La promotion des bénéfices de la technologie au cœur du Sommet de l’IA à Paris

Quang Dung
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(VOVWORLD) - La France accueille, lundi 10 et mardi 11 février au Grand Palais, le Sommet mondial pour l’action sur l’IA, où sont attendus des chefs de gouvernement ainsi que des dirigeants des géants de la technologie. Ce sommet va réorienter ses priorités, passant du contrôle de la sécurité de l’IA à son développement et au partage de ses bénéfices, tout en favorisant la coopération internationale. Ce virage intervient alors que les tensions géopolitiques commencent à affecter le secteur technologique.

 Il s’agit du troisième sommet mondial consacré à l’IA, après ceux de Bletchley Park (Royaume-Uni) en 2023 et de Séoul (République de Corée) en 2024.

La créativité avant la sécurité

La principale différence entre le Sommet de l’IA cette année à Paris et les éditions précédentes réside dans le changement des priorités de discussion. Lors des sommets au Royaume-Uni et en République de Corée, la sécurité de l’IA était au centre des préoccupations, comme l’a montré la Déclaration de Bletchley 2023 sur la sécurité de l’IA, ainsi que l’engagement pris en 2024 par plus de 16 des plus grands groupes technologiques mondiaux à Séoul pour développer l’IA de manière transparente, responsable et supervisée. Cependant, bien que la sécurité de l’IA demeure un sujet clé, elle a été reléguée derrière des priorités telles que le développement équitable de l’IA, un partage plus juste de ses bénéfices et le renforcement de la coopération mondiale face au risque defragmentation technologique. Pour illustrer ce changement de cap, la France, pays hôte, a modifié le thème initial du sommet, passant de «Sommet sur la sécurité de l’IA» à «Sommet sur l’action de l’IA».

Pour expliquer cette nouvelle approche, le président français Emmanuel Macron a déclaré que l’Europe peut être fière d’avoir joué un rôle de pionnier dans la régulation de l’IA. Cependant, cette régulation doit suivre l’innovation et la créativité, surtout alors que l’Europe commence à prendre du retard sur les États-Unis et la Chine en matière de technologie de l’IA, a-t-il souligné. Aux États-Unis, leader mondial de l’IA, la sécurité n’est plus une priorité principale, comme en témoigne l’absence de membres de l’Institut de sécurité de l’IA, créé fin 2023, dans la délégation américaine au sommet de Paris. James Manyka, vice-président de Google, soutient également ce changement d’orientation pour cette édition 2025. 

“Je pense que l’un des aspects intéressants de ce sommet est qu’on s’intéresse davantage aux opportunités offertes par l’IA. Il y a souvent beaucoup de discussions sur les risques et la complexité de l’IA, mais pas assez sur ce qu’elle peut apporter en termes d’opportunités.”

Le changement de priorités de ce sommet reflète également les évolutions majeures dans le domaine de l’IA à l’échelle mondiale, notamment l’émergence de DeepSeek, un modèle d’IA générative open source développé en Chine. Ce modèle, bien moins coûteux que ses prédécesseurs comme ChatGPT, Gemini ou Mistral, offre des performances équivalentes. Selon les experts, DeepSeek ouvre de nouvelles perspectives pour les pays souhaitant développer des modèles d’IA plus flexibles, réduisant ainsi leur dépendance aux grandes entreprises technologiques de la Silicon Valley, qui bénéficient d’un avantage considérable en termes de ressources financières, technologiques et humaines. Jamal Atif, directeur scientifique des programmes nationaux prioritaires en France et professeur en IA à l’Université Paris-Dauphine, estime: 

“Actuellement, nous avons des modèles open source qui fonctionnent aussi bien que les modèles propriétaires, ce qui est vraiment intéressant. La Chine et les membres de DeepSeek ont prouvé que c’est possible, qu’il suffit d’avoir des talents exceptionnels. Et c’est là que l’Europe a un avantage, avec ses nombreux étudiants brillants, ses esprits talentueux et ses startups qui réussissent.”

La géopolitique de l’IA

La présence de nombreux dirigeants et hauts responsables d’une centaine de pays, dont le vice-président américain J.D. Vance et le vice-Premier ministre chinois Zhang Guoqing, au Sommet de l’IA à Paris, montre qu’un autre sujet pourrait dominer les discussions: l’impact des tensions géopolitiques actuelles sur le développement et la coopération en matière d’IA à l'échelle mondiale.

Selon Nick Reiners, expert en géopolitique technologique chez Eurasia Group, un cabinet de conseil en risques politiques basé à New York, la dimension géopolitique de l’IA devient de plus en plus complexe dans un contexte de concurrence accrue entre grandes puissances. Parallèlement, les politiques technologiques des États-Unis, notamment en matière d’IA, suscitent des réactions négatives dans plusieurs pays. Nick Reiners estime que la déclaration conjointe sur l’IA signée en 2024 par la Chine et la France met en évidence des préoccupations communes entre la Chine et l’Europe concernant la domination des géants technologiques américains dans ce domaine. En conséquence, lors de ce sommet, les participants pourraient être confrontés à des défis majeurs pour parvenir à des engagements et des déclarations communes sur le développement futur de l’IA, notamment en ce qui concerne l’accès ouvert aux données, l’IA au service de l’intérêt public et l’IA durable pour l’environnement. Ce qui inquiète encore davantage, c’est que les divergences politiques entre les nations risquent de mener à une fragmentation mondiale de l’IA, avec des pays interdisant ou bloquant les technologies étrangères, comme l’a averti Emmanuel Macron. 

“Je ne crois pas qu'il soit pertinent d’interdire une technologie en raison de son rigine. Nous ne sommes pas dans cette approche. Mais nous examinerons attentivement toutes les technologies du monde entier qui ne viennent pas d’Europe, en tenant compte des sensibilités liées à notre sécurité et à notre souveraineté. C’est d’ailleurs ce que nous avons déjà fait pour certaines technologies.”,affirme-t-il.

Pour l’Europe et la France, le Sommet de l’IA constitue également une occasion de renforcer leur position technologique face à la concurrence croissante des États-Unis et de la Chine. Juste avant l’événement, Emmanuel Macron a annoncé un investissement de 113 milliards de dollars pour des projets d’IA en France dans les prochaines années. Ces fonds proviennent des Émirats arabes unis, du Canada, des États-Unis et de grandes entreprises technologiques françaises telles que Thales, Orange et Iliad.

 

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