La remise des insignes de chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres à Trân Van Công (gauche) à l'Ambassade de France. Photo: AFV |
Trân Van Công: J’étais très ému de recevoir cet ordre de chevalier des Arts et des Lettres décerné par le ministère français de la Culture. C’était en fait une récompense pour mes contributions à la promotion de la culture et de la langue françaises au Vietnam. Ça fait 30 ans que je travaille dans le domaine du français, de la langue et de la culture françaises, surtout dans la traduction des œuvres littéraires. Depuis 2008, j’ai traduit 10 romans français vers le vietnamien à destination du public vietnamien non-francophone. Du point de vue de la culture française, je participe aussi à des projets avec des partenaires francophones, comme l’Ambassade de France au Vietnam, la Délégation de Wallonie-Bruxelles au Vietnam, l’Organisation Internationale de la Francophone ou l’Agence Universitaire de la Francophone pour promouvoir l’image de la Francophonie au Vietnam à travers des activités culturelles comme des concours à l’intention des étudiants francophones, des manifestations en l’honneur de la Journée de la Francophonie le 20 mars et beaucoup d’autres activités encore.
VOV5: Au fil de votre parcours professionnel, quel est l’élément le plus remarquable qui a fait de vous un amoureux de la langue française, un professeur de français langue étrangère?
Trân Van Công: Je n’ai pas choisi le français, c’est le français qui m’a choisi. Parce qu’en fait, quand j’étais lycéen, j’ai appris l’anglais, je participais au concours pour devenir étudiant en anglais mais on m’a mis dans une classe de français. Et comme ça, je suis devenu étudiant en langue française. Mais après quelques premiers mois de difficultés, je les ai surmontées et j’ai trouvé comment apprendre cette langue. J’avais des amis qui ont partagé avec moi leurs expériences dans l’apprentissage de la langue et j’ai commencé à savoir ce qu’il fallait faire pour bien apprendre cette langue. Et je ne sais pas pourquoi, un jour, j’ai découvert que j’étais amoureux de cette langue. Et c’est quelque chose qui était vraiment imprévu pour moi, j’étais très stressé car je ne pouvais pas apprendre cette langue et un jour j’ai découvert que ce n’était pas si difficile que ça. Et donc après les années universitaires, j’ai réussi le concours pour devenir professeur de français.
Photo: Thuy Linh |
VOV5: Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans l’enseignement de FLE et comment peut-on les surmonter?
Trân Van Công: Les difficultés c’est surtout le manque de motivation chez les étudiants. Il y a des étudiants qui participent aux cours de français, qui sont devenus étudiants de français parce qu’ils n’ont pas d’autres choix donc ils apprennent le français comme une nécessité d’obtenir un diplôme, c’est-à-dire en espérant qu’en suivant les quatre années universitaires, ils auront un diplôme avec lequel ils pourront trouver un travail, même un travail qui n’a aucun lien avec le français. Beaucoup d’étudiants manquent de motivation. Mais je pense que si les professeurs sont inspirants, s’ils sont enthousiastes et qu’ils cherchent à transmettre leur passion aux étudiants, ils peuvent arriver à motiver les étudiants. Le deuxième obstacle c’est la formation parce qu’en fait, traditionnellement dans les départements de français au Vietnam et dans le monde, on apprend aux étudiants surtout la langue mais pas la flexibilité, les compétences et ça c’est vraiment une lacune qui reste encore. Ce que l’on cherche à faire, c’est équiper les étudiants de la connaissance professionnelle et extra-professionnelle pour qu’ils puissent s’adapter à la vie active. Par contre, certains étudiants sont vraiment très motivés, très forts, et sont bien meilleurs que notre génération d’étudiant d’avant.
VOV5: Vous travaillez comme professeur mais également comme traducteur, interprète, chercheur, et pédagogue au service de la valorisation de la littérature française et du développement de la francophonie au Vietnam...
Trân Van Công: J’ai un métier très intéressant parce que le fait de travailler avec les étudiants me permet de rester «jeune», jeune dans la tête, dans l’esprit. Ça me permet d’avoir des contacts avec les générations des jeunes vietnamiens qui ont beaucoup d’initiatives, de créativité. J’apprends aussi de leur part. En plus en travaillant comme professeur, j’ai du temps pour me consacrer à la recherche parce que le professeur ne travaille que quelques jours par semaine. Le reste du temps, on peut faire de la recherche, participer à des projets culturels, faire de la traduction. J’ai travaillé également pendant 10 ans à la télévision nationale comme présentateur de journal en français et c’était très intéressant aussi parce que ce travail me permettait de suivre l’actualité, de connaître le monde et de partager mes connaissances avec les autres.
VOV5: Quels conseils pourriez-vous donner à quelqu’un qui envisagerait de suivre votre voie?
Trân Van Công: C’est surtout la passion d’abord. Je dis toujours à mes étudiants que si on n’est pas passionné, on ne peut rien faire. Donc, le travail est comme un amoureux, si on ne l’aime pas vraiment, on ne peut pas bien le faire. Alors il faut avoir de la passion, ensuite il faut avoir aussi la patience. On ne peut pas obtenir quelque chose d’un coup. Il faut du temps de la recherche, de l’entraînement, beaucoup d’exercices. Il faut aussi faire preuve de résilience, car dans le travail on rencontre toujours des difficultés mais si on ne fait pas des efforts pour les surmonter on n’y arrivera jamais.