Un tableau contrasté
Dans son rapport annuel 2025, l’ONU souligne que dix ans après l’adoption des ODD dans le cadre de l’Agenda 2030, environ 35% des 17 objectifs progressent dans la bonne direction et enregistrent des avancées significatives, contribuant ainsi au développement socioéconomique de nombreux pays. Concrètement, le taux d’extrême pauvreté a reculé, la mortalité infantile et maternelle a fortement diminué, tandis que l’accès des filles à l’éducation universelle, tout comme celui des populations en général, a connu une nette progression. Ces avancées étaient inatteignables pendant des décennies avant l’adoption des ODD et les engagements pris en 2015 pour leur mise en œuvre, a indiqué le secrétaire général de l’ONU, António Guterres.
Toutefois, malgré quelques avancées, le rapport de l’ONU révèle que près de la moitié des ODD progressent très lentement, et que 18% d’entre eux reculent. D’importants défis se posent dans tous les secteurs, de la vie des populations à l’environnement, sans oublier la sécurité mondiale.
«Plus de 800 millions de personnes vivent toujours dans l’extrême pauvreté. Le taux de dioxyde de carbone a atteint son plus haut niveau en plus de 2 millions d’années, faisant de 2024 l’année la plus chaude jamais enregistrée. La paix et la sécurité se sont considérablement fragilisées, avec plus de 120 millions de personnes contraintes de fuir leur foyer, soit deux fois plus qu’en 2015», a souligné Li Junhua, secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des affaires socioéconomiques.
Selon des responsables de l’ONU, le risque de déviation par rapport aux ODD est apparu dès la pandémie de Covid-19 et s’est aggravé ces dernières années en raison de l’augmentation des tensions géopolitiques, qui ont entraîné de nombreux conflits à travers le monde. Cette situation affecte particulièrement l’un des groupes les plus vulnérables de la société: les enfants. En effet, selon des statistiques publiées fin juin par l’ONU, le nombre d’enfants victimes d’abus et de meurtres dans les conflits a atteint l’an dernier son plus haut niveau depuis plus de vingt ans, avec plus de 41.000 cas, soit une hausse de 25% par rapport à 2023.
Par ailleurs, les impacts du changement climatique s’aggravent bien au-delà des prévisions initiales des agences de l’ONU, au point que l’objectif de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle d’ici la fin du siècle semble déjà hors de portée dès 2024, a reconnu la secrétaire générale adjointe de l’ONU, Amina Mohammed.
«Nous sommes soumis à une forte pression, car les attentes des populations sont très élevées. La confiance s’érode. Les crises s’aggravent partout tandis que nous nous efforçons de tenir les promesses de l’Agenda 2030.»
Six axes prioritaires
Pour prévenir tout dérapage, voire un recul des Objectifs de développement durable, le rapport annuel de l’ONU lance un appel urgent aux États et aux acteurs internationaux. Six secteurs clés sont ciblés: les systèmes alimentaires, l’accès à l’énergie, la transformation numérique, l’éducation, l’emploi et la protection sociale, ainsi que l’action climatique et la préservation de la biodiversité.
Selon le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, le monde fait face à une situation de développement global en urgence. Les six secteurs prioritaires identifiés pourraient générer des impacts transformateurs dans de nombreux domaines. Par ailleurs, le chef de l’ONU appelle les gouvernements et leurs partenaires à accélérer la mise en œuvre du Cadre d’action de Medellin, adopté en 2024 lors du Forum mondial sur les données, afin de renforcer les systèmes clés de données nécessaires à l’élaboration et à la réactivité des politiques.
Cependant, de nombreux experts estiment que l’un des défis majeurs à court terme pour l’ONU et les institutions financières internationales reste la question du financement, notamment le soutien aux projets liés aux ODD dans les pays concernés, ainsi que l’allégement du fardeau de la dette publique des pays en développement. Selon Rebeca Grynspan, secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), ce poids de la dette épuise les ressources de nombreux pays en développement, les empêchant de poursuivre pleinement leurs objectifs de développement, avec un impact direct sur leurs populations. Environ 3,4 milliards de personnes vivent dans des pays où le service de la dette dépasse les dépenses consacrées à la santé ou à l’éducation, une situation qui ne cesse de se détériorer.
«En 2024, les pays en développement ont dû rembourser 847 milliards de dollars de dettes, un montant qui atteindra 921 milliards cette année. Par ailleurs, l’objectif financier pour achever les ODD était proche de 4.000 milliards de dollars l’an passé, et cette année, ce seuil sera dépassé. Plus qu’une aggravation des chiffres, c’est le développement lui-même qui marque un recul», a alerté Rebeca Grynspan.
Au-delà de la question financière, les experts soulignent la nécessité d’innover dans les méthodes de mise en œuvre des ODD, notamment en renforçant les partenariats public-privé et en favorisant l’application des sciences, technologies et innovations dans le contexte actuel de révolution technologique. L’ONU insiste également sur l’importance d’assurer un accès équitable et de réduire la fracture numérique entre les pays, afin de promouvoir des progrès réellement inclusifs.