Le collectionneur Huynh Minh Hiêp. Photo: Ty Huynh/VOV

À 50 ans passés, Huynh Minh Hiêp n’est pas un inconnu dans l’univers des collectionneurs. Ses objets évoquant la Saïgon d’avant 1975, ses monnaies anciennes ou ses affiches de cinéma ont déjà séduit de nombreux nostalgiques. Mais c’est sa passion pour la presse vietnamienne qui lui vaut aujourd’hui l’admiration des historiens et des jeunes curieux. Surnommé «le gardien de la mémoire», Huynh Minh Hiêp a patiemment rassemblé pendant plus de 15 ans une collection rare de titres de presse couvrant plusieurs siècles. 

«Quand j’ai commencé à collectionner des journaux anciens, j’ai eu la chance de travailler pour le Centre UNESCO de recherche et de conservation des antiquités du Vietnam. J’ai donc reçu le soutien de nombreux chercheurs et collectionneurs. Cette aventure est devenue une quête de mémoire collective», nous confie-t-il.

Sa collection impressionne tant par sa diversité que par la richesse historique des pièces: Gia Dinh Bao, Luc Tinh Tân Van, Van Minh, Tiêng Dân, Trung Lâp… Autant de titres qui ont traversé les époques, certains datant de plus d’un siècle, conservés dans leur format d’origine, avec leur typographie raffinée et leur contenu intact. Pour les étudiants, cette plongée dans le passé est un choc visuel et émotionnel. C’est ce qui ressort des propos de Thùy Liên, étudiante à l’Université d’économie et de finances de Hô Chi Minh-ville… 

«En accompagnant les journalistes de la Voix du Vietnam à Hô Chi Minh-ville, j’ai eu l’opportunité de découvrir la collection de Huynh Minh Hiêp. J’ai été stupéfaite par le niveau de développement technologique et la richesse de contenu de la presse d’il y a plusieurs siècles. J’espère que d’autres étudiants auront, eux aussi, la chance de s’initier au journalisme à travers ce précieux patrimoine», nous dit-elle.

Huynh Minh Hiêp partage son expérience avec les estudiants en journalisme et communication. Photo: Minh Hanh/VOV

Huynh Minh Hiêp n’est pas qu’un simple collectionneur. Pour lui, chaque journal a son histoire, chaque page ses anecdotes... 

«Chaque journal recèle une richesse insoupçonnée. En le feuilletant, on peut deviner l’époque de sa parution, les événements qui l’ont vu naître ou disparaître, et entrevoir le contexte historique. C’est absolument fascinant», nous confie-t-il. 

Parmi les trésors de la collection de Huynh Minh Hiêp, figure un exemplaire du Gia Dinh Bao, publié le 2 septembre 1890, qui ne manque jamais de surprendre les visiteurs. À la vue de ce journal vieux de 135 ans, beaucoup s’étonnent du niveau de sophistication de l’impression à cette époque. Petit format, typographie fine, aucune illustration, mais une mise en page harmonieuse et d’une clarté remarquable: autant d’éléments qui témoignent d’une technologie de composition déjà avancée à la fin du XIX^e siècle.

Les surprises ne s’arrêtent pas là. En feuilletant les journaux publiés à Saïgon entre 1970 et 1975, juste avant la libération du Sud et la réunification du pays, les visiteurs découvrent avec étonnement la rapidité de production, les méthodes d’impression efficaces et le lien étroit qu’entretenaient les rédactions avec leurs lecteurs, dans un style à la fois direct et familier.

Pour Huynh Minh Hiêp, chaque journal est bien plus qu’un document d’archive: c’est une passerelle vers des rencontres inattendues. 

«Le Luc Tinh Tân Van de 1938 contenait déjà une publicité pour la pharmacie moderne L. Solirène, fondée en 1865. Et dans un autre journal, Buôi Sáng, on pouvait lire ‘En achetant ce journal, n’oubliez pas de demander la bande dessinée Tê Thiên Dai Thanh offerte avec’.  Un jour, alors que ce journal était exposé dans mon café, un visiteur, Mai Son, l’a reconnu: c’était lui l’illustrateur de la série! Il m’a offert le tout premier dessin», nous raconte-t-il. 

Le journaliste Luu Dinh Triêu (gauche) et le collectionneur Huynh Minh Hiêp. Photo: Ty Huynh/VOV

Face à cette collection, chacun repart avec une émotion particulière. Le journaliste Luu Dinh Triêu, aujourd’hui âgé de 73 ans, se remémore ses jeunes années avec attendrissement.  

«Avant 1975, j’étais déjà passionné de presse. Les journaux sortaient l’après-midi, et près de chez moi, il y avait un kiosque. Je venais aider le vendeur à ranger les titres, et en échange, j’avais le droit de lire ce que je voulais», se souvient-il. 

De ces pages jaunies surgissent non seulement les faits d’actualité d’hier, mais aussi les débats d’idées, les campagnes publicitaires de telle ou telle époque, et les subtilités de la relation entre les rédactions et leurs lecteurs.

Par son travail de mémoire, Huynh Minh Hiêp poursuit un objectif clair: transmettre. Il souhaite que sa collection soit davantage connue, que les jeunes générations puissent, elles aussi, s’émerveiller de la richesse de la presse vietnamienne, et à travers elle, mieux comprendre l’histoire d’un pays en constante mutation.