L’objectif de dépenses militaires rehaussé à 5% du PIB
Les drapeaux flottent à l’approche du sommet de l’OTAN, à La Haye, le 23 juin 2025. Photo: REUTERS/Yves Herman |
Le 23 juin, à la veille de l’ouverture du sommet de l’OTAN à La Haye, le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a annoncé que les États membres étaient parvenus à un consensus pour porter les dépenses de défense à 5% de leur produit intérieur brut (PIB). Sur ce total, 3,5% seront consacrés aux dépenses militaires pures et 1,5% à l’infrastructure et aux services connexes. Cet accord a été conclu après que l’Espagne – principal opposant à cette augmentation – a finalement cédé sous la pression des États-Unis et de plusieurs alliés, notamment des pays d’Europe centrale et orientale. Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, avait pourtant publiquement qualifié cet objectif de “déraisonnable et contre-productif”.
Avec cet accord historique, les pays membres de l’OTAN répondent à l’une des principales revendications des États-Unis, portée avec insistance par le président Donald Trump dès son premier mandat (2016-2020): une nette augmentation des budgets consacrés à la défense. Selon les analystes, cette avancée pourrait, en théorie, satisfaire le président américain et ouvrir la voie à un sommet de l’OTAN plus serein. Elle permettrait aussi d’éviter un scénario embarrassant similaire à celui du sommet du G7 tenu la semaine dernière au Canada, où Donald Trump avait quitté les discussions prématurément, laissant les participants sans déclaration commune.
Pourtant, selon Max Bergmann, directeur du programme Europe, Russie et Eurasie au Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington, le paradoxe pour l’Europe est que les efforts déployés par les membres européens de l’OTAN pour atteindre l’objectif des 5% pourraient en réalité accélérer le retrait progressif des États-Unis de leurs engagements sécuritaires envers le continent.
“Les pays européens pensent qu’en acceptant d’augmenter fortement leurs dépenses de défense, ils pourront satisfaire Donald Trump et inciter les Américains à rester en Europe. Mais en réalité, je pense que cette hausse des dépenses pourrait surtout permettre au président Trump et à l’administration américaine de considérer que l’Europe a finalement su agir de manière collective en matière de défense et que, dès lors, la présence américaine en Europe n’est plus nécessaire. C’est pourquoi la grande question qui plane sur ce sommet de l’OTAN, c’est la volonté des États-Unis de réduire leur présence militaire en Europe et dans le reste du monde. Et il s’agira d’une réduction significative”, dit-il.
Un autre enjeu, selon Iana Maisuradze, analyste au Centre européen de politique (EPC) à Bruxelles, concerne les doutes entourant la capacité des membres de l’OTAN à atteindre effectivement l’objectif des 5%, dans un contexte où les pays disposent de ressources financières très inégales.
“Le véritable enjeu sera de savoir quel sera le calendrier pour atteindre cet objectif: 2030, 2032 ou 2035? Tout dépendra du montant que les pays membres accepteront d’investir et de la vitesse à laquelle ils seront prêts à le faire”, indique-t-elle.
Les crises en Ukraine et au Moyen-Orient
Au-delà des enjeux internes à l’OTAN, d’autres dossiers retiennent également l’attention, notamment le conflit entre la Russie et l’Ukraine, les tensions croissantes entre Israël et l’Iran, ainsi que l’intervention des États-Unis au Moyen-Orient.
En ce qui concerne le conflit russo-ukrainien, l’OTAN se heurte aujourd’hui à des divergences de plus en plus marquées entre les États-Unis et les autres membres sur la manière de faire pression sur Moscou ou de renforcer le soutien à Kiev. Alors que de nombreux responsables de l’Alliance affirment que le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est désormais “irréversible”, les hauts dirigeants américains, y compris le président Donald Trump, ont à plusieurs reprises exprimé leur opposition à cette idée. Washington réduit progressivement son soutien financier et militaire à l’Ukraine, au moment même où le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, s’engage à verser une aide de 40 milliards de dollars à Kiev cette année. En particulier, à la veille du sommet de l’OTAN, l’Union européenne et le Canada ont tenu, le 23 juin, leur propre sommet et signé un accord de coopération en matière de défense. Ce geste traduit la volonté de plusieurs membres clés de l’Alliance de chercher des alternatives face à l’imprévisibilité croissante de la politique sécuritaire et des engagements des États-Unis envers l’OTAN.
Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte. Photo: REUTERS/Yves Herman |
Face à l’escalade des tensions entre Israël et l’Iran et à l’implication croissante des États-Unis, les membres européens de l’OTAN peinent à influencer les choix stratégiques de Washington et à clarifier leur rôle dans la région. Selon Beatrice de Graaf, spécialiste des questions de sécurité et de terrorisme à l’université d’Utrecht (Pays-Bas), les dirigeants européens évitent actuellement de critiquer ouvertement les actions des États-Unis au Moyen-Orient. Une attitude visant à préserver l’unité au sein de l’OTAN, tout en maintenant une chance pour les efforts diplomatiques autour du dossier nucléaire iranien.
“J’ai le sentiment que les dirigeants européens souhaitent que les États-Unis continuent de maintenir la pression sur l’Iran, tout en laissant ouverte une véritable voie diplomatique. Le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français Emmanuel Macron ont tous deux souligné la nécessité de dialoguer avec l’Iran, estimant que les choses évoluent dans la bonne direction. Les Européens pourraient ainsi avoir une nouvelle chance de raviver une solution diplomatique”, note-t-il.
À la veille du sommet de l’OTAN, le président américain Donald Trump a annoncé qu’Israël et l’Iran étaient convenus d’un cessez-le-feu total, tout en réaffirmant la volonté des États-Unis de poursuivre une solution diplomatique durable avec Téhéran. Selon les observateurs, cette déclaration pourrait donner un nouvel élan aux efforts diplomatiques de l’Europe avec l’Iran, récemment relancés le week-end dernier à Genève, en Suisse, lors d’une rencontre entre les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la France et de l’Iran.