La foule attend de recevoir l'aide de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) au Proche-Orient. Photo : Reuters |
Accusations graves d’Israël
La suspension du financement pour l'UNRWA par de nombreux pays occidentaux intervient suite aux accusations d'Israël selon lesquelles certains employés de l'organisation étaient impliqués dans une attaque du Hamas contre Israël, causant la mort de 1.200 civils et soldats israéliens le 7 octobre dernier. Le 27 janvier, le ministre israélien des Affaires étrangères, Israel Katz, a appelé au remplacement de l'UNRWA "par une agence spécialisée pour la paix et le développement réels", tout en exhortant les alliés d'Israël à suspendre leur aide financière à l'UNRWA. Les accusations d'Israël ont immédiatement suscité une vive polémique au sein de la communauté internationale. Les États-Unis, le plus grand allié d'Israël, ont appelé à une enquête approfondie et rapide sur cette affaire. En plus de suspendre le financement pour l'UNRWA, Washington n'excluait pas l'application de mesures supplémentaires, en fonction des résultats de l'enquête, a souligné John Kirby, le porte-parole du Conseil national de sécurité des États-Unis.
"Nous souhaitons que cette enquête soit menée de manière complète, approfondie et transparente. Et si l’enquête détermine que des employés de l’UNRWA étaient impliqués dans cette attaque sanglante, nous voulons que ces personnes soient tenues responsables", a-t-il déclaré.
Partageant le point de vue des États-Unis, l’Allemagne, un autre donateur important de l’UNRWA, a également exprimé sa profonde préoccupation. Cependant, Berlin et certains autres pays ont laissé ouverte la possibilité de reprendre leur aide après que l’UNRWA elle-même a demandé d’ouvrir une enquête sur cette affaire. Entre-temps, bien qu’ils ne s’opposent pas à l’ouverture d’une enquête internationale indépendante et transparente, de nombreux pays arabes, dont l’Égypte, ont critiqué la décision de certains pays occidentaux de suspendre le financement à l’UNRWA.
"Nous sommes surpris par les expressions éloquentes utilisées à propos des allégations portées contre les employés de l’UNRWA. Des expressions similaires n'ont pas été utilisées à propos de la mort de plus de 26.000 civils innocents à Gaza, pour la plupart des femmes et des enfants", a souligné le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukry.
Des réfugiés palestiniens reçoivent de l'aide alimentaire de l'UNRWA dans la bande de Gaza, le 28 janvier 2024. Photo : AFP |
Par ailleurs, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, a estimé que la crise actuelle impliquant l’UNRWA ne peut pas cacher le fait que le droit international humanitaire n’a pas été pleinement appliqué dans la bande de Gaza. Il a également appelé à un effort international coordonné pour résoudre cette crise.
Intensification du risque de famine à Gaza
Les accusations contre l’UNRWA risquent d’aggraver la famine dans la bande de Gaza, selon les observateurs. Jan Egeland, secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés, a estimé que les enfants de la bande de Gaza seront les plus grandes victimes des polémiques actuelles, appelant les pays à ne pas les pousser dans la famine à cause des fautes de certaines personnes.
Philippe Lazzarini, chef de l’UNRWA, a quant à lui déclaré que la suspension de financement par les pays occidentaux est une nouvelle «punition collective» visant les habitants de la bande de Gaza, menaçant les opérations d’aide humanitaire de cette agence dans la région. Pour sa part, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a confirmé que 12 personnes sont soupçonnées et une enquête interne a été diligentée. Neuf ont été suspendues de toute fonction, un est «confirmé mort», et deux autres identités doivent encore être confirmées. Le patron de l’ONU s’est engagé à aller jusqu’au bout dans cette enquête, tout en appelant les pays à continuer à financer l'UNRWA, dont dépendent 2 millions Gazaouis. De son côté, le Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh a souligné la nécessité d’attendre les résultats de l’enquête, appelant les pays à reprendre rapidement leur financement à l’UNRWA.
“La suspension de financement intervient à un moment extrêmement difficile, alors que la Cour internationale de Justice vient d’appeler à une augmentation immédiate de l’aide internationale à la bande de Gaza. Actuellement, quelque 1,7 million de civils à Gaza dépendent de l’aide essentielle de l’UNRWA pour leur survie quotidienne”, insiste-t-il.
Selon les chiffres de l’UNRWA, en 2023, les pays qui ont décidé de suspendre le financement à cette agence avaient contribué à hauteur de 70% de son budget. Par conséquent, si les suspensions de financement ne sont pas annulées, nous pourrions assister à un effondrement complet de la réponse humanitaire déjà limitée à Gaza. Rappelons que l’UNRWA est le principal fournisseur d’aide humanitaire dans la bande de Gaza, où près de 80% des 2,3 millions d’habitants sont des réfugiés. Le Programme alimentaire mondial (Pam) a alerté le 23 janvier que Gaza est «menacée d’une famine imminente». En effet, plus d’un demi-million de personnes à Gaza sont confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire catastrophiques, et le risque de famine augmente chaque jour.