André Flahaut. Photo: Thuỳ Linh |
Ce n'est pas ma première visite au Vietnam. Je suis venu au Vietnam au début des années 90. Et donc, au gré des mandats que j'ai eus comme ministre de la Fonction publique, puis comme ministre de la Défense et aussi comme président d'Assemblée, j'ai à chaque fois voulu concrétiser mes passages par une série de résolutions ou d'engagements pris. Il y a donc eu un protocole sur la fonction publique fédérale. Il y a eu un protocole sur la défense en 2003. Et il y a eu aussi cette résolution qui vient d'être adoptée à l'unanimité par le Parlement belge, à mon initiative, pour attirer l'attention sur le fait qu'il y a encore aujourd'hui des victimes de l'agent orange utilisé lors de la guerre du Vietnam. Des indemnisations ont eu lieu pour les ressortissants américains, mais il n'y a pas eu d'indemnisation pour les victimes vietnamiennes, ni non plus d'intérêt de la communauté internationale pour aider en partenaires les Vietnamiens à assainir les sols, pour rendre ces sols à l'agriculture. Donc il y a l'aspect à la fois humain et l'aspect plus économique.
J'ai rencontré trois fois le général Giap, et quelque part, je voulais donner à cette visite un contenu de mémoire, avec un anniversaire, celui Diên Biên Phu, mais aussi l’anniversaire de l'Oncle Hô, et donc je crois que chaque fois que l'on peut associer la symbolique, la mémoire, le concret et la longévité dan les relations entre les personnes, c'est important.
André Flahaut au village d'amitié. Photo: WBI |
Vous avez mentionné la résolution sur l'aide à apporter aux victimes de l'argent orange durant la guerre du Vietnam adopté à l’umanimité par la Chambre des représentants de Belgique en octobre 2023. Le parlement belge est le tout premier, au monde, à avoir adopté une telle résolution. Quelle est son influence sur d'autres pays, d'après vous?
Alors maintenant, je crois que la résolution telle qu'elle a été déposée, elle n'est pas venue comme ça. La résolution, elle vient surtout des gens chez nous qui sont dans l'amitié Belgique-Vietnam depuis de très nombreuses années. Aujourd'hui le monde change. Et on doit absolument s'enlever de l'idée que nous ne pouvons pas transposer nos modèles ailleurs.
Partant de là, on a réfléchi et on a dit qu'il faut, avec Mme Trân Tô Nga. C'est une dame qui est résistante, vraiment à l'image du peuple d'ici. Et puis, finalement, on a émis un texte en identifiant les responsabilités. C'est ça l'événement quand même remarquable, c'est qu'on dit clairement que l'agent orange, utilisé par les États-Unis pendant la guerre du Vietnam, a pour conséquence aujourd'hui de créer encore des victimes.
Et à côté de cela, l'objectif c'était de faire voter. Je dois avouer très honnêtement que je ne croyais pas que ce texte allait être voté à l'unanimité. Parce que là, de l'extrême gauche à l'extrême droite… Le Parlement belge déclare qu'il faut reconnaître la responsabilité, qu’il faut demander des indemnisations. Donc on appuie la démarche. Mais il faut indemniser, il ne faut pas s'arrêter là. Il faut continuer à être attentif, à soutenir dans la mesure du possible.
Et puis nous avons les élections européennes. Et là, au moment des élections européennes, il y aura de nouveaux députés européens. Donc on va identifier des députés européens pour qu'ils portent à un autre niveau, au niveau européen en quelque sorte, cette préoccupation. Et ainsi, de fil en aiguille, on va pouvoir, réveiller le problème qui était un peu en sommeil.
André Flahaut au musée de Diên Biên. Photo: WBI |
C’est le bon fruit d'un long processus de soutien aux victimes de guerre en général, et aux victimes vietnamiennes de l'agent orange en particulier. Depuis quand êtes-vous dans ce mouvement?
C'est quand j'ai visité pour la première fois le village de l'Amitié. C'était je crois en 2004. J’ai revu ce village de l'Amitié, et je verrai encore cet après-midi un autre village, avec les responsables de l'Association vietnamienne des victimes de l'agent orange, et aussi cette dame qui se bat depuis des années pour faire reconnaître le crime qui a été commis, le crime de guerre qui a été commis, pour faire indemniser les victimes vietnamiennes qui n'ont pas été indemnisées par les États-Unis, et qui effectivement souhaitent pouvoir contraindre les entreprises responsables à indemniser ces victimes. Mais les victimes, elles sont encore au nombre de 3 millions aujourd'hui dans le pays. C'est au détour de cette discussion avec cette dame qu'on s'est dit qu’on allait faire cette résolution. Ce vote à l'unanimité est une première mondiale au niveau du Parlement belge, et j'espère qu’il pourra être prolongée dans d'autres parlements au niveau européen, pour ne pas que l'on oublie, parce que trop souvent on oublie les victimes des conflits. On s'émeut lorsqu'on voit les premières images, puis on oublie, et ça on ne peut pas oublier: il faut être actif dès que les choses se produisent.
Pourriez-vous faire un bilan succinct des soutiens belges aux victimes vietnamiennes de l'agent Orange?
Dans l'état actuel des choses, les soutiens, ils sont le reflet d'expressions de besoins émis par les associations. La résolution est un premier pas. Maintenant les étapes qui suivent vont effectivement porter sans doute sur peut-être les recherches au niveau militaire pour voir s'il n'y a vraiment pas un endroit dans ce monde où des chercheurs militaires ou des universités ont trouvé des moyens pour faire en sorte, non pas seulement d'apaiser la peine des victimes, les séquelles, mais peut-être de trouver des solutions plus durables et plus irréversibles. L'autre élément, c'est aussi le fait que des coopérations peuvent se faire sur base d'un protocole signé en 2003 entre les défenses belges et les défenses vietnamiennes pour envisager certains assainissements de terrain de façon irréversible qui pourraient être rendus au peuple vietnamien pour la culture, l'agriculture, mais surtout pour éviter qu'on continue à produire des victimes deux ou trois générations après. Il y a alors un autre ensemble de partenariats possibles au travers de la recherche universitaire, la recherche de l'agriculture, etc.
Photo: WBI |
Qu'est-ce que vous feriez, la partie belge en général, et vous-même en particulier, pour soutenir davantage les victimes vietnamiennes de l'agent de l'orange, et pour décontaminer les gens touchess par des agents chimiques au Vietnam?
Quand on sait qu'il y a encore aujourd'hui 3 millions de personnes qui sont touchées directement ou indirectement, on se rend compte que, finalement, l'utilisation de cet agent orange, c'est soit une utilisation d'une arme par des apprentis sorciers, ou encore c'est une utilisation, comme on a encore aujourd'hui dans certains conflits, d'armes par des brutes sanguinaires qui ne se préoccupent pas des conséquences. Et donc voilà, je crois que ce qu'il faudrait peut-être faire maintenant, c'est notamment au niveau des instituts de recherche scientifiques par les coopérations d'universités, ou aussi peut-être au niveau militaire, parce qu'il y a aussi des recherches dans les institutions militaires, reprendre quand même, avec les techniques que l'on connaît, les connaissances que l'on a aujourd'hui, reprendre s'il n'y a vraiment pas moyen de trouver quelque chose pour finalement guérir, ou atténuer encore plus les effets catastrophiques.
Il y a une couverture de l'ensemble du territoire, et en cela, c'est quelque chose de remarquable. Et donc là aussi, il faut attendre l'expression de besoin. Par exemple, on a fait un don lorsque la dame est venue à la présidence de la Chambre. On a fait un don de chaise roulante, on a fait un don de déambulateurs, je crois, cet après-midi. Ou encore, on va annoncer que cette dame veut faire aussi un don pour équiper une pièce scolaire dans une cité ou un village de l'amitié.
J'ai vu qu'à certains endroits, il y avait des ordinateurs offerts par le Japon, qu’à d'autres endroits, il y a d’autres choses. Là, on doit réfléchir, et ça, c'est au niveau des particuliers, des organisations non gouvernementales ou encore des différents niveaux de pouvoir que l'on peut déterminer, mais toujours en fonction de l'expression des besoins de l'autre. Il ne s'agit pas de venir imposer des choses dont nos partenaires n'ont pas besoin.