L'armée vietnamienne attaque Him Lam, marquant le début de la bataille de Diên Biên Phu, le 13 mars 1954. Photo: TTXVN

À chaque fois que retentit la chanson Chiến sĩ Việt Nam (Le soldat vietnamien), le colonel Nguyên Huu Tài, ancien chef du service politique du régiment 209 relevant de la division 312, également ancien chef adjoint du Département de l’instruction militaire au ministère de la Défense, est profondément ému. Pour cet ancien combattant, cette mélodie réveille tout un pan de mémoire héroïque, et notamment la bataille de Him Lam, la première grande confrontation de la campagne de Diên Biên Phu. Ce fut un affrontement décisif qui témoigna de la force et de la détermination exceptionnelles de l’Armée populaire vietnamienne, écrasant un point stratégique que l’ennemi croyait imprenable. Cette victoire n’a pas seulement brisé un maillon essentiel de la défense ennemie, mais a également ouvert la voie à la victoire historique de Diên Biên Phu, détruisant le plan Navarre et contribuant au mouvement pour la paix dans le monde entier. Lorsque les premiers obus frappèrent le poste ennemi à Him Lam, lui et ses compagnons s’élancèrent en criant vers le front. Dans un coin de la tranchée, l’ensemble artistique de la région militaire Un entonna la chanson Le soldat vietnamien. Ce fut un moment inoubliable pour tous ceux qui ont pris part à la bataille de Diên Biên Phu en 1954, un instant sacré gravé à jamais dans leurs mémoires. 

“Nos soldats avançaient en chantant et en hurlant de joie vers le champ de bataille, créant une atmosphère véritablement héroïque. C’est d’ailleurs la seule fois dans l’histoire de l’Armée populaire vietnamienne où un combat s’est déroulé au son des obus, des acclamations des soldats et des chansons”, se souvient le vétéran.

Le 15 décembre 1953, le colonel Nguyên Huu Tài et ses compagnons d’armes ont marché plus de 500 km pour atteindre Diên Biên Phu. Pendant plus d’un mois, stationnés sur la colline D1, lui et ses camarades ont survécu avec du riz pressé, du sel de sésame et du mam đen, une pâte de poisson fermentée et concentrée, sans aucun légume. Cette épreuve difficile semblait au-delà des capacités humaines, mais la volonté et la détermination des soldats à triompher n’ont jamais faibli. Armés seulement de pelles et de houes, les soldats ont creusé 200 km de tranchées, s’approchant ainsi des positions stratégiques de l’ennemi. 

“Nous avons combattu avec une détermination sans faille aux côtés des autres unités, parfois en fonçant à l'assaut avec des grenades et des baïonnettes sur la colline D1. Ces combats étaient d’une intensité extrême, une véritable lutte pour tenir nos positions. Beaucoup de nos commandants, camarades et frères d’armes ne sont plus là. Nombre d'entre eux reposent à jamais sur cette terre historique. Chaque fois que nous évoquons leur sacrifice, nos cœurs sont remplis d’émotion”, confie le colonel.

Le colonel Nguyên Huu Tài, ancien chef adjoint du Département de l’instruction militaire au ministère de la Défense. Photo: Lê Hạnh/VOV

Pendant la bataille de Diên Biên Phu, le souvenir le plus marquant pour ce vétéran reste le moment où le général Vo Nguyên Giap décida de changer la stratégie en passant de “frapper vite, gagner vite” à “frapper avec certitude, avancer avec certitude”. Cette décision fut un tournant décisif, menant à la grande victoire de l’opération. Grâce à des attaques fulgurantes, l’armée vietnamienne captura le général De Castries, assurant ainsi la victoire retentissante de Diên Biên Phu. 

“Lorsque la nouvelle de la capture de De Castries arriva, notre régiment éclata de joie. Les soldats s’embrassèrent, les larmes aux yeux. L’atmosphère était emplie de bonheur et de soulagement, la mission accomplie après tant de jours d’attente, la victoire tant espérée était enfin là”, raconte l’ancien combattant centenaire.

Tout comme Nguyên Huu Tai, ses compagnons d’armes, Pham Thang et Truong Si Tri, sont également profondément émus en repensant à ces années héroïques de l’histoire. 

“Nous avons tiré les canons le long des tranchées jusqu’à la colline A1. Pour chaque groupe de 10 soldats tombés, 10 autres prenaient leur place. Dans mon escouade, sur 11 hommes, 9 ont été tués. À la colline A1, des centaines, voire des milliers de nos soldats ont donné leur vie pour que nous puissions être ici aujourd’hui”, dit le premier. 

“C’était incroyable. Vers 15 heures, on commençait à apercevoir des drapeaux blancs. De la colline A1 jusqu’à Mường Thanh, vers 17 heures, les drapeaux blancs étaient hissés. C’était un moment de joie intense et d'émotion qu’on ne peut pas décrire. Après tant de jours et de nuits de combats acharnés, la libération était enfin là”, ajoute le second.

Plus de 70 ans se sont écoulés, mais dans les souvenirs des anciens combattants de Diên Biên Phu, l’image de cette guerre difficile mais glorieuse reste intacte. Ils ont contribué à la victoire qui “a ébranlé la planète”, ouvrant la voie à la transition du Nord vers le socialisme, transition qui allait fournir un arrière-plan solide à la lutte de libération du Sud et à la réunification du pays.