L’ambassadeur de France au Vietnam, Bertrand Lortholary |
Au moment de mon arrivée, la France et le Vietnam avaient déjà une qualité exceptionnelle de relations politique, économique… dont la visite du président François Hollande a témoigné. Un certain nombre de progrès ont été enregistrés à la faveur de cette visite. Entre septembre 2016, qui était le moment de cette visite mais également de mon arrivée, et aujourd’hui, 18 mois plus tard, nous avons franchi un nouveau palier dans la relation franco-vietnamienne que l’ambassade de France à Hanoï et l’ambassade du Vietnam à Paris ont cherché à accompagner main dans la main. Je dis « accompagner », parce que ce palier franchi résulte d’abord et avant tout de la volonté politique au plus haut niveau de nos deux pays. Et cette volonté a été réaffirmée avec la plus grande force à la faveur des entretiens qu’a eus le secrétaire général avec les plus hautes autorités françaises.
Quelles sont les priorités de la France au Vietnam ?
Les priorités de la France au Vietnam rejoignent les priorités que le Vietnam a lui-même dans sa relation avec la France. C’est pour cela que la relation bilatérale est aujourd’hui à un niveau aussi exceptionnel. D’abord je crois que les deux pays ont à cœur de renforcer, d’approfondir leurs liens en matière économique. Le secrétaire général et sa délégation ont beaucoup insisté sur cette nécessité de renforcer les liens économiques. Aujourd’hui, la France et le Vietnam ont 6 milliards d’euros d’échanges. Les statistiques vietnamiennes sont un tout petit peu différentes des nôtres mais peu importe, nous faisons le même constat, à savoir que nous faisons déjà beaucoup mais que nous devons et nous pouvons encore faire beaucoup plus. Parce que 6 milliards d’euros conduisent la France à occuper 1% du marché vietnamien et nous considérons qu’1% de parts de marché, ce n’est pas en adéquation avec le niveau de cette relation politique qui, je le redis, est exceptionnel. Donc, nous allons continuer à agir dans ce domaine-là, de façon extrêmement concrète. D’abord, pour ce qui nous concerne, nous encourageons les entreprises françaises à venir trouver des partenaires au Vietnam et à y investir. Nous avons aujourd’hui 300 entreprises françaises qui emploient 30.000 personnes au Vietnam. Nous avons de très beaux projets : la ligne pilote du métro à Hanoï, des contrats importants dans le domaine aéronautique entre Airbus et Vietnam Airlines, Vietjet Air, Bambou Airways. Nous sommes très présents dans le secteur des infrastructures, des produits de consommation, de la pharmacie, de la cosmétique, des produits agroalimentaires, des vins et spiritueux. Tout ça fait un bilan très satisfaisant mais dans nos deux pays, on aime ne pas se satisfaire de ce qui est satisfaisant, on aime se satisfaire de ce qui est exceptionnel. C’est ça l’objectif, d’aller plus loin, plus vite, plus fort. Cet objectif sera favorisé par l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange Union européenne-Vietnam, un accord dont la négociation est achevée mais qui doit désormais être signé puis ratifié d’un côté comme de l’autre. On souhaite que ces procédures puissent être accomplies dans les meilleurs délais et que cet accord puisse entrer en vigueur en fin d’année ou au début de l’année prochaine, au bénéfice des entreprises vietnamiennes, européennes, françaises mais aussi de l’approfondissement des liens économiques entre nos deux pays.
Il s’agit d’une priorité à la fois de la France et du Vietnam. D’ailleurs, la visite du secrétaire général a montré le dynamisme qui existe aujourd’hui, puisque c’est plus de 11 milliards d’euros de contrats qui ont été signés entre entreprises françaises et vietnamiennes à la faveur de ce déplacement.
Il y a bien d’autres priorités : les relations politique, stratégique, de défense, de sécurité... Nous faisons le constat avec le Vietnam que nous partageons des analyses sur des grands sujets de la vie internationale, sur les principes fondamentaux qui régissent la vie des nations dans le monde d’aujourd’hui, des principes de souveraineté, d’indépendance, de multilatéralisme, de respect du droit…
L’une de vos priorités, M.l’ambassadeur, consiste à rapprocher la France de la jeunesse vietnamienne par le biais de programme d’enseignement du français, de programmes francophones…
Vous avez raison de le dire, c’est le troisième pilier de notre action au Vietnam. Nous sommes aujourd’hui des héritiers d’une longue et riche histoire commune de nos deux pays. Cet héritage, nous voulons le faire fructifier et le transmettre aux générations à venir, à la jeunesse de chacun de nos deux pays. Comment le faire ? Il y a d’abord et avant tout l’éducation. Ça commence à un très jeune âge. C’est en particulier la promotion de la francophonie et plus généralement du bilinguisme dès les premières années de la vie scolaire. C’est ensuite pour l’enseignement supérieur : favoriser encore davantage la mobilité étudiante entre les deux pays. Nous avons le privilège d’accueillir en France plus de 7.000 Vietnamiens, ce qui fait de la France le premier pays d’accueil en Europe et le troisième au monde des étudiants vietnamiens. Nous souhaitons également encourager les étudiants français à venir toujours plus nombreux dans des établissements d’enseignement supérieur vietnamiens. Les flux ont commencé à croître, et nous voulons encourager cette tendance. Nous voulons aussi être très présents dans le domaine de la création culturelle, des échanges artistiques. Dans le domaine de la santé, nous avons formé en France une partie importante de l’élite médicale vietnamienne : 3000 médecins vietnamiens depuis 25 ans. Nous voulons continuer à être à la tête de cette coopération entre le Vietnam et les pays étrangers en matière de santé. Nous voulons également poursuivre notre engagement ancien en matière de coopération juridique au moment où le Vietnam est engagé dans des réformes profondes de ses modes de fonctionnement, de son droit. La France continuera à accompagner le Vietnam dans ce domaine-là. Notre ambition est forte, nous avons beaucoup d’appétit dès lors qu’il s’agit de la coopération franco-vietnamienne. Cette ambition française, cette vision est partagée par le Vietnam lui-même et c’est ensemble que nous allons pouvoir franchir avec succès ces nouvelles étapes. Je voudrais à cet égard reprendre la formule avec laquelle le président de la République a conclu il y a quelques jours à Paris son intervention devant les médias vietnamiens et français en présence du secrétaire général à l’Elysée. Il a conclu son propos en disant qu’aujourd’hui, la France et le Vietnam se sourient l’un à l’autre et que nos deux pays regardent ensemble avec une vision commune de cet avenir partagé. Je crois que cette formule rassemble au fond la façon dont l’un et l’autre pays envisagent l’avenir de leurs relations.