Huu Ngoc, le passeur de cultures

Huyên Trang
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(VOVWORLD) - Décédé à l'âge de 107 ans, Huu Ngoc laisse derrière lui un héritage intellectuel considérable, fruit d'une vie consacrée à tisser des liens entre le Vietnam et le reste du monde. Cet éminent intellectuel vietnamien, surnommé "le bâtisseur de ponts culturels", a œuvré sans relâche pour faire connaître la richesse de la culture vietnamienne à l'international tout en apportant la diversité culturelle mondiale à ses compatriotes.
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Huu Ngoc, le passeur de cultures. Photo: Nguyên Dinh Toan

 Né en 1918 à Hanoï, Huu Ngoc a souvent résumé sa trajectoire comme étant «à 70% le fruit du hasard». Un temps professeur d’anglais à Nam Dinh, il s’engage dans l’armée avant de prendre la tête du tout premier journal francophone du Vietnam indépendant, L’Étincelle. Lancé au lendemain de la Révolution d’Août 1945, L’Étincelle était le tout premier organe de propagande destiné à l’ennemi pendant la résistance anti-française. Peu à peu, Huu Ngoc s’impose sur la scène éditoriale, bâtissant une réputation d’«importateur-exportateur de culture», selon les mots de ceux qui l’ont côtoyé. En effet, il a dirigé plusieurs journaux tournés vers l’étranger, puis la Maison d’édition des Lettres étrangères.

Pour faire découvrir le Vietnam au monde, Huu Ngoc privilégiait les récits historiques et culturels, considérant que «dans l'histoire il y a la culture, et dans la culture il y a l'Histoire». Pendant plus d'une décennie, il a écrit régulièrement pour Le Courrier du Vietnam et Vietnam News, créant un dialogue avec ses lecteurs internationaux pour leur faire comprendre et apprécier plus profondément le Vietnam.

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L'ouvrage À la découverte de la culture vietnamienne. Photo: thethaovanhoa.vn

Ses écrits ont été rassemblés dans l'ouvrage À la découverte de la culture vietnamienne, publié en anglais, français et vietnamien. Une lectrice américaine, Karen Anyse Joslin, nous dit toute son admiration… 

«J'adore lire les livres de Huu Ngoc. Ils m'ont permis de découvrir la culture vietnamienne et de comprendre son évolution», nous explique-t-elle. 

L’exploration de la culture hanoïenne occupe une place singulière, dans l’œuvre de Huu Ngoc. En 1997, son ouvrage Esquisse pour un portrait de la culture de Hanoï, publié en anglais et en français, a été offert aux chefs d’État réunis à Hanoï pour le 7ᵉ Sommet de la Francophonie. Ce livre marque une première depuis la Révolution d’Août 1945: jamais auparavant un tel travail n’avait été consacré à la capitale vietnamienne à l’attention d’un lectorat international.

Mais l’héritage de Huu Ngoc ne se limite pas à ses publications. Il a «exporté» la culture vietnamienne à travers des centaines de conférences, toujours animé par le désir de faire découvrir l’âme vietnamienne. Le docteur Trân Doàn Lâm résume ainsi son influence: 

«Après avoir lu ses textes ou assisté à ses conférences, ceux qui aimaient déjà le Vietnam l’aimaient encore plus. Ceux qui ne le connaissaient pas, commençaient à l’aimer. L’art de la communication pour l’international, selon Huu Ngoc, c’était d’aller droit au cœur - le chemin le plus direct et le plus sincère», nous confie-t-il.

Pendant plus de sept décennies, Huu Ngoc n’a cessé d’explorer, d’écrire et de transmettre. À côté de son travail sur la culture vietnamienne, il s’est penché sur celles d’autres nations avec une curiosité insatiable et une plume généreuse. De la France à la Suède, en passant par les États-Unis, le Japon et le Laos, ses publications telles que Esquisse pour un portrait de la culture française, Un coin de ciel nordique-La Culture suédoise, Dossier sur la culture américaine, Portrait de la culture japonaise ou encore Clés pour connaître et comprendre le Laos, constituent une bibliothèque vivante du dialogue interculturel.

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Le Grand Prix "Bui Xuan Phai - Pour l’amour de Hanoï 2017" . Photo: Nguyên Dinh Toan

Ses contributions lui ont valu de nombreuses distinctions au Vietnam comme à l’international: l’Ordre de l’Indépendance, l’Ordre du Mérite militaire, l'ordre des Palmes académiques (France), l’Ordre de l’Étoile polaire (Suède), le prix Mot d’or (France) et, en 2015, le Premier prix national de l’information pour l'étranger.

«Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui établisse des ponts entre les cultures comme Huu Ngoc - profondément enraciné dans la culture vietnamienne, mais aussi remarquablement sensible à l’accueil d’autres cultures», a déclaré l’ambassadeur de Suède, Börje Lunggren, en 1997, lors de la remise de l’Ordre de l’Étoile polaire. Même ton chez Claude Blanchemaison, ambassadeur de France au Vietnam de 1989 à 1993: «S’il y a un intellectuel, un écrivain qui mérite l'ordre des Palmes académiques, c’est bien Huu Ngoc - un grand humaniste et homme de culture». De son côté, le docteur Trân Doàn Lâm indique: 

«Huu Ngoc laisse derrière lui un héritage d'une richesse exceptionnelle, à la fois matériel et spirituel. Au fil des décennies, il a produit des milliers de pages, rassemblées dans 34 ouvrages rédigés en vietnamien, en français et en anglais. À travers ces écrits, transparaît une érudition rare, nourrie d’une connaissance profonde de la culture vietnamienne, mais aussi d’une ouverture remarquable sur le monde»,  nous dit le docteur Trân Doàn Lâm. 

À 102 ans, en 2020, Huu Ngoc publie Feuilletant d’anciens manuscrits parfumés, une somme impressionnante en deux volumes et près de mille pages. L’ouvrage rassemble des portraits de 180 figures majeures de l’humanité - de Bouddha à Picasso, de Confucius à Darwin - aux côtés de grandes figures vietnamiennes telles que Nguyên Trai, Nguyên Du ou le président Hô Chi Minh.

Le poète Luong Dinh Khoa se souvient de cette image forte que lui avait laissée le vieil érudit. 

«Huu Ngoc m’a dit que ce monde est comme un vaste océan, avec d’innombrables vagues culturelles. Sans le solide navire de notre identité culturelle nationale, nous risquons d’être emportés. Il reste comme un phare, guidant la jeunesse vers ses racines. Ce que Huu Ngoc a transmis résonnera longtemps comme une mélodie familière dans le cœur de chaque Vietnamien épris de culture», nous dit-il. 

Aujourd’hui encore, bien au-delà de sa disparition, le nom de Huu Ngoc continue de rayonner comme celui d’un passeur d’exception - un homme qui a su relier la culture vietnamienne au reste du monde, en construisant patiemment, mot après mot, un héritage destiné à durer.

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