(VOVworld)-Dire de la province de Kon Tum que sa population est à forte composante ethnique relève d’un doux euphémisme. On y recense en effet 588 villages peuplés par les membres de telle ou telle ethnie. Mais on y recense aussi 505 “Rong”, c’est à dire autant de maisons communales traditionnelles, récemment construites ou restaurées, qui se prêtent désormais aux activités culturelles. Tout cela, faut-il le préciser, grâce au dynamisme exceptionnel dont ont su faire preuve les autochtones et auquel les autorités de la province entendent bien faire appel à nouveau, maintenant qu’il s’agit d’instaurer une nouvelle ruralité.
Photo : vietnamvoyage.com
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La province de Kon Tum compte six ethnies principales : les Se Dang, les Banar, les Gie Trieng, les Gia Rai, les B’rau et les Ro Mam. Six ethnies qui ont en commun ce fameux “Rong”, qui fait la fierté de toute la communauté villageoise et dans lequel se déroulent toutes les activités culturelles. Chaque village se doit d’ailleurs de posséder son “Rong”, le “Rong” en étant l’âme, comme nous l’explique A Du, un Banar qui appartient à la troupe artistique de la province de Kon Tum, nous fait savoir : "La maison communale “Rong” est l’âme du village. C’est l’endroit où se réunissent les villageois et où le patriarche fait des annonces, qu’il s’agisse de bonnes ou de mauvaises nouvelles. Et c’est aussi dans le “Rong” que les jeunes garçons peuvent faire montre de leurs talents."
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Désormais, les autorités de la province de Kon Tum s’attachent à restaurer les “Rong” pour en faire de véritables maisons culturelles dans lesquelles sont préservées les traditions des ethnies. Et il s’agit bien de restauration car pendant une bonne décennie, de nombreux villages avaient laissé leurs maisons communales traditionnelles à l’abandon. Il a fallu cette résolution du Parti concernant l’instauration d’une nouvelle ruralité pour que ce patrimoine - car c’en est un - soit remis à l’honneur. Cela étant, la tâche n’avait rien d’aisé. Pour un “Rong” d’une hauteur de 12 à 18 mètres, et d’une superficie de 60 mètres carrés, il faut en effet des dizaines de mètres cubes de bois et surtout des milliers d’heures de travail ! Et la déforestation qui touche la province n’arrange évidemment pas les choses. A Huya, du village de Plei Don, indique : "Trouver des matériaux, c’est difficile. Les forêts sont devenues très rares. Il faut parfois faire 40 ou 50 kilomètres avant d’en trouver une. Et une fois sur place, il faut rester presque une semaine pour pouvoir rapporter suffisamment de bois. Tout ça sans parler du problème du transport !"
Difficile, donc, mais il en fallait sans doute plus pour décourager les autochtones qui se sont lancés dans la restauration ou la construction de leurs “Rong” avec une belle ardeur. En 2000, on ne recensait que 265 “Rong” dans la province. Désormais, ce chiffre a doublé. Mais ce qui est remarquable, c’est l’implication totale de la population dans les travaux. Tout, de la recherche des matériaux à la construction proprement dite, a été accompli à main d’homme et dans un véritable élan communautaire. Bui Thi Thanh Van, directrice du service culturel de la province de Kon Tum, indique : "A mon avis, la restauration des “Rong” s’est particulièrement bien passée, ici à Kon Tum, parce que la population s’est totalement impliquée. Il faut savoir que pour un “Rong”, le coût varie entre 50 et 380 millions de dongs. Au total, ça aura coûté de 30 à 40 milliards de dongs à la population"
“La population s’est totalement impliquée”, c’est vrai, et ce faisant, elle n’a fait qu’anticiper le mot d’ordre du programme national d’instauration d’une nouvelle ruralité, ce qui n’a bien évidememnt pas échappé aux autorités de la province, soucieuses qu’elles étaient de mobiliser la population. 81 communes des districts de Kon Plong, de Tu Mo Rong et de Dak Lei sont ainsi devenues des communes pilotes. Mais pour différentes raisons, qui tiennent aussi bien au manque d’information qu’à des conditions de vie difficile, les débuts sont encore hésitants. Selon Tran Vinh, le directeur adjoint du service de l’information de la province de Kon Tum, qui a des dizaines d’années d’études des traditions culturelles des ethnies locales à son actif, ce manque d’empressement de la population serait en fait dû à une mauvaise compréhension des enjeux culturels de la nouvelle ruralité. "Pour que les ethnies puissent nous suivre sur cette voie, il faudrait davantage se référer à leurs cultures traditionnelles. Parler de bénéfices sociaux n’a sans doute pas beaucoup de sens pour ces gens. Il faudrait s’inspirer de ce qui a été fait avec les “Rong” pour construite d’autres ouvrages d’utilité publique tout en veillant au respect des traditions ethniques. Si c’est le cas, les autochtones participeront d’eux-mêmes." A-t-il ajouté.
Depuis des génération, le “Rong” est l’édifice sacré des Hauts Plateaux du Tay Nguyen en général et de la province de Kon Tum en particulier. Reste maintenant à savoir si de la restauration des “Rong “ à l’instauration d’une nouvelle ruralité, il n’y a qu’un pas. Gageons que oui !