L’architecte Trung Mai. Photo: Danh Khang/nguoidothi.net.vn |
L’architecte Trung Mai, de son vrai nom Mai Hung Trung, est le premier Asiatique à avoir remporté à trois reprises le prix Europan, la plus prestigieuse distinction européenne en urbanisme et d’architecture pour les moins de 40 ans, en 2019, 2021 et 2023. Après quatorze années d’études et de travail en Europe, il est revenu au Vietnam en 2023 avec l’ambition de reconvertir des ouvrages délaissés en espaces de vie agréables.
«Aujourd’hui, l’architecture ne se juge plus seulement sur sa beauté, mais sur l’histoire et le message qu’elle véhicule. Elle peut apporter des solutions à des problèmes sociaux grâce à ces messages. Introduire de l’architecture verte dans une Hanoï étouffée et polluée revient à offrir un remède à une ville malade. C’est pourquoi de plus en plus d’architectes se tournent vers les pays en développement, où les difficultés et les imperfections deviennent une véritable source de créativité», partage Trung Mai.
À Hanoï, les trottoirs servent à de multiples usages au fil de la journée, et les espaces des anciens logements collectifs sont souvent agrandis sans suivre les règles. Ce désordre apparent recèle en réalité des pistes pour la ville de demain. Depuis un siècle, les habitants optimisent leurs espaces de vie pour s’adapter au temps, au climat et à leurs besoins. Pour Trung Mai, cette flexibilité est une force de l’architecture vietnamienne et inspire sa démarche créative.
“Pour beaucoup, l’usage des trottoirs ou les extensions dans les anciens logements collectifs posent problème, car ils semblent désordonner la ville. Mais après de nombreuses années passées à l’étranger, je considère que c’est une solution, voire la solution optimale, pour des villes comme Hanoï, où l’espace dans le centre-ville est très limité. L’une des stratégies auxquelles le monde s’intéresse aujourd’hui consiste à exploiter des espaces polyvalents et multifonctionnels. Maximiser l’usage de l’espace est désormais une tendance incontournable”, fait-il remarquer.
L’ouvrage House of Forest de Trung Mai se situe sur un terrain au pied du pont Long Biên. Photo : CTV/nguoidothi.net.vn |
Chaque année, l’architecte Trung Mai réalise un projet urbain pour la communauté. Dès son retour au Vietnam, il a marqué les esprits en transformant l’ancienne usine de trains de Gia Lâm en centre créatif et d’expositions. Avec son équipe, il s’emploie à reconvertir des usines abandonnées en lieux utiles pour tous. En 2024, son projet «House of Forest» ou «Bờ Vở, Maison de la Forêt», a ouvert ses portes. Située au pied du pont Long Biên à Hanoï, cette construction en bois, réalisée à partir d’espèces envahissantes du fleuve Rouge, est devenue un sanctuaire pour les arbres locaux, les oiseaux et autres animaux. L’œuvre a été présentée à la Biennale d’architecture de Venise 2025, en Italie.
«La notion de patrimoine ne devrait pas se limiter à l’architecture ou aux bâtiments. Elle peut s’étendre à la nature, aux arbres, à la terre et à l’eau. Aujourd’hui, les villes sont majoritairement bétonnées et conçues pour les humains, mais des espaces dédiés aux animaux deviennent essentiels dans un contexte urbain saturé. Je défends le droit des animaux et des végétaux à exister au sein de la ville», déclare-t-il.
Pour Trung Mai, l’architecture ne se réduit pas aux briques ou au béton. Chaque ville possède une identité propre, façonnée par la vie et la pensée de ses habitants. Derrière chaque maison se cachent des histoires et des messages transmis de génération en génération. C’est pourquoi il privilégie la réhabilitation et la réinterprétation des bâtiments anciens, plutôt que la construction neuve. Avec son équipe, il œuvre à la préservation du patrimoine architectural de Hanoï.
«Ici, j’ai pu travailler sur de nombreux projets différents, de l’urbanisme à l’architecture, en passant par la muséographie, et pour moi, c’est extrêmement enrichissant. En plus, Trung Mai me laisse proposer mes idées, ce qui est une expérience vraiment nouvelle pour moi», témoigne Emma Reix, architecte française et membre de son équipe.
Trung Mai manifeste son amour pour la capitale à travers des solutions architecturales concrètes, visant à faire de Hanoï une version idéale d’elle-même. Par ses projets créatifs et leur diffusion à l’international, il offre au monde un regard nouveau sur l’architecture vietnamienne, mais aussi sur la pensée, le mode de vie et la culture des habitants des villes modernes du Vietnam.