Ma première activité, c’est d’abord
être à l’écoute des partenaires. Je crois qu’avant d’agir, il faut comprendre,
s’imprégner de ce qui se passe. C’est vrai que dans la philosophie de l’AUF,
dans sa stratégie, dans sa façon de faire, les besoins et les priorités des
partenaires sont, pour nous, la priorité absolue.
Il y a des choses à engager. D’abord,
l’AUF, c’est une stratégie globale à l’échelle du monde. On est présent sur
tous les continents. On a des centaines d’institutions universitaires membres.
Ce qui est important à souligner, c’est qu’il y a une stratégie qui est définie
par notre recteur qui se décline en plusieurs axes. Parmi les axes
fondamentaux, il y a la question de la professionnalisation qui est très
importante. La seconde dimension fondamentale pour l’AUF, c’est d’instaurer un
dialogue ou de renforcer le dialogue entre les universités et le monde
socio-économique, et là, beaucoup d’efforts sont faits par l’AUF. Un autre
élément très important dans cette stratégie, c’est la démarche qualitative. Il
y a des évaluations qui doivent être faites, des procédures qui doivent être
mises en place, et cette démarche qualitative, elle consiste justement à faire
un diagnostic, à détecter les dysfonctionnements, et à les corriger, à amorcer
un fonctionnement qui soit le plus transparent et rationnel possible… C’est
quelque chose d’absolument essentiel pour les institutions universitaires, au
Vietnam comme dans toutes les régions que nous couvrons.
Mme. Ouidad Tebbaa. Photo: AUF
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VOV: Que
pensez-vous de la région Asie-Pacifique?
C’est une région particulière dans le
monde, qui a une vitalité économique exceptionnelle, connue aussi pour
l’engagement, le sérieux, la rigueur que l’on y met à travailler, à amorcer des
projets, à les développer... Mais c’est aussi une région qui n’est quasiment plus francophone. Il y a des composantes qui font que, au niveau de
ce bureau régional, il faut qu’on réfléchisse à la manière dont nous pouvons
collaborer, à ce que nous pouvons faire pour renforcer la francophonie dans
cette région et l’accompagner aussi dans cette vitalité économique. C’est pour
ça que je parle de professionnalisation des filières, mais des filières
francophones en particulier. Ce qui frappe dans cette région et notamment au
Vietnam, c’est de voir, à quel point, sur le plan économique, il y a une
créativité, une innovation, celle-ci étant la pierre angulaire des projets de
l’AUF.
VOV: Surtout
au niveau de l’application des sciences et des technologies?
C’est absolument un engagement de
l’AUF. C’est un rapprochement essentiel qui confirme que nous sommes sur la
bonne voie. La preuve : la Confrasie (la conférence des recteurs qui
rassemble les recteurs et présidents de 80 universités dans cette région)
portera sur le mois de mai prochain 2019 à HCM ville sur le monde
socioéconomique et le monde universitaire. Je crois que l’AUF est sur la bonne
voie.
La priorité est de réfléchir et de
rationaliser les profils, les filières que nous souhaitons avoir dans cette
région. Ce qui est intéressant de ce point de vue-là, c’est que l’AUF a créé le
Conseil d’orientation stratégique chez nous, à la DRAP, et le Conseil régional
d’orientation stratégique, qui rassemble des opérateurs économiques de renom
avec cette volonté de rapprocher le milieu académique et le milieu
socio-économique.
VOV: Quelles
sont les différences entre l’Asie-Pacifique et votre région d’origine?
Je viens d’une autre région du monde,
de l’Afrique du Nord. Ce qui est frappant c’est de voir à quel point cette
région de vitalité sert de levier pour d’autre région du monde. Pour l’AUF,
c’est un terrain particulier. Je vois bien la différence avec le mien, parce
que l’écoute du monde socio-économique n’est pas de la même au Maghreb et en
Asie-Pacifique. Il faut être attentif à cela, même si le Maghreb est beaucoup
plus francophone. En dépit des difficultés qu’on décrit, la francophonie est
encore omniprésente au Maghreb. Il faut que le français devienne un atout dans
la vie professionnelle. Le simple fait de parler français doit nous permettre
de nous insérer davantage. Par exemple, je me rends en Chine le 18 septembre
parce qu’il y a une cérémonie qui s’appelle Le Trophée des talents où il y a la
chambre de commerce France-Chine qui organise en partenariat avec l’AUF. Cet
événement permet de couronner de jeunes entrepreneurs francophones. C’est quelque
chose d’absolument essentiel. Il faut qu’on crée, qu’on innove, qu’on entreprenne
et qu’on manage en français. C’est le défi que nous avons à relever.
VOV: A
chaque directeur/directrice de l’AUF une philosophie. Quelle est la vôtre?
Sincèrement, ma philosophie vient d’une
autre région du monde et je ne viens pas directement de France. C’est d’abord
d’apprécier et d’essayer d’analyser les atouts. On a à peu près 1% de francophones
du monde dans cette région, mais il y a aussi tant d’autres choses, d’autres
défis que la francophonie a à relever ici sur un terrain singulier et fertile.
Quand vous formez un jeune francophone, vous avez un potentiel sans commune
mesure avec ce qui existe ailleurs dans le monde. Depuis que je suis ici, je
sens une vitalité communicative qui donne envie d’aller de l’avant.
Ce qui est frappant c’est qu’on a
l’impression que tout le monde travaille, qu’il y a une espèce de volonté
d’aller de l’avant. Quel que soit le niveau social, la difficulté que l’on
rencontre, on avance. Et les femmes travaillent. Elles sont là, en train de
commander une entreprise ou de tenir des petits métiers, elles sont engagées à
fond pour garantir à elles-mêmes ou à leurs enfants une qualité de vie. C’est
magnifique.
Au niveau du travail des femmes, je rêve
de monter des projets comparatifs pour montrer à quel point, dans cette région
du monde, les femmes sont au cœur de la vie économique et sociale. On n’a pas
besoin d’être dans une attitude féministe affichée, militante, mais on
travaille, on avance. Ce sont des femmes engagées.
VOV: Vous
avez aussi un fort engagement pour le patrimoine?
Le patrimoine est une passion. Je viens
d’une ville qui a été doublement classée par l’UNESCO, à la fois au niveau de
son patrimoine bâti mais aussi au niveau immatériel. On a donc une grande
richesse patrimoniale et c’est aussi quelque chose d’essentiel, surtout dans
des pays touristiques. Le Vietnam en est un aussi. Il faut absolument réfléchir
au côté de la durabilité, du tourisme durable, sur la question de la préservation
non seulement du patrimoine bâti, mais aussi de ce qui fait le cœur d’une
culture. C’est des savoir-faire, des traditions. C’est aussi un défi
civilisationnel qu’on a à relever parce que c’est le cœur de notre identité.
L’ouverture aux autres aussi, mais aussi dans la préservation fondamentale de
ce que nous sommes.
L’AUF est toujours dans
ce souci de la durabilité, dans la façon de préserver un écosystème
institutionnel mais aussi patrimonial. Nous sommes à l’écoute de ces pays et de
cette région et des besoins qui sont les leurs.