C’est le patriarche villageois qui décide de l’emplacement de la Rong, un emplacement élevé et aéré. Cet édifice doit être vu de loin, mais il est hors question qu’il se trouve à l’entrée ou au fond du village. Une fois l’emplacement choisi, les villageois auront un an pour préparer les matériaux. Après une cérémonie destinée à demander l’autorisation des divinités, la construction commence sous la haute surveillance du patriarche, lequel répartit les tâches à chaque famille: le travail manuel à fournir, mais aussi les matériaux à trouver et l’argent à collecter. A Phao, président du comité populaire de la commune de Dak Ang, qui est rattachée à la province de Kon Tum:
«La Rong est l’endroit où tout le village se réunit à l’occasion des fêtes et des grands événements. Tous les villageois participent à sa construction. Autrefois, elle était couverte de feuilles, de paillote et avait des parois en bambou. Maintenant, son toit peut être en tôle.»
La Rong des Sedang dispose de huit à dix piliers porteurs, qui sont reliés par des poutres en bois. Selon A Phâng, un membre de cette ethnie, la Rong doit être surélevée pour bénéficier de tous les bienfaits de l’univers, cette bâtisse étant la passerelle entre les humains et les divinités.
«Nous devons trouver des troncs d’arbres grands et ronds, lesquels seront reliés non pas par des clous, mais par du rotin. Seuls les seniors du village en détiennent le secret. Les hommes qui savent grimper s’occupent de la construction. Les femmes, elles, doivent cueillir et assembler des feuilles de rotin pour couvrir le toit. Autrefois, la construction durait un peu plus d’un mois.»
Le plancher de la maison Rong est fait de bambusa procera, une sorte de bambou à grandes tiges. Les parois sont couvertes de fines planches de bois. Quant à l’escalier, il est constitué d’un seul tronc d’arbre. Le toit, comme nous vous l’avons dit précédemment, est couvert de paillote ou de feuilles de rotin. A Phâng, encore:
«Plus les villageois sont nombreux, plus leur Rong est grande. Il faut que sa hauteur et sa longueur soient équilibrées. Le coin le plus sacré est bien sûr dédié aux cérémonies de culte. Maintenant, on y installe un autel des ancêtres. Mais autrefois, c’était un simple panier installé au pied d’un pilier, panier dans lequel chaque fois que les villageois mangeaient quelque chose, ils en mettaient un petit bout, en offrande aux ancêtres.»
Les Rongs sont décorées de statuettes en bois et de sculptures en relief de fleurs, d’oiseaux ou d’épines de riz… Le blanc, le rouge et le noir sont les couleurs obligatoires et uniques pour la décoration d’une Rong. Dans la croyance Sedang, le noir chasse les mauvais esprits, le blanc symbolise la fidélité et le rouge est la couleur de la victoire. De nos jours, plusieurs villages arborent dans leur Rong le portrait ou le buste du président Ho Chi Minh, en plus du drapeau national. Mais ils conservent toujours, dans un coin de cet édifice, un objet considéré comme sacré qui peut parfois paraître aussi anodin qu’un couteau, une pierre ou une corne de buffle.