Les forces turques en Syrie le 3 mars - Photo A.P |
L’accord en question a été obtenu après une escalade de la violence dans la région d’Idlib, qui a été le théâtre d'affrontements, ces dernières semaines, entre la Turquie, qui parraine des groupes rebelles, et le régime de Bachar al-Assad, appuyé par la Russie. Moscou et Ankara avaient déjà tenté de négocier à trois reprises, mais sans aboutir à aucun résultat.
Eviter un affrontement direct
En vertu de ce nouvel accord, la Russie et la Turquie ont convenu de poursuivre la lutte anti-terroriste et de trouver une solution à la crise humanitaire dans la province d’Idlib. Recep Tayyip Erdogan a cependant précisé que l'armée turque se réservait le droit de riposter à toute attaque des forces syriennes. Toujours d’après ce texte, les deux pays mèneront à partir du 15 mars des patrouilles communes sur une large portion de l'autoroute M4, un axe stratégique traversant la région d'Idlib. Moscou et Ankara ont aussi prévu de mettre en place un «couloir de sécurité» de six kilomètres de profondeur de part et d’autre de cette autoroute, soit une zone tampon de 12 kilomètres de large au total.
Le régime syrien soutenu par la Russie avait déclenché en décembre 2019 une offensive dans la province d’Iblib pour reprendre ce dernier bastion rebelle et jihadiste. Damas a conquis près de la moitié de cette province, et continue d'avancer sur le terrain. La Turquie, qui veut maintenir son influence à Idlib, y a acheminé ces dernières semaines des troupes et du matériel pour arrêter l’avancée du régime syrien et éviter un nouvel afflux de réfugiés. Le premier mars, les forces turques ont abattu deux avions militaires et tué 19 soldats syriens en représailles à la mort de 33 soldats turcs tués par des frappes aériennes. Jusqu’au 5 mars, 57 soldats turcs ont été tués dans cette province du Nord-Ouest de Syrie. Mais les attaques se sont intensifiées de façon spectaculaire lorsque l’aviation russe s’est mise à bombarder les bastions des rebelles soutenus par Ankara. Dans son dernier rapport sur la situation en Syrie, l’ONU a accusé Moscou de crimes de guerre liés à des frappes aériennes en Syrie et a averti qu’Ankara pourrait être tenu pour responsable des crimes de guerre visant des Kurdes dans le nord du pays.
Alors que la Turquie accuse Moscou d’ingérence dans les affaires de Syrie, la Russie affirme qu’elle réagit à la demande du régime de Damas.
Syrie, le jeu des grandes puissances
L’accord permettra donc d’éviter une confrontation directe entre Ankara et Moscou qui mènent actuellement une étroite relation commerciale et défensive. Ainsi, malgré l’escalade militaire à Idlib, les deux pays maintiennent des canaux diplomatiques dans l’espoir de trouver une solution politique à la crise. Juste avant la visite de Recep Tayyip Erdogan à Moscou, Kremlin avait affirmé dans un communiqué que la Turquie restait une priorité de la Russie. Ankara a pour sa part souligné que les deux parties ne devaient pas commettre la même erreur qu’en 2015. Pour rappel, un avion chasseur-bombardier russe Sukhoi 24 avait été abattu par deux F-16 turcs provoquant ainsi une crise russo-turque.
Mais si la Turquie tente de se rapprocher de Moscou c’est parce qu’elle a été abandonnée par Washington. Ankara avait suggéré aux États-Unis de lui livrer des batteries de défense aérienne Patriot, mais Donald Trump a refusé, expliquant qu’il préférait accorder une aide humanitaire à la province d’Idlib. Quant aux autres alliés européens de la Turquie au sein de l’OTAN, ils s’inquiètent du possible déferlement de 3,7 millions de réfugiés syriens.
L’accord récemment trouvé ne permettra qu’une désescalade de la violence pour régler la crise humanitaire dans la province d’Idlib. Mais tant que les intérêts de toutes les parties concernées n’auront pas été garantis, la paix ne sera pas à l’ordre du jour en Syrie.