Des clients font leurs courses dans un supermarché de Manchester. Photo: THX/TTXVN |
Le Royaume-Uni a soumis sa demande d’adhésion au CPTPP en 2021, a signé l’accord d’adhésion en juillet 2024 et est devenu officiellement membre à part entière le 15 décembre. Cette étape marque l’accord commercial le plus important pour le Royaume-Uni depuis sa sortie de l’Union européenne (UE).
Une victoire stratégique pour le Royaume-Uni
Avec l’adhésion du Royaume-Uni, le CPTPP compte désormais 12 membres, représentant 580 millions d’habitants, dont trois des plus grandes puissances économiques du G7: le Canada, le Japon et le Royaume-Uni lui-même. L’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Pérou, le Chili, Singapour, Brunei, la Malaisie et le Vietnam complètent ce bloc. En tant que sixième économie mondiale, le Royaume-Uni renforce substantiellement l’influence économique du CPTPP, portant la part de l’accord dans le PIB mondial à 15%.
Pour le Royaume-Uni, cette adhésion revêt une importance capitale. Selon Jonathan Reynolds, le secrétaire d’État britannique aux Affaires et au Commerce, l’intégration au CPTPP devrait générer environ 2 milliards de livres sterling par an (soit 2,5 milliards de dollars) pour une économie encore fragilisée par le Brexit. Les entreprises britanniques bénéficieront ainsi d’un accès privilégié à un marché de plus de 500 millions de consommateurs. Elles seront également positionnées dans un bloc économique parmi les plus dynamiques au monde, offrant des opportunités uniques dans des secteurs d’excellence tels que la technologie financière, l’agriculture de haute technologie et la fabrication d’équipements. Cette intégration renforcera la compétitivité du Royaume-Uni face à ses concurrents.
Sur le plan géopolitique, l’adhésion au CPTPP est un élément clé dans la mise en œuvre de la stratégie «Global Britain» lancée après le Brexit. Le Royaume-Uni a déjà signé des accords de libre-échange avec plusieurs pays comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande et Singapour, et poursuit des négociations avec l’Inde. Cependant, le CPTPP reste l’accord le plus ambitieux à ce jour et un signal fort de l’engagement de Londres à diversifier ses partenariats commerciaux au-delà de l’Europe.
Cette adhésion a aussi une dimension politique: elle vient renforcer l’argument des principaux partis politiques britanniques, tant les Conservateurs que les Travaillistes, qui estiment que le Brexit ouvre la voie à de nouvelles possibilités commerciales internationales. Bien que le coût économique à long terme du Brexit soit estimé à 4% du PIB britannique, l’adhésion au CPTPP devrait seulement ajouter 0,08% à la croissance. Néanmoins, le Royaume-Uni place son avenir commercial dans cette organisation stratégique et croit fermement en son potentiel à long terme. Selon Nikesh Mehta, le Haut-commissaire britannique à Singapour, le Royaume-Uni reste optimiste quant à l’avenir d’un CPTPP en pleine expansion.
«Nous estimons que l’adhésion au CPTPP pourrait ajouter environ 2,5 milliards de dollars à l’économie britannique. Ce montant est déjà conséquent, mais il ne concerne que les membres actuels. Avec un CPTPP élargi et une coopération accrue dans de nombreux secteurs, ce bloc jouera un rôle clé et offrira davantage d’opportunités aux entreprises britanniques», dit-il..
Pour les autres pays membres du CPTPP, l’adhésion d’une grande puissance économique offre de nouvelles opportunités d’accès au marché britannique, qui compte 70 millions de consommateurs à fort pouvoir d’achat, tout en favorisant l’attraction d’investissements en provenance des grandes entreprises britanniques. Par ailleurs, l’intégration d’un membre du G7 dans le CPTPP permet de renforcer l’attractivité de l’accord, après une période d’incertitude, notamment après le retrait des États-Unis du précédent Accord de Partenariat Transpacifique (TPP) en 2017.
Une nouvelle dimension pour le CPTPP
Pour de nombreux experts, l’adhésion du Royaume-Uni au CPTPP n’est pas seulement un événement économique marquant, mais elle revêt également une grande importance géopolitique. Selon Minako Morita-Jaeger, spécialiste du commerce international à l’Université de Sussex, après le retrait des États-Unis du TPP (aujourd’hui CPTPP) en 2017, cet accord s’est transformé en un bloc économique regroupant des puissances intermédiaires désireuses de maintenir un ordre commercial mondial ouvert, fondé sur des règles, avec des normes suffisamment élevées pour concurrencer de manière équitable des géants économiques comme les États-Unis, la Chine et l’Union européenne.
Dès lors, selon Morita-Jaeger, l’adhésion du Royaume-Uni apporte des bénéfices dépassant le cadre économique. Le Royaume-Uni pourra jouer un rôle clé dans la défense des valeurs du libre-échange fondées sur des règles, renforçant ainsi la position du CPTPP face à ses grands concurrents économiques. De plus, l’intégration du Royaume-Uni élargit l’espace économique de l’accord au-delà de la région Asie-Pacifique, créant ainsi un précédent qui pourrait inciter d’autres pays, peu importe leur localisation géographique, à rejoindre le CPTPP, à condition de satisfaire aux normes strictes de l’accord.
«Du point de vue de la politique commerciale internationale, je pense que les règles du CPTPP ont le potentiel de devenir un modèle pour les règles du multilatéralisme. L’élargissement réussi du CPTPP insuffle une dynamique à la multilatéralisation de cet accord ainsi que d’autres organisations, telles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC). On peut dire que l’adhésion du Royaume-Uni au CPTPP crée un précédent positif pour l’intégration future de nouveaux membres dans le bloc», estime Minako Morita-Jaeger.
Cependant, les défis à venir pour le CPTPP sont relativement complexes. Composé de pays aux niveaux de développement économique, aux bases culturelles et aux systèmes politiques variés, la question de savoir si le CPTPP pourra maintenir durablement ses valeurs et ses normes lors du processus d’élargissement reste controversée, d’autant plus que plusieurs pays et territoires ont déposé leur candidature pour rejoindre l’accord.
Selon Wendy Cutler, vice-présidente de l’Asia Society Policy Institute (ASPI) aux États-Unis, l’une des priorités pour les membres du CPTPP est de clarifier qu’il ne faut pas s’attendre à un retour des États-Unis dans l’accord, du moins dans un avenir proche. En outre, il est urgent de réviser plusieurs dispositions de l’accord afin qu’elles soient mieux adaptées à la réalité du commerce mondial. Lors de la réunion à San Francisco l’année dernière, en marge du Sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC), les membres du CPTPP ont discuté de la possibilité de moderniser l’accord, et selon Wendy Cutler, cela doit être fait le plus rapidement possible, étant donné les turbulences politiques et économiques actuelles dans le monde.