95% de la population afghane manque de nourriture. Photo: Reuters
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Un désastre total
Dans une lettre ouverte publiée le 10 août, 71 économistes, dont l’Américain Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001, ou encore l’ancien ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, ont alerté le président américain, Joe Biden, et son secrétaire au Trésor, des crises qui ravagent l’Afghanistan. Profondément préoccupés par l’effet cumulatif des catastrophes économique et humanitaire, les auteurs de la lettre ont exhorté l’administration Biden à agir immédiatement. Aujourd’hui, 70% des ménages afghans sont incapables de répondre à leurs besoins essentiels, tandis que quelque 22 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, font face à une insécurité alimentaire aiguë et trois millions d’enfants risquent la malnutrition.
Fin 2021, la ministre des Affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, avait déjà mis en garde contre «la pire catastrophe humanitaire de tous les temps en Afghanistan» et déplorait la crise alimentaire engendrée par l’effondrement économique.
Depuis la chute de l’ancien régime, le pays vit sous sanctions, et est privé de ses avoirs, soit 9,2 milliards de dollars gelés dans les banques américaines et européennes. L’économie s’est contractée de 20% à 30%. L’aide internationale, civile et sécuritaire (plus de 8 milliards de dollars par an, soit l’équivalent de 40% du PIB du pays) a été supprimée, plongeant la moitié de la population dans une malnutrition aiguë, alors qu’un grand nombre d’Afghans ont perdu leur emploi et leurs moyens de subsistance.
Les promesses initiales des talibans sur les droits des femmes n’ont pas tenu bien longtemps. Certains experts légaux affirment être confrontés à un manque de clarté quant à l’interprétation et à l’application de la charia (loi islamique), restreignant fortement les droits des femmes, comme ils l’avaient déjà fait lors de leur passage au pouvoir de 1996 à 2001. Les femmes sont désormais exclues de nombreux emplois publics et interdites de voyager seules en dehors de leur ville, et ne peuvent plus se voir délivrer un permis de conduire.
Un Taliban devant le palais présidentiel de Kaboul, le 13 août. Photo: AFP |
La nécessité d’une action commune
Selon les experts, il est difficile de mobiliser les aides internationales en faveur de l’Afghanistan parce que, aujourd’hui, les pays doivent redresser prioritairement leur économie des impacts dévastateurs de la pandémie de Covid-19 et du conflit russo-ukrainien. D’ailleurs, l’Afghanistan est loin d’être une destination de choix des investisseurs qui craignent les effets rigides de la charia.
Le 15 août, la Croix-Rouge a appelé les gouvernements et les bailleurs de fonds à reprendre les aides à disposition de l’Afghanistan malgré les différences politiques avec les talibans. La Croix-Rouge est l’une des rares institutions internationales à rester dans le pays. Pour permettre à 33 hôpitaux de rester en fonction, l’association a payé le salaire du personnel sanitaire, couvert la nourriture des patients et réglé la facture de carburant pour alimenter les ambulances. Cependant, ce n’est pas une solution durable qui pourra remplacer les soutiens de la part des gouvernements, a indiqué son directeur général, Robert Mardini.
De nombreux activistes ont appelé les États-Unis et l’Union européenne à débloquer immédiatement les 9 milliards de dollars des avoirs afghans gelés après la prise du pouvoir par les talibans. Cette libération de fonds permettra à la Banque centrale afghane de réactiver le système financier et d’éviter un effondrement économique total.