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| Antennes de la station de Mê Tri pendant la guerre. |
Le mois de décembre 1946 voit monter la tension dans tout le pays. À Hanoï, l'atmosphère est électrique. Le 19 décembre au matin, Paris lance un ultimatum à Hanoï en lui enjoignant de désarmer les milices d'autodéfense, de cesser les préparatifs de résistance et de laisser aux forces françaises le maintien de l'ordre urbain.
La réponse vietnamienne ne se fait pas attendre. À 20 heures précises, la capitale plonge dans l'obscurité totale. Le fracas des canons de la forteresse de Lang déchire la nuit. Dans les studios du 128C Dai La, Duong Thi Ngân, présentatrice de la Voix du Vietnam, lance d'une voix résolue: "Les canons tonnent sur Hanoi. La résistance nationale vient de commencer."
Trân Duc Nuôi a longtemps dirigé le secrétariat de rédaction de la radio.
"C'était le signal convenu. Dès que retentiraient les canons de Lang, notre antenne devait annoncer l'ouverture des hostilités pour déclencher le soulèvement national. Avant d'abandonner l'émetteur de Bach Mai, Duong Thi Ngân avait promis aux auditeurs de les retrouver le lendemain à 6 heures du matin", se souvient-il.
La pagode Trâm accueille les équipes de la Voix du Vietnam contraintes à l'évacuation. Le 20 décembre 1946, à 6 heures tapantes, les ondes vietnamiennes reprennent vie pour diffuser l'Appel à la résistance nationale du Président Hô Chi Minh. Ce moment marque l'entrée officielle de la radio dans la longue marche de la nation vers la liberté.
Un mois plus tard, le 21 janvier 1947, le Président en personne rend visite au personnel de VOV réfugié dans le sanctuaire bouddhiste. Il leur présente ses vœux du Nouvel An lunaire destinés aux compatriotes et aux Vietnamiens de la diaspora:
Le drapeau rouge à étoile d'or ondule au vent
Le cor de la résistance résonne sur les montagnes et les fleuves
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| Des techniciens d'époque de la Voix du Vietnam. |
Cette première diffusion en direct d'un poème présidentiel restera gravée dans les mémoires. Le même soir, Hô Chi Minh offre au bonze gérant de la pagode les sentences parallèles: "La résistance triomphera, la nation renaîtra." Ce précieux témoignage est aujourd'hui exposé au musée de la Voix du Vietnam, rue Quan Su à Hanoï. C’est Trân Quy Tuyên, un ancien de la radio, qui a retrouvé cette relique.
"Tenir entre ses mains ces caractères tracés à l'encre de Chine par le Président Hô Chi Minh a de quoi en bouleverser plus d’un. Dès les premiers jours du conflit, il affichait une confiance inébranlable dans notre victoire finale", nous confie-t-il.
Pour respecter la consigne présidentielle - maintenir coûte que coûte l'antenne nationale - la Voix du Vietnam va devoir changer quatorze fois de base entre 1946 et 1954. Ce nomadisme forcé garantit la sécurité des transmissions dans des conditions matérielles souvent dramatiques.
Les programmes et bulletins d'information deviennent les compagnons fidèles de la population en lutte. Ils atteignent leur apogée avec les récits de la bataille de Diên Biên Phu, cette victoire retentissante qui fera trembler les chancelleries mondiales.
"Nous vivions pour la résistance, nous espérions la victoire. Malgré les privations et les souffrances, entendre 'Ici, la Voix du Vietnam' ravivait notre foi et notre détermination", se souvient Nguyên Quân, un ancien combattant.
À travers les ondes de la Voix du Vietnam résonnait l’âme d’un peuple. Cette voix portait l’espérance de la réunification, jusqu’au jour où le Nord et le Sud se sont enfin retrouvés, unis sous un même drapeau.
Huit décennies plus tard, depuis cette date mémorable du 7 septembre 1945 qui vit naître ses premières émissions, la Voix du Vietnam continue d'accompagner la marche de l'Histoire. Elle s'est muée en gardienne de la mémoire collective, tissant les liens entre hier, aujourd'hui et demain.