La peau de buffle fermentée |
Du cuir de buffle? Rien d’original à cela. Mais de la peau de buffle fermentée? Peu de gens en connaissent le secret, même au sein de la communauté Thaï. Tong Van Yên fait partie de ces cuisiniers habiles, qui sont capables de transformer cette matière épaisse, dure et résistante en un plat délicieux et croustillant.
«Il faut d’abord couper la peau en morceaux de la taille d’une main, que l’on trempe ensuite dans de l’eau chaude avant de les raser. Ensuite, on les rôtit au feu de bois jusqu’à ce qu’ils jaunissent et sentent bon. Bien lavés, ces morceaux sont mis à bouillir dans une marmite. Au final, ils doivent être mous, mais pas trop pour garder une texture croustillante», explique-t-il.
La recette d’assaisonnement comprend des ingrédients typiques de la jungle du Nord-Ouest, à savoir du mac khen, qui est une sorte de poivre régional, des noix de canarium, du liquide dans lequel ont fermenté des pousses de bambou. On y ajoute également du sel, du sucre, de la poudre de riz torréfié, de l’ail, du piment ainsi qu’un mélange de sésames et de cacahuètes pilés. La peau de buffle ainsi assaisonnée sera mise dans un vase bien hermétique. Au bout d’une semaine, on peut la manger en ajoutant des ingrédients supplémentaires, et en mélangeant le tout avec de la coriandre hachée.
Le plat est présenté sur un plateau avec diverses variétés de feuilles de forêt, d’herbes aromatiques et une fleur de bananier. En plus d’être beau, ce plat à base de peau de buffle fermentée a pour vertu de rendre moins ivre et d’atténuer le caractère gras des plats composés de trop de viande. Aussi pendant les fêtes, chaque famille Thaï se procure-t-elle obligatoirement un vase de peau de buffle fermentée, qui est pour elle l’équivalent des oignons et de la moutarde fermentés des Kinh en plaine.
Aujourd’hui, cette spécialité culinaire a trouvé une place de choix dans les restaurants Thaï de Son La. Bien des touristes de passage l’achètent pour manger ou pour offrir à des proches. Le prix est raisonnable, de 100.000 dôngs le kilo seulement. Luong Thi Mai, une autochtone, en a fait son métier.
«Auparavant, je faisais ce plat pour la famille. Tout le monde a adoré, alors j’ai essayé de le commercialiser. Les clients ont apprécié, ça se vendait à merveille, à tel point que j’ai décidé de me consacrer entièrement à ce travail. La peau de buffle fermentée nous assure maintenant un niveau de vie et des revenus tout à fait confortables», nous dit-elle.
Des morceaux de peau croustillants imprégnés d’ingrédients parfumés, fraîchement acides, un peu amers, un peu doux, légèrement gras et agréable au goût… une sensation qui ne laissera personne indifférente, surtout si on les consomme avec un verre d’alcool de maïs. Ça vaut vraiment le coup d’essayer!