Le village de Vi Thuy s’étend sur environ 40 hectares. Photo: Tấn Phong/VOV |
L’histoire commence dans les années 1960, quand les premiers plants de bétel s’enracinent dans cette terre. À l’époque, il s’agit surtout de répondre à des besoins rituels: cérémonies de fiançailles, mariages, culte des ancêtres... Mais le destin de Vi Thuy bascule quand ses feuilles de bétel conquièrent les marchés de Hô Chi Minh-ville, puis s’exportent jusqu’à Taïwan et au Cambodge.
Mai Van Van, lui, manie ses treillis avec la fierté d’un orfèvre...
“Chez moi, on cultive du bétel depuis des décennies et je possède maintenant quelques hectares avec mille ou deux mille treilles. Un hectare de bétel rapporte bien plus qu’un hectare de riz! On peut faire trois récoltes par mois, et les revenus sont deux à trois fois supérieurs. Ici, les agriculteurs s’enrichissent grâce aux arbres à bétel”, nous dit-il.
Les chiffres donnent le vertige: avec plus de 40 hectares cultivés, Vi Thuy règne en maître sur la production de bétel du delta du Mékong. Chaque mois, trois récoltes espacées de dix jours permettent aux cultivateurs d’emballer leurs précieuses feuilles en bottes de 40 unités. Un hectare peut rapporter jusqu’à 100 millions de dôngs annuels, soit près de 4.000 dollars américains: une fortune, dans cette région rurale.
En 2020, face à l’expansion du marché, trente producteurs ont décidé d’unir leurs forces au sein de la coopérative Bétel d’or. Une révolution qui bouleverse les pratiques traditionnelles et stabilise les prix. Nguyên Van Doi, directeur de cette coopérative pionnière, cultive 2.500 treilles qui financent les études universitaires de ses deux enfants:
“En rejoignant la coopérative, nous nous unissons dans la culture et améliorons la qualité des feuilles de bétel pour maintenir des prix stables. Ma vie est désormais très confortable”, nous explique-t-il.
Chaque mois, la coopérative écoule entre 20.000 et 24.000 feuilles sur les marchés. Un succès qui a valu à Vi Thuy sa reconnaissance officielle comme village artisanal traditionnel par les autorités provinciales en 2019.
Le village Vi Thuy ambitionne de devenir une destination d’écotourisme communautaire pour améliorer les revenus des habitants. Photo: Tấn Phong/VOV |
Mais Vi Thuy ne s’arrête pas là. Pour les responsdables de Hâu Giang, le village figure parmi les huit destinations touristiques phares de la province. Aussi ont-ils lancé un circuit intitulé poétiquement “Vi Thuy - l’amour du bétel vert”, dont l’objectif est de transformer les jardins riverains en destinations éco-touristiques, connectées aux villes voisines de Vi Thanh et Long My. Nguyên Công Duy, le président du comité populaire du district, nous en dit plus...
“Pour développer Vi Thuy, le district a investi dans deux voies de circulation et amélioré les infrastructures - portes, panneaux, plantations d’aréquiers et espaces paysagers pour créer des points d’attraction touristique... Nous avons organisé des formations sur le transfert de technologie, et des voyages d’études. Mais nous cherchons aussi des investisseurs pour produire bonbons au bétel, des huiles et des solutions de nettoyage qui augmenteraient les revenus des habitants”, nous indique-t-il.
Les visiteurs découvrent déjà des treilles scintillantes qui serpentent dans la quiétude champêtre. Ils se détendent avec des soins aux herbes médicinales à base de feuilles de bétel, et repartent avec dans les yeux cette image d’un Vietnam qui réinvente ses traditions.
Car Vi Thuy incarne parfaitement cette alchimie vietnamienne: préserver l’âme d’une coutume millénaire tout en l’adaptant aux exigences économiques modernes. Dans ce village où “un morceau de bétel” ouvre toujours la conversation, c’est désormais tout un avenir qui se dessine, feuille après feuille.