Ma Thi Di (gauche) et sa mère Châu Thi Say (centre) lors d'un échange organisé par l'Union des femmes vietnamiennes. Photo: VOV |
Ma Thi Di avait 14 ans lorsque la famille de Vàng, un garçon dont elle venait juste de faire connaissance, a tenté de la kidnapper. Loin d’obtempérer, elle a farouchement résisté. Aujourd’hui, à 20 ans, Di se souvient.
«En fait, j’ai été prise de court lorsqu’on me forçait à accepter ce mariage. Je n’avais qu’une seule envie: poursuivre les études pour enrichir mes connaissances. J’ai donc fait fi des commentaires des voisins qui m’accusaient de trahir une vieille tradition», nous dit-elle.
Sa détermination a permis à Di de continuer d’aller à l’école alors que d’autres filles de son âge sont devenues, malgré elles, des femmes mariées. Elle est aujourd’hui propriétaire d’une boutique en ligne où elle vend des costumes de son ethnie.
«Je veux dire aux enfants des montagnes de poursuivre leurs rêves et d’avoir confiance en eux. Sachez que dehors, il y a plein de choses que nous n’avons jamais connues», partage-t-elle.
La mère de Di, qui s’appelle Châu Thi Say, s’était mariée précocement et sans le vouloir, comme bien d’autres femmes Mông. Mais en tant que mère, pour le bonheur de sa fille, il y a 6 ans, elle a pesé le pour et le contre entre d’une part, accepter une vieille tradition et d’autre part, respecter l’avis de sa fille.
«Je voulais que ma fille puisse obtenir son bac et continuer ses études, mais je n’osais pas me révolter contre une coutume. C’est le refus catégorique de ma fille qui m’a décidée à parler avec les parents du garçon. Maintenant, Di est heureuse et moi aussi, j’espère que le succès viendra dans sa vie grâce aux études», nous confie Châu Thi Say.
Ma Thi Di. Photo: VOV |
L’histoire de Ma Thi Di et de cette pratique d’enlèvement de femmes dans les régions montagneuses du Nord Vietnam a été racontée de façon authentique par Hà Lê Diêm dans son documentaire Children of the Mist (Enfants de la brume). Un film qui a obtenu plusieurs prix internationaux, avant d’être nominé aux Oscars 2023. Selon Nguyên Lê Hoài Anh, professeure à l'École normale supérieure de Hanoï, le courage de Di encourage d’autres jeunes ethniques à mettre fin aux pratiques obsolètes de leurs communautés.
«L’enlèvement symbolique de la mariée est une belle tradition mais les abus dont celle-ci fait l’objet ne sont en rien compatibles à la société actuelle. Si Ma Thi Di n’en a pas été victime, c’est parce qu’elle-même a compris qu’il ne fallait pas rester aveuglément fidèle à une tradition obsolète. Elle a eu de la chance d’avoir le soutien de sa famille. Et tant mieux. Nous observons d’ailleurs aujourd’hui une sensibilisation et une implication de plus en plus forte de la société dans la protection des droits des enfants, ainsi que dans l’élimination des préjugés et des discriminations, notamment à l’égard des filles issues de minorités ethniques», constate-t-elle.
«L’égalité des genres et le règlement des problèmes urgents concernant les femmes et les enfants» est l’intitulé d’un des dix projets du programme national de développement socioéconomique des zones montagneuses et peuplées de minorités ethniques. Mené par les collectivités locales et les antennes de l’Union des femmes, il a donné des premiers résultats encourageants, comme l’indique Tôn Ngoc Hanh, vice-présidente de l’Union des femmes vietnamiennes.
«Nous avons promulgué 12 guides différents et mis en place des modèles dans 8 provinces représentatives. Nous avons également diffusé des brochures de communication imprimées et numériques, ainsi que des clips vidéo et des BD traduites dans différentes langues ethniques. En plus, nous avons formé des femmes ethniques pour les aider à vendre leurs produits à des prix plus élevés, à avoir un emploi et un revenu stables afin de pouvoir mieux s’occuper de leurs familles et de leurs enfants. Grâce à toutes ces actions, ces femmes, en général, ont aujourd’hui une pensée plus progressiste et renoncent aux mariages consanguins ou précoces», affirme-t-elle.
Et c’est ainsi que petit à petit, les minorités ethniques finiront par renoncer aux pratiques obsolètes pour ne garder que les plus belles de leurs traditions, qui participent de leur identité.