C’est devenu un rendez-vous quotidien. Tous les soirs, à 19h, la terrasse de la maison du 87 rue Ma Mây, dans le vieux Hanoï, se transforme en scène de ca trù. Touristes et mélomanes suivent avec intérêt des interprètes de ce chant pluri-centenaire présenter leur art avec la plus grande sobriété qui soit. Juste une chanteuse qui tient le rythme en frappant sur un morceau de bambou posé à même la terre, un joueur de luth à trois cordes et un joueur de tambour. La chanteuse interprète des poèmes de grands lettrés avec une technique vocale dont l’originalité n’a d’égale que celle du luth à trois cordes (dan day), un instrument typique de la musique traditionnelle vietnamienne. Quant au joueur de tambour, c’était à l’origine un spectateur connaisseur qui frappait sur son tambour pour exprimer sa satisfaction devant une phrase ou une mélodie qui lui plaisait, d’où l’appellation consacrée «tambour d’éloge». Aujourd’hui, le joueur de tambour est souvent un instrumentiste professionnel.
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Mais revenons-en aux honneurs de l’UNESCO. C’était en octobre 2009, l’organisation avait alors classé le ca trù dans sa liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. Depuis, la ville de Hanoï, qui compte le plus grand nombre de pratiquants du ca trù avec 29 artistes émérites, prend de nombreuses mesures pour le sortir de cette liste. Parmi ces mesures, l’organisation de festivals municipaux, trois jusqu’à présent, ainsi que de concours.
«Les concours ont permis de révéler de nombreux jeunes talents. Certaines chanteuses ont réussi à copier le style de maîtres d’autresfois, sans doute à force d’écouter leurs enregistrements, car beaucoup ne sont plus de ce monde», constate l’ethnomusicologue Dang Hoành Loan, un grand spécialiste du ca trù. «Une autre chose encourageante, c’est que les candidats de ces concours ont été formés par des maîtres de la génération précédente.»
Parrallèlement à la formation, la ville de Hanoï attache une grande importance à la création d’un public pour le ca trù, un art plutôt difficile d’accès en raison de sa double nature, savante et populaire. A Liên Hà, une commune rattachée au district de Dông Anh, en banlieue hanoienne, le ca trù a été introduit dans les activités extrascolaires à l’attention des enfants. Selon Phùng Thi Hông, responsable du club de ca trù du Centre de développement musical du Vietnam, c’est une très bonne initiative.
«L’introduction de cours de ca trù dans les programmes scolaires permettra de familiariser les enfants à cet art dès leur jeune âge. Mais il faudrait surtout veiller à ce que les artistes de ca trù puissent pratiquer cet art régulièrement, pour qu’il ne périclite pas», estime-t-elle.
Vu Thi Thuy Linh, membre du club de ca trù de Phu Thi, partage cet avis.
«Nous autres pratiquants du ca trù, ne voulons rien d’autre que d’avoir un espace de représentation et de bonnes conditions pour présenter au public notre art. Les festivals qui ont lieu tous les deux ans ne suffiront pas», affirme-t-elle.
Les spécialistes sont unanimes, Hanoï qui compte le plus de pratiquants parmi les 14 villes et provinces où se développe cet art, doit être la première à répertorier et à dresser l’état des lieux du ca trù. Cela est nécessaire à l’élaboration d’un plan stratégique de préservation et de développement durable de cette tradition musicale.