La tension entre les deux grandes puissances d’Asie du Nord-Est a commencé le mois dernier lorsque le Japon a restreint ses exportations de produits nécessaires à la production de semi-conducteurs et d’écrans vers la République de Corée. Celle-ci qualifie cette mesure de représailles dans le cadre des disputes bilatérales relatives au dédommagement par le Japon des Sud-Coréens qu’il avait forcés à travailler durant l’occupation de la péninsule coréenne entre 1910 et 1945.
Des risques de contagion vers d’autres domaines
Vendredi 2 août, le gouvernement d’Abe Shinzo a annoncé qu’il allait retirer Séoul, à compter du 28 août, de sa liste des 27 « partenaires de confiance ». Ainsi, chaque commande passée par la République de Corée auprès d’entreprises japonaises devra désormais être vérifiée par le gouvernement de Tokyo. La mesure porte sur un millier de produits.
Le gouvernement sud-coréen a réagi en retirant, à son tour, le Japon de sa « liste blanche » de partenaires commerciaux privilégiés.
La République de Corée n’acceptera pas « une nouvelle défaite » face au Japon, allusion à peine voilée à la colonisation japonaise durant la première moitié du XXe siècle, a déclaré le président Moon Jae-in qui a enjoint le Japon de « revenir dès que possible sur ses mesures unilatérales et injustes et dialoguer ». Ce qu’a fait Tokyo « sape fondamentalement la relation de confiance et de coopération que les deux pays ont établie », a accusé à son tour le ministre sud-coréen des Finances Hong Nam-ki. Son pays a décidé de porter plainte contre le Japon auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce. Il envisage par ailleurs l’annulation du pacte sur le partage d’informations militaires bilatérales. Et pour ne plus dépendre du Japon pour les matières premières, Séoul investira 6,5 milliards de dollars dans 100 produits stratégiques, dans l’optique de stabiliser ses sources d’approvisionnement avant 2024.
La population sud-coréenne a commencé à boycotter les produits japonais, de la mode au tourisme en passant par l’alimentation et les cosmétiques. Les touristes sud-coréens préfèrent aujourd’hui les pays d’Asie du Sud-Est au pays du Soleil levant. La municipalité de Séoul envisage même de mettre un terme à ses échanges civils avec les collectivités locales japonaises, ce qui devrait compliquer les événements prévus en septembre et décembre à Séoul et le festival asiatique d’échanges sportifs prévu à la fin de ce mois-ci à Tokyo.
Des impacts sur les connexions régionales
Le conflit commercial entre le Japon et la République de Corée n’affecte pas seulement ces deux pays et la chaîne d’approvisionnement technologique mondiale, mais compromet également les négociations de l’Accord de partenariat économique global régional (RCEP). Pressenti comme le plus important accord de libre-échange du monde, il implique 16 économies, à savoir tous les pays de l’ASEAN et six partenaires commerciaux avec lesquels l’association a signé un accord de libre-échange, dont la République de Corée et le Japon. Les négociations du RCEP fonctionnant sur le principe du consensus, n’importe quel litige entre deux des parties impliquées pourrait empêcher l’aboutissement de l’accord.
Et pour ne rien arranger, il faut savoir que le Japon et la République de Corée jouent un rôle extrêmement important dans l’intégration économique régionale et la diversification des marchés face à la montée du protectionnisme. Leurs tensions bilatérales auront donc des effets néfastes sur les échanges commerciaux en Asie.
Alors que la guerre commerciale sino-américaine bat son plein, la montée des tensions entre Tokyo et Séoul inquiète les économistes et les politiques de la région. Et malheureusement, rien ne laisse présager un apaisement.