Une grande-mère attache un fil rouge pour sa petite-fille. Photo: VOV4 |
Dans la croyance populaire Thai, chaque être humain est composé de deux parties, âme et corps, la première ayant été créée par sa marraine céleste, et la seconde, par sa marraine terrestre. Ces deux parties ne coexistent que pendant une durée déterminée et lorsqu’elles se quitteront, chacune retrouvera ses origines, l’âme remontant au ciel, et le corps retrouvant la terre. Mais cette âme est en fait multiple: à en croire Cà Van Chung, un folkloriste de Son La, chaque Thai n’a pas une mais… 80 âmes !...
«Nous, les Thai, croyons que chacun dispose de 30 âmes devant et de 50 âmes derrière», nous révèle-t-il. «Quand certaines de ces âmes quittent le corps, l’homme tombe malade et quand elles l’ont toutes quitté, il meurt. Pour garder les âmes attachées au corps, on attache un ou plusieurs fils autour du poignet».
Autrefois, les villages Thai organisaient chaque année une cérémonie au cours de laquelle on attachait ces fils autours des poignets. Aujourd’hui, il n’y a plus de cérémonie annuelle, la pratique est devenue bien plus simple. Les Thai attachent les fils à l’occasion de la naissance d’un bébé, lors des cérémonies d’invocation d’esprits pour guérir un malade ou pour souhaiter la longévité aux seniors, mais aussi lorsqu’un décès survient. C’est en tout cas ce qui ressort des explications de Tong Van Hia, un senior de Son La.
«Lorsqu’un Thai tombe malade, ses âmes s’affaiblissent, il faut alors les attacher pour les protéger des mauvais esprits. Lorsqu’un membre de la famille meurt, on attache le poignet des autres membres pour que leurs âmes ne rejoignent pas celles du défunt au ciel», précise-t-il.
Le rouge, le noir et le blanc sont les trois couleurs utilisées par les Thai pour ces bracelets rituels. Pour le premier anniversaire d’un bébé, le chaman utilise des fils rouges, et éventuellement des fils noirs, qu’il tresse avant de les attacher au poignet du bébé, en lui souhaitant santé et appétit. Lorsqu’une personne tombe malade, ceux qui lui rendent visite tiennent à lui attacher, chacun, un fil au poignet pour lui souhaiter un prompt rétablissement. Lors des funérailles de quelqu’un, les proches qui viennent présenter leurs condoléances tirent chacun un fil blanc du voile de deuil pour l’attacher autour du poignet des membres de la famille.
Photo: VOV4 |
Ces fils sont une source d’encouragement pour la personne qui les porte, affirme Tong Thi Binh, une femme chaman de Son La.
«En attachant des fils au poignet gauche et au poignet droit, nous prions pour que la personne qui les porte aille bien et que ses âmes restent attachées à celles des autres membres de sa famille. Lorsqu’une personne tombe malade ou est en deuil, plus elle a de fils attachés au poignet par ceux qui lui rendent visite, plus elle se sentira renforcée pour passer cette épreuve», souligne-t-elle.
Plus qu’une superstition coûteuse, cette tradition de fils au poignet des Thai est une pratique que ce peuple attachant préserve de génération en génération.