Photo: TTXVN

Récole du fourrage sur des terres de pente. Photo: Vearyda Oeu

Pour y remédier, un modèle pilote a vu le jour depuis 2022 dans les communes de Tuân Giao et Nua Ngam. Objectif: promouvoir un élevage écologique fondé sur la culture du fourrage, l’ensilage et le compost. Ce modèle, baptisé FSC, fait partie du projet ASSET, – transition vers une agriculture écologique et des systèmes alimentaires sûrs au Vietnam – Projet qui est financé par l’Agence française de développement (AFD), l’Union européenne et le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM), et coordonné par le Groupe de recherche et d’échanges technologiques (GRET) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) en partenariat avec des institutions vietnamiennes telles que l’Académie des sciences agronomiques du Vietnam (VAAS), l'Institut national des sciences animales (NIAS), ou encore l'Institut des stratégies et politiques agricoles et environnementales (ISPAE). 

Ensilage de feuille de maïs mélangé à de l'herbe de guinée, Village de Bo Giang. Photo: Vearyda Oeu

“Le modèle technique fourrage, ensilage et compost est un modèle technique relativement simple. Selon ce modèle, le paysan produit du fourrage avec des variétés de fourrage adaptées à ses besoins et à son exploitation. Il faut pour cela que le paysan ait accès à des semences et des boutures d'espèces fourragères et qu'il ait aussi les connaissances techniques pour la plantation, l'entretien des cultures et la récolte des fourrages. Dans la même ferme, le paysan produit ensuite de l'ensilage pour utiliser une partie de ce fourrage produit à une autre saison, tout en en conservant la qualité. L’ensilage se fait selon un processus de fermentation, comme les pickles, qui est réalisé sur des fourrages hachés dans des sacs spéciaux permettant de créer des conditions anaérobiques, sans air. Enfin, selon ce modèle, grâce au fourrage et à l'ensilage, les animaux restent plus longtemps à l'étable sans avoir à sortir au pâturage pour se nourrir. Les paysans collectent alors les déjections et les transforment en compost de qualité pour fertiliser leurs cultures. Ils doivent maîtriser pour cela la technique de compostage et couvrir le tas de compost pour le protéger du soleil et de la pluie”, a expliqué Mélanie Blanchard, chercheuse au CIRAD qui coordonne les activités scientifiques du projet ASSET. Ses travaux portent sur les pratiques paysannes, leurs performances productive, économique et environnementale, afin de concevoir des innovations pour rendre l’élevage plus durable à Diên Biên.

Campagne de collecte d'échantillons et de caracterisation de la qualité de l'ensilage. Photo: CIRAD

On a retenu ce modèle technique pour la zone de Diên Biên, car il est relativement simple techniquement, il ne nécessite pas des investissements financiers importants et surtout il est applicable dans la plupart des fermes familiales de la région. Les fermes de cette région restent encore très dépendantes des engrais minéraux pour fertiliser leurs cultures. Or, les engrais minéraux sont coûteux et représentent une part importante des dépenses agricoles. Disposer à moindre coût d’engrais organiques de qualité permettrait donc aux exploitations de réduire leurs charges, tout en s’inscrivant dans les objectifs actuels de développement de l’agriculture vietnamienne. Cela suppose toutefois que les techniques de compostage soient correctement appliquées par les paysans, afin de garantir la qualité du compost produit”, a ajouté Mélanie Blanchard. 

Nettoyage d'un compacteur à compost, Village de Nua Ngam. Photo: CIRAD

Sur le terrain, les équipes du CIRAD ont travaillé étroitement avec les services agricoles provinciaux, et les agriculteurs. Les foyers reçoivent des semences de plantes fourragères, des ferments, des sacs d’ensilage et des équipements simples: machines à hacher l’herbe, broyeurs, outils pour le compostage. Les techniciens accompagnent les familles dans les étapes clés — de la plantation à la conservation — tout en assurant des démonstrations pratiques dans les villages.

“L’adoption et la diffusion du modèle FSC à Diên Biên rencontrent plusieurs défis. Les paysans ne disposent pas toujours des connaissances techniques nécessaires pour produire un compost de qualité ni pour gérer efficacement les cultures fourragères ou l’ensilage. Sans maîtrise des procédés, la qualité du compost et de l’ensilage peut être compromise, ce qui réduit leur intérêt agronomique et la motivation des éleveurs”, a souligné Mélanie Blanchard.  

Pour surmonter ces obstacles, des sessions de formation régulières sont organisées. Les paysans apprennent en pratiquant, directement dans leurs champs et leurs fermes.

Quàng Van Thuy , un éleveur à Tuân Giao

Les effets du projet commencent à se faire sentir dans les villages pilotes. À Bo Giang, commune de Tuân Giao, Quàng Van Thuy élève sept bovins et dix chèvres nous confie: « Avant, nous laissions nos animaux paître librement. Avec le projet, nous avons appris à cultiver du fourrage et à nourrir nos bêtes à l’étable. Nous utilisons les sacs et les ferments pour faire de l’ensilage, et nous recyclons le fumier comme engrais naturel. Cela nous fait gagner du temps, réduit les maladies et nous permet d’économiser sur les engrais chimiques. »

Même constat chez Lo Van Suong, du même village, qui possède neuf bovins: «Le projet nous a aidés à changer nos habitudes. Grâce à l’ensilage, nos bêtes mangent mieux, même pendant la saison sèche. On nous a fourni le matériel – sacs et ferments – et maintenant, nos animaux restent en bonne santé toute l’année». 

Lê Xuân Canh, directeur du Service de l’Agriculture et de l’Environnement de la province de Diên Biên

Ces transformations profitent aussi à l’environnement local. Lê Xuân Canh, directeur du Service provincial de l’Agriculture et de l’Environnement constate: «Les résultats obtenus sont très clairs. C’est une orientation que nous devons suivre. Le projet aide à développer l’agriculture circulaire. L’élevage en enclos permet de récupérer le fumier pour fertiliser les champs, et la culture du fourrage sur les pentes limite l’érosion et enrichit le sol».

Pour Mélanie Blanchard, les résultats du projet sont particulièrement encourageants.

 “Nous avons élaboré des fiches techniques et des supports pédagogiques, ainsi qu’un kit incitatif destiné à aider les familles à adopter le modèle. Les résultats montrent qu’avec une bonne application des techniques, les agriculteurs peuvent produire un compost de qualité comparable à celui du commerce. Ce modèle contribue ainsi à renforcer la fertilisation organique des vergers en développement et à réduire la dépendance aux engrais chimiques dans la province. Par ailleurs, la production de fourrage et d’ensilage soutient les activités d’élevage, même dans les zones où les pâturages naturels disparaissent. Enfin, le modèle fourrage–ensilage–compost s’inscrit pleinement dans les ambitions nationales de développement d’une agriculture circulaire et aide à atténuer les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole”, a-t-elle afirmé.