Vu Hai, ancien vice-président de la Radio «La Voix du Vietnam» |
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Vous avez été responsable du service français, premier correspondant de VOV en France, directeur de VOV5 puis vice-président de «La Voix du Vietnam». Pourquoi un tel attachement à VOV et en particulier à VOV5?
Moi, je vois cet attachement comme une grande chance, et ce à plusieurs titres. Tout d’abord, j’ai pu consacrer toute ma vie professionnelle, 37 ans en tout, à un seul établissement, la Voix du Vietnam. Ça a aussi été pour moi une réelle chance de pouvoir travailler en français, la langue que j’ai apprise au lycée de langues étrangères relevant de l’École normale supérieure de Langues étrangères de Hanoi qui est l’actuelle Université de Langues et d’Études Internationales de Hanoï (Université nationale de Hanoi). À cette époque, le français était très peu enseigné, la vedette des langues étrangères était le russe. La majorité des étudiants francophones avaient du mal à trouver un emploi qui convenait à leur formation.
Ça a donc été une chance pour moi d’être recruté au service français de VOV. Mes collègues, notamment la cheffe du service, Pham Thi Thi, m’ont beaucoup aidé à intégrer le monde journalistique. N’oubliez pas que j’avais été à l’école normale supérieure où j’avais été formé pour devenir professeur de français. VOV m’a encore donné l’occasion de travailler, pendant un an, entre avril 1988 et avril 1989, comme correcteur pour le service français de la Radio nationale du Cambodge. Elle m’a aussi permis de participer à des ateliers de formation journalistique et radiophonique à court terme organisés respectivement en Tchécoslovaquie en 1990 et en France en 1991-1992.
Avant l’apparition des ordinateurs et Internet dans les années 1990, tous les travaux étaient réalisés manuellement. Pourriez-vous nous raconter quelques uns de vos souvenirs les plus marquants en qualité que rédacteur du service français de VOV?
J’ai travaillé tout d’abord avec des vieux enregistreurs sonores R6 et R7. Ces appareils étaient conservés au centre audio. Chaque fois qu’on voulait faire une interview dehors, on devait obtenir un permis signé par les dirigeants pour pouvoir emprunter un enregistreur. Vers la fin des années 1980, les experts français en service à VOV sont venus avec les premiers enregistreurs sonores suisses, les fameux Nagra. Ils nous ont appris à faire du montage. Mais notre travail essentiel consistait à traduire en français les informations fournies par le centre d’information. Dans ce centre, il y avait deux dactylos qui tapaient à la machine l’intégralité du journal, chaque fois 6 pages. Pour économiser le matériel, elles recyclaient systématiquement les papiers carbones. Vous pouvez alors imaginer combien les dernières copies étaient illisibles et quel bonheur pour nous que d’obtenir les premières copies. Et ce papier contenant des dépêches en vietnamien, on le déchirait en morceaux pour les distribuer entre traducteurs qui devaient les traduire le plus rapidement possible, pour pouvoir passer à temps au studio.
Le service français disposait de deux vieilles machines à écrire dont une Optima, mais personne ne les utilisait. Mes prédécesseurs avaient l’habitude d’écrire avec des stylos à encre ou à bille distribués tous les mois par le service administratif. Mais quand ils écrivaient mal, et c’était souvent le cas, c’était un véritable cauchemar pour les présentateurs! Il fallait donc lire attentivement avant d’aller au studio. Les jeunes rédacteurs de cette époque qui étaient Dô Van Loan, Nguyên Bao Tuân et moi-même, avons donc décidé d’utiliser la machine à écrire pour faciliter la lecture. On tapait avec deux ou trois doigts des deux mains. Mais quand les deux machines fonctionnaient en même temps, le son des claviers donnait un effet d’averses. C’était pro!
La vice-présidente de VOV à l’époque, Nguyên Thi Kim Cuc (première à gauche) et Vu Hai (deuxième à gauche) lors de l’inauguration du bureau de VOV en France.
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En tant que premier correspondant de VOV à Paris, les premiers jours ne devaient pas être faciles pour vous. Racontez-nous!
Pour être tout à fait exact, j’étais l’un des deux premiers correspondants de VOV en France. Les débuts ne sont jamais faciles. Nous sommes arrivés en France 10 jours avant le Têt, le Nouvel an lunaire. Trân Mai Hanh, le président de VOV de l’époque, nous avait avertis que les Français ne célébraient pas le Têt comme les Vietnamiens. Nous avions un visa de trois mois seulement, juste le temps pour accomplir toutes les formalités en vue d’obtenir la carte de séjour. On est donc arrivés à Paris pour voir une maison complètement… vide. Située à Villeneuve La Garenne, une commune rattachée au département des Hauts-de-Seine, dans le Nord de Paris, ce pavillon se trouvait en fait assez loin du centre de la capitale. Et nous, nous n’avions pas de véhicule privé et la station de tramway, telle que vous la voyez aujourd’hui, n’avait pas encore vu le jour. Pour aller au centre de Paris, nous n’avions pas d’autre choix que de marcher, oui, à pied, vers la station de bus, attendre le bus qui allait nous amener à la station RER D (La ligne D du RER d'Île-de-France, N.D.L.R.). Mais on devait toujours avoir en tête que les bus s’arrêtaient à 21 heures. Si on rate le dernier bus, on devra marcher des kilomètres pour rentrer chez nous.
Vu Hai interviewe Monique Chemillier-Gendreau, une juriste française qui a une pratique importante du droit auprès des juridictions internationales.
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Pendant les 10 premiers jours après notre arrivée, nous avons séjourné à l’ambassade du Vietnam en France, rue Boileau, dans le 16e arrondissement, à Paris. Durant ces jours, nous avons commandé tout ce qui était nécessaire à notre installation: meubles, ordinateurs, imprimante, télécopieur, téléphone, etc. Nous nous sommes aussi rendus aux ministères français de l’Intérieur et des Affaires étrangères pour demander la carte de presse. On ne l’a reçue qu’un jour avant la date d’expiration de notre visa. Ensuite, nous nous sommes allés au commissariat de police de Nanterre pour faire notre carte de séjour et notre permis de conduire.
Vu Hai (gauche) et Henri Martin, un militant du Parti communiste français et grand ami du peuple vietnamien
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Nous avons obtenu notre permis de conduire, mais nous n’avions toujours pas d’argent pour acheter une voiture. Ce n’était qu’à la fin de l’année que VOV nous a finalement transféré de l’argent pour acheter une voiture. Heureusement que durant cette période difficile, nous avons reçu un soutien précieux de Nguyên Truong Huu, un Viêtkiêu vivant en France. Il nous a même offert de la vaisselle et des ustensiles de cuisine, ce qui nous a permis d’économiser une somme d’argent.
Pour faciliter notre travail en France, nous avons, petit à petit, établi les relations avec les ministères et les services compétents de France, ainsi que les organisations internationales basées à Paris et celle de la diaspora vietnamienne sur place.
Des dirigeants de VOV appuyent sur le bouton "on air" de VOV en coréen - l’émission en langue coréenne, le 7 septembre 2018 |
Quels sont les changements qui ont été opérés au sein de VOV5 en général et du service français en particulier ces dernières années dont vous êtes le plus fier?
Ces dernières années, VOV5 a opéré beaucoup de changements importants.
Premièrement, VOV5 a réussi à lancer son site web en 13 langues dont le vietnamien. Ce nouveau dispositif a permis de faciliter l’accès des auditeurs aux émissions et de favoriser l’interaction entre VOV5 et son public. L’augmentation du nombre de courriers, notamment les courriers électroniques, permet aux journalistes de VOV5 d’améliorer leurs émissions pour répondre aux exigences des auditeurs et des lecteurs.
Deuxièmement, VOV5 a lancé la station en anglais 24/7. La création de cette station correspondait à la politique d’intégration internationale du Vietnam. Sa couverture au Vietnam est même plus large que celle de VOV5. Diffusée également sur Internet, la station en anglais 24/7 permet aux auditeurs vivant aux quatre coins du monde de suivre facilement l’information sur le Vietnam.
Troisièmement, les infrastructures de VOV5 ont été beaucoup modernisées, ce qui rassure le personnel dans son travail.
Quatrièmement, le contenu des émissions de VOV5 ne cesse d’être amélioré, en fonction des attentes du public cible.
Cinquièmement, VOV5 a lancé l’émission en coréen. Il existe une grande communauté vietnamienne en République de Corée et le Vietnam abrite aussi un grand nombre de ressortissants sud-coréens. Les deux pays étant des partenaires stratégiques, le lancement de l’émission en coréen était un succès de VOV5.
Le personnel du service français actuel
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En ce qui concerne le service français, il faut dire que son personnel est qualifié tant au niveau de la langue qu’au niveau professionnel. Plusieurs personnes ont été formées en France, en Belgique ou au Canada. Les émissions sont produites essentiellement en direct, ce qui demande beaucoup de préparatifs.
Autrefois, les membres du service français étaient formés au lycée français Albert Sarraut ou dans des écoles de langues. Ils avaient de l’expérience, mais les infrastructures étaient modestes.
Aujourd’hui, le volume de travail est bien plus important. En plus de la radio, les membres du service français doivent aussi alimenter une page web avec les informations, les images et les vidéos. Il faut être toujours plus rapide et plus compétitif. Il faut dire que le service français en particulier et VOV5 en général ont accompli avec brio leur mission.
Je vous remercie.
Vu Hai
- Secrétaire adjoint du comité du Parti communiste vietnamien à la Radio «La Voix du Vietnam» ; vice-président de «La Voix du Vietnam»;
- Député de l’Assemblée nationale, 13e législature, membre de la délégation des députés de la province de Binh Thuân;
- Membre de la Commission de la Culture, de l’Éducation et de la Jeunesse de l’Assemblée nationale;
- Président du groupe des parlermentaires d’amitié Vietnam – Belgique, vice-président de l’Association d’amitié Vietnam –Vénézuéla;
- Insigne du Premier ministre pour les missions internationales et notamment ses contributions au sein de la délégation des experts de la Radio et de la Télévision du Vietnam au Cambodge;
- Ordre du Travail, 2e classe et 3e classe;
- Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres pour ses contributions au rayonnement de la langue française à travers le monde ;
- Ordre de Tripadi et Ordre de Munisariapoan du gouvernement royal du Cambodge.