Photo: Thy Loan |
À 17 heures, le son des cloches résonne dans le quartier de Viêt Hung, à Hanoi. Les habitants sortent leurs sacs poubelles. Certains en apportent plusieurs, d’autres un seul.
Parmi eux, Madame Dang Thi Thanh Binh, 76 ans, fait partie de ceux qui ont commencé à trier leurs déchets bien avant l’entrée en vigueur de la loi sur l’environnement de 2020.
“Cela fait plus de vingt ans que je fais le tri chez moi. Les déchets organiques, les plastiques, et les autres déchets, tout est séparé. Les emballages tels que ceux des nouilles instantanées ou du café sont nettoyés et séchés avant d’être envoyés à des entreprises spécialisées dans le recyclage. Ces dernières les transforment en jouets pour enfants. Tout le monde doit participer à l’effort pour un environnement plus propre.”
Mme Dang Thi Thanh Binh trie les déchets chez elle depuis plus de 20 ans. Photo: Thy Loan. |
Non loin de là, Madame Dô Thi Thom, 60 ans, a appris récemment à composter ses déchets alimentaires.
“Fin de 2023, des experts sont venus m’expliquer comment composter. Je prends les épluchures de légumes, les restes de fruits, et je les transforme en compost pour mes plantes.”, nous dit-elle.
Pourtant, dans ce même quartier, beaucoup de résidents ne connaissent pas encore la nouvelle législation, et le tri sélectif des déchets reste partiel, voire inexistant.
“Je n’ai pas encore entendu parler de cette loi. Chez moi, on sépare un peu, mais pas encore en trois catégories.”, a avoué une femme
“Chez moi, on met tout dans un seul sac. Même si on trie, les ramassages ne font pas de distinction.”, a dit un autre.
Le tri des déchets à la source est un défi mondial, pas seulement une problématique spécifique au Vietnam. Tous les pays sont confrontés à cette question de gestion durable des déchets.
Marie Lan Leroy, experte du PRX-Vietnam |
Depuis le 1er janvier 2024, les collectivités françaises sont tenues de mettre en place un tri à la source des biodéchets pour les particuliers. Le tri sélectif des déchets ménagers est obligatoire en France depuis 1974. Selon Marie Lan Leroy, experte du PRX-Vietnam, la sensibilisation du public est essentielle pour réussir cette démarche.
« En Ile-de-France, nous avons mis en place une sensibilisation très en amont du projet. Et cette sensibilisation, c'était un investissement. Donc on a commencé à sensibiliser les gens, même si les autres choses n'étaient pas prêtes. Les demandes politiques marchent beaucoup mieux si c'est de manière positive et c'est très simple parce qu'il suffit d'expliquer aux gens. Expliquer aux gens qu'il y a un lien entre leur propre santé, l'environnement et les déchets. C'est à dire que dans la manière dont on consomme, dans la manière dont on jette, en fait ça va avoir un lien avec l'air sain qu'on va respirer. Ça va avoir un lien direct avec notre santé. Comme vous le savez, la majorité des déchets au Vietnam sont soit enfouis, soit incinérés. Et quand ils sont incinérés et enfouis, ça produit des polluants extrêmement dangereux, qui amènent à des cancers, qui amènent à des problèmes de procréation, des problèmes d'immunité », précise-t-elle
Pour garantir la pérennité du tri des déchets à la source, il est essentiel que tous les acteurs, de la population aux entreprises de traitement des déchets, soient impliqués. Marie Lan Leroy prend l'exemple d'Urenco, une entreprise publique vietnamienne, spécialisée dans la gestion des déchets, qui a rencontré des difficultés à maintenir ses camions dédiés à chaque type de déchet lorsque la population ne pratique pas correctement le tri.
«Il faut vraiment un accord très important entre l'ensemble des acteurs c'est à dire que l'organisme et la population qui trie, les gens qui ramène donc il faut que chacun trouve un intérêt. Quand on interroge les gens de Urenco, on ne veut pas dire que c'est leur faute parce que finalement à Urenco ils ne sont pas suffisamment payés aussi et puis quand ils nous disent vous séparez le compostable et les autres, s'ils mettent un camion seulement pour le compostable, la première semaine c'est bon, la deuxième semaine il y a de moins en moins et la troisième semaine le camion est à moitié vide donc c'est aussi difficile pour eux d'un point de vue logistique”, a-t-elle proposé.
Pour Emmanuel Cerise, directeur de PRX-Vietnam, la réparation des objets est une bonne habitude pour réduire les déchets. Photo: Le journal Dô Thi |
De son côté, Emmanuel Cerise, directeur de PRX-Vietnam, met en avant l'importance de la réduction des déchets en favorisant la réparation des objets endommagés.
«Ce qui se fait de plus en plus souvent pas seulement en Ile-de-France, mais dans beaucoup de villes françaises, c'est d'avoir des lieux un peu particuliers qui sont des recycleries ou des ateliers pour aider à réparer les choses, etc. Moi, je suis au Vietnam depuis quelques années. Je me rappelle quand même d'une période où au Vietnam, tout était réparable. On avait des messieurs, des dames qui étaient capables de réparer tout et n'importe quoi. Et ça, c'est quand même extraordinaire. Alors, nous, en France, on avait un peu perdu cette habitude. Du coup, ces ateliers de recyclerie ou de réparation permettent aux gens de venir avec un appareil électronique ou électroménager qui ne marche plus et puis d'avoir le soutien technique de quelqu'un pour le réparer. Et ça, il ne faut pas le perdre. Ça a une véritable valeur dans un système d'économie circulaire”.
Photo: Le journal Đông Nai |
“La réparation en France est vraiment incitée. Vous pouvez recevoir de l'argent pour vous aider à réparer vos objets. Et ça, c'est une volonté politique très forte de la région Île-de-France et de la France en général pour aider les gens à réparer. Pour dire que si on répare, l'objet reste dans une utilisation plus longue et c'est bien pour vous, mais aussi pour l'environnement et donc pour tout le monde. Vous voulez réparer vos souliers, ça va vous coûter 15 euros. Eh bien, vous pouvez avoir 5 euros pour vous aider à faire cela. Et ça montre à quel point, en France, maintenant, on valorise ces métiers”, a ajouté Marie Lan Leroy.
Conformément à la loi vietnamienne sur la protection de l'environnement de 2020, les foyers qui ne respectent pas l'obligation de trier leurs déchets encourent non seulement des amendes, mais devront également prendre en charge l'intégralité des coûts liés à la collecte et au traitement des déchets non triés. Emmanuel Cerise, directeur de PRX-Vietnam, évoque à ce sujet l'exemple de la France qui aide à inciter les citoyens à une gestion plus responsable de leurs déchets.
“En Europe, c'est les habitants qui vont payer en fonction des déchets qu'ils produisent. Alors ça varie d'un endroit à l'autre parce que c'est quelque chose qui est géré par les villes en France, mais dans certaines villes comme en Alsace, il y a plusieurs villes comme ça qui fonctionnent très bien, où en fait on pèse et on paye au poids ces déchets et donc du coup ça permet aussi de créer des challenges”.
Photo: VTC News |
Chaque jour, environ 68.000 tonnes de déchets solides sont produites à travers le pays, un chiffre qui illustre l'ampleur du défi que représente la mise en œuvre du tri des déchets à la source. L'exemple français pourrait offrir des solutions efficaces pour surmonter cet obstacle et améliorer le tri des déchets à l’échelle nationale.