Les foulards Piêu |
Toutes les femmes thaï noires ont leur Piêu.
Ce foulard est une pièce maîtresse de leur habit quotidien, un cadeau qu’elles
offrent à l’élu de leur cœur et une offrande utilisée lors des cérémonies de
culte, comme nous l’explique Hoàng Thi Mai, 71 ans, une artisane de Son La.
«Le Piêu est pour nous un objet indispensable.
Avant son mariage, la femme doit en broder au moins 30 pour les offrir aux
parents et à la famille de son futur mari», indique-t-elle. «À la mort de l’un
des deux conjoints, le Piêu est coupé en deux, l’une des moitiés servant à
couvrir le visage de la personne décédée. L’autre personne gardera la moitié
restante jusqu’à la fin de ses jours et au moment de son décès, on utilisera
cette moitié pour couvrir son visage. Comme ça, le couple pourra se retrouver
dans l’autre monde».
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Toute mère thaï noire qui se respecte aura à
cœur d’apprendre à sa fille à confectionner son Piêu. Il faut d’abord choisir
un beau tissu blanc, de préférence de tissage artisanal. Ce tissu sera ensuite
teinté en noir et les fils à broder, en différentes couleurs, avec des
colorants naturels. Les décorations ne se trouvent qu’aux deux extrémités du
foulard. La technique traditionnelle consiste à broder au verso le motif qui
apparaît au recto. Il s’agit souvent de losanges, de plantes ou de fleurs… Une
fois la broderie achevée, le foulard sera bordé de tissu rouge sur toute sa
longueur. Sur ses deux extrémités, seront accrochés de minuscules cônes de
tissu, rouge aussi, représentant des feuilles de fougère. En général, les
femmes thaï portent un foulard avec trois «feuilles de fougère» à chaque
extrémité, mais lorsqu’elles offrent un Piêu à quelqu’un, il faudra alors au
moins cinq feuilles, nous dit Lù Thi Chum, une Thaï noire de Son La.
«Pour créer ces feuilles de fougère, nous roulons
une bande de tissu rouge large d’un centimètre autour d’un noyau constitué de
fils, de façon à faire un cône représentant la feuille», précise-t-elle. «Ma
mère m’a appris à broder et à mon tour, je veux aussi transmettre ce
savoir-faire pour que l’identité culturelle thaï ne se perde jamais».
Modernisation oblige, la plupart des jeunes
thaï noires ne savent plus broder. Leur apprendre ces techniques
traditionnelles est donc devenu une priorité pour les autorités et les
associations de femmes de plusieurs localités du Nord-Ouest, estime Quàng Thi
Vin, la présidente de l’Union des femmes de Son La.
«Chaque année, dans le cadre de la fête des
fleurs de bauhinie, nous organisons un concours de broderie de Piêu», nous
dit-elle. «C’est l’occasion pour les femmes de se rencontrer, d’apprendre les
unes des autres, de perpétuer la tradition et de la transmettre aux générations
suivantes».
Si dans leur vie quotidienne, les femmes thaï
noires préfèrent les vêtements modernes à l’Occidentale pour leur aspect
confortable, il est hors question pour elles de renoncer à leur habit
traditionnel, et encore moins à leur foulard Piêu.