Song Thi Chu et sa fille. Photo: VOV |
Le soleil ne s’est pas encore levé. Song Thi Chu et sa fille s’affairent dans la préparation de leurs sacs d’école. Cinq jours par semaine, elles vont ensemble à l’école primaire de Nà Nghiu. La fille de Song Thi Chu va dans une classe ordinaire, et elle, dans une classe d’alphabétisation. Pour cette femme Mông, c’est un rêve vieux de plus de 30 ans qui prend ainsi corps.
Sông Thi Chu est née dans une famille très pauvre. Son village n’ayant pas d’école, elle a passé son enfance à travailler avec ses parents au champ. Elle a grandi, s’est mariée, a eu des enfants et les occupations familiales lui ont fait oublier qu’elle ne savait ni lire ni écrire. Mais 2022 a marqué un tournant dans sa vie, lorsqu’une classe d’alphabétisation pour adultes a été ouverte dans sa commune.
“Je suis déjà d’un certain âge et ce n’est vraiment pas pratique de ne savoir ni lire, ni écrire, ni calculer. Après avoir appris tout ça, je crois que je saurai mieux gérer mes ventes de poules, de maïs et de manioc. Ce printemps est évidemment plus joyeux que les précédents. Je ferai des efforts pour savoir lire et écrire comme mes trois enfants», nous dit Sông Thi Chu.
À l’instar de Sông Thi Chu, Lo Thi Thoa a trouvé que manipuler un stylo était bien plus difficile que piocher la terre, tisser ou broder. Depuis des dizaines d’années, Thoa rêvait de pouvoir un jour écrire elle-même son nom.
«J’ai dû demander de l’aide à chaque fois qu’il fallait remplir un papier. C’est fini maintenant. La maîtresse est très dévouée et patiente, elle m’a appris des mots en les répétant plusieurs fois, jusqu’à ce que je les mémorise. Ça fait seulement deux semaines que je suis ce cours, je sais déjà écrire mon nom et celui de mon enfant», nous confie-t-elle.
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Près de 80 élèves se trouvent dans la même classe: ça va de filles de 20 ans à des dames aux cheveux gris. Parmi elles, beaucoup n’ont jamais appris les lettres ou les chiffres, d’autres les ont oubliés, faute de pratique. Depuis la rentrée, il y a trois mois, la maîtresse Lo Thi Phuoc a fait beaucoup d’efforts, ne serait-ce que pour franchir les barrières linguistiques.
«Nos élèves sont issus de plusieurs minorités ethniques, il y a des Mông, des Thai, des Sinh Mun, des Kho Mu… Beaucoup ne parlent pas le vietnamien et je dois leur donner des explications dans leur langue. Ils sont aussi pour la plupart démunis et pour les aider, nous leur donnons des livres, des cahiers et des stylos. Ce sont des adultes qui commencent l’école tel qu’un enfant de six ans», partage-t-elle.
La classe de Lo Thi Phuoc est l’une des quatre classes d’alphabétisation que le district de Sông Ma a ouvertes cette année scolaire 2022-2023. Il en programme 18 autres d’ici à 2025 pour les minorités ethniques des zones les plus reculées, comme l’indique son responsable de l’éducation et de la formation, Nguyên Công Viên.
«L’alphabétisation est un travail ardu. Les élèves sont pour la plupart en âge de travailler. Nous avons donc dû nous concerter avec les organisations sociopolitiques pour pouvoir adapter les horaires de classe à leur temps de travail. Les enseignants sont des personnes capables de parler des dialectes et surtout très motivés, et il le faut parce qu’apprendre à des élèves adultes, c’est très différent de ce qui se fait avec des enfants», fait-il savoir.
C’est donc un véritable exploit, autant pour les minorités ethniques que pour leurs enseignants, de réussir ce pari de l’alphabétisation. Mais, dans chaque classe, les yeux sont remplis de joie lorsqu’apparaissent des mots soigneusement écrits sur du papier blanc. Et lorsque tous ces adultes prononcent ensemble à haute voix les nouveaux mots, c’est un son d’espoir…