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Malgré cette victoire, le scrutin met en lumière les profondes divisions politiques en France et laisse présager une possible impasse politique durable.
Les résultats officiels du second tour des élections législatives en France, publiés ce lundi matin, révèlent que l'alliance de quatre partis de gauche, le "Nouveau Front Populaire" (NFP), a remporté la majorité avec 182 sièges à l'Assemblée nationale pour la prochaine législature (2024-2029). L'alliance centriste "Ensemble" (EN) du président Emmanuel Macron a obtenu la deuxième place avec 168 sièges, tandis que le parti d'extrême droite "Rassemblement National" (RN) est arrivé en troisième position avec 143 sièges.
Éviter le pire
Le fait que le Rassemblement National (RN) n'ait obtenu que 143 sièges et se soit placé en troisième position a permis à la France d’éviter le scénario redouté de voir ce parti d'extrême droite décrocher la majorité parlementaire et ainsi accéder au pouvoir pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. La performance du RN au second tour a été une surprise. Après avoir récolté plus de 33 % des voix au premier tour le 30 juin, beaucoup s'attendaient à ce que le RN obtienne un nombre de sièges bien plus élevé au second tour, même sans atteindre la majorité absolue, et ce, malgré les efforts des partis formant le Front républicain pour le contrer.
Ce résultat décevant pour le RN illustre une fois de plus l'efficacité de la "barrière républicaine", ce mécanisme de scrutin à deux tours inscrit dans la Constitution de la Ve République, qui empêche les forces politiques extrémistes de prendre le pouvoir. Ce mécanisme a déjà prouvé son efficacité lors des seconds tours des élections présidentielles précédentes, notamment en 2002 (lorsque Jacques Chirac a affronté Jean-Marie Le Pen), et en 2017 et 2022, lorsque Emmanuel Macron a affronté Marine Le Pen.
L'efficacité de cette "barrière républicaine" est d'autant plus impressionnante que les efforts pour contrer le RN après le premier tour ont été réalisés en seulement une semaine, malgré les nombreux désaccords entre les partis. Les Républicains, parti de droite, ont refusé de participer, tandis que la gauche du NFP et le centre de l'alliance "Ensemble" (EN) du président Emmanuel Macron, bien qu'ayant le même objectif de faire barrage au RN, ne se considéraient pas comme des alliés. De plus, le Premier ministre Gabriel Attal a même donné des directives pour contrer certains candidats d'extrême gauche du NFP.
Malgré cela, avec le retrait de 218 candidats du NFP et d'EN au second tour, le nombre de "triangulaires" (trois candidats en compétition au second tour) a diminué de 306 à 90, permettant aux électeurs de concentrer leurs votes en faveur des candidats opposés au RN. Jean-Luc Mélenchon, leader de "La France Insoumise" (LFI), principal parti au sein du NFP, a salué ce résultat comme une victoire du peuple français. Le taux de participation de 67,5 % au second tour, le plus élevé depuis 1997, démontre la prise de conscience des électeurs français quant aux risques posés par une éventuelle prise de pouvoir du RN.
"Un magnifique élan de mobilisation civique s'est affirmé. Et vous savez tous à quel point c'est remarquable car nous sommes déjà dans l'été et le temps des congés. Notre peuple a clairement écarté la solution du pire pour lui. Ce soir, le Rassemblement National est loin d'avoir la majorité absolue que les commentateurs nous prédisaient."
Une impasse qui perdure
La France se trouve dans une impasse prolongée après les élections législatives anticipées, évitant ainsi le scénario redouté de la montée de l'extrême droite au pouvoir. Cependant, le résultat a accentué les divisions politiques, confirmant une polarisation durable. Aucun parti ou coalition n'a atteint la majorité (289 sièges sur 577), plongeant l'Assemblée nationale dans une situation de "parlement suspendu". Les principaux groupes politiques, avec le plus grand nombre de sièges - NFP (182), EN (168) et RN (143) - excluent tout scénario de coalition. Le parti LR de droite traditionnelle n'a obtenu que 45 sièges, insuffisants pour modifier l'équilibre du pouvoir en s'alliant à d'autres groupes.
Les observateurs estiment qu'il n'y a actuellement aucun scénario viable pour former un gouvernement de coalition en France. La situation est compliquée par la démission annoncée du Premier ministre Gabriel Attal dès le 8 juillet. Selon le professeur Armin Steinbach de HEC Paris, spécialiste en économie et droit international, il est probable que la France reste dans cette impasse pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant que les partis d'opposition ne consentent à former une coalition, une dynamique peu commune dans le paysage politique français. Marine Le Pen, leader du RN, partage cet avis:
"La France va être totalement bloquée avec trois groupes qui sont peu ou prou de même importance à l'Assemblée nationale. On passera par là, c'est malheureux. On perdra un an supplémentaire, un an de plus d'immigration dérégulée, un an de plus de perte du pouvoir d'achat, un an de plus d'explosion de la sécurité dans notre pays. Mais s'il faut en passer par là, nous en passerons par là."
Le principal défi à venir pour la France réside dans la diminution du pouvoir du président Emmanuel Macron. Sa décision abrupte de dissoudre l'Assemblée nationale le 9 juin, sans consulter ses alliés politiques, a rompu la coalition majoritaire qui le soutenait depuis 2017. Cette rupture a non seulement coûté cher à l’alliance centriste EN, avec une perte de 82 sièges par rapport aux élections de 2022 (250 sièges), mais a également réduit de moitié leur nombre par rapport à 2017 (305 sièges), lorsque Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir. Cela complique davantage les efforts pour maintenir cette coalition majoritaire.
Au cours de la récente campagne électorale, des partis tels que Horizon de l'ancien Premier ministre Édouard Philippe et le Mouvement Démocratique de l’ancien ministre de la Justice François Bayrou ont manifesté une distance croissante par rapport à Emmanuel Macron. Même le Premier ministre Gabriel Attal a indiqué qu'il promouvrait ses propres initiatives politiques à l'avenir. Toutes ces évolutions affaiblissent le pouvoir d'Emmanuel Macron pour les trois prochaines années, alors que la France doit faire face à de nombreux défis majeurs, tant sur le plan intérieur qu'extérieur.