ancêtres et la continuité du peuple Dao.
Dans cette époque où tant de traditions s’éteignent, le cấp sắc demeure vivant, sauvegardé, et protégé de la marchandisation. Il reste à part, car pour les Dao, le préserver, c’est garder intacte leur mémoire collective.
«Ce rituel est essentiel. Il enseigne aux garçons leur devoir de faire vivre la lignée. Les esprits des ancêtres sont appelés pour les guider, pour qu’ils deviennent des hommes bons et utiles», poursuit Ly Dai Thông.
À quelques jours de sa propre cérémonie, Ly Thanh Phuc, un jeune garçon du village, ne peut cacher son impatience.
«C’est très important pour moi. Les filles partent avec leur mari, mais les garçons doivent rester et porter la famille. J’ai un peu peur, je suis nerveux, mais je suis aussi très fier», partage-t-il.
La cérémonie se déroule toute la nuit. Photo: Hà An/baohagiang.vn |
Longtemps réservé à la sphère intime, ce rite est aujourd’hui aussi un pont entre traditions et tourisme culturel. Dans le district de Quan Ba, les communautés Dao ont commencé à l’associer à des circuits de tourisme communautaire. Les visiteurs peuvent y assister, suivre le récit du maître de cérémonie, essayer les costumes traditionnels et goûter aux plats rituels.
«À Hà Giang, notre vision du tourisme est fondée sur la culture et le patrimoine. Le cấp sắc est l’un des rituels les plus originaux. Pour les visiteurs étrangers, c’est une expérience inoubliable: ils assistent à une véritable entrée dans l’âge adulte, avec tout ce que cela implique de sacré et de solennel», souligne Dang Quôc Su, directeur du Centre de promotion du tourisme de Hà Giang.
Alors si un jour vous cherchez à comprendre l’âme des peuples montagnards du Vietnam, prenez la route de Hà Giang. Allez à la rencontre des Dao. Et si vous en avez l’occasion, assistez à un cấp sắc.
Vous verrez: dans ce rituel, c’est tout un peuple qui se raconte, qui se relie à ses origines et qui ouvre, avec dignité, la porte de ses traditions au monde.