Ils sont seulement quatre, quatre artisans à fabriquer à la main quelques 8.000 sandales destinées à 2.000 clients répartis dans une trentaine de pays et territoires.

Ces sandales là sont vraiment uniques car elles sont fabriquées avec une matière incroyable : les pneus usés de camions ou de trains d’atterrissage d’avions. Mais ce n’est pas tout ! Elles sont aussi faites sur-mesure. C’est pourquoi on ne peut en acheter qu’une seule paire par an. Et comme tout se mérite, il faut patienter entre deux et six mois pour la recevoir.

M. Thang, un client, dit : « Je porte des sandales en pneu depuis une dizaine d’années. Les sandales et les shorts vont bien ensemble notamment pour les activités en plein air. Je suis toujours à l’aise dedans. Les sandales en pneu sont très spéciales. Quand on les voit, on croit qu’elles sont dures mais en fait, elles sont très souples et procurent  une sensation très agréable ».

Je suis actuellement dans la maison-atelier de Pham Quang Xuan, le dernier fabricant de sandales en pneu de Hanoï, pour y découvrir ce produit farfelu que l’on croit dur mais qui en fait « est très souple et procure une sensation très agréable ».

Marteau et poinçons en main, Pham Quang Xuan, qui est en train de perforer les semelles noires en caoutchouc avant d’enfiler les lanières, m’initie aux secrets de sa fabrication : « Fabriquer des sandales, c’est le métier qui a été transmis de père en fils dans ma famille. J’ai succédé à mon père en 1968. Les sandales en pneu de camion ont été créées avant ma naissance, dans les années 40. Mais leur fabrication, à l’époque, n’était pas connue.

En ce qui concerne les matières premières qui sont des pneus de camion, M. Xuan fait savoir : « Aujourd’hui, je dois acheter les pneus des grands camions qui transportent le charbon dans les mines houillères de Quang Ninh. Les grands pneus nous donnent des pièces de caoutchouc épaisses et denses. C’est la matière première idéale pour couper des semelles. »

Les sandales en pneus usés de camion ou d’avion représentent plus qu’un simple produit pour la famille de Pham Quang Xuan.

Nguyen Tien Cuong, son gendre, a démissionné de son poste de vice-président du conseil d’administration et de directeur d’une société de développement de logiciels de comptabilité afin de se consacrer entièrement à la commercialisation de ces sandales sur mesure : « Nos sandales sont plus qu’un produit artisanal créé pendant les luttes anti colonialistes. Elles participent aussi à la protection de l’environnement en tant que produits recyclables ».

Pour fabriquer ces sandales mythiques, Tien Cuong a consacré beaucoup de temps à apprendre les techniques transmises par son beau-père. Il a aussi parfait ses connaissances historiques en regardant des documentaires à la télévision ou en consultant des documents dans les musées militaires.

Photo: Internet

Résultat, cinq anciens modèles des anciens combattants ont été restaurés, et trois nouveaux modèles ont été créés. Il faut souligner que ces sandales, portées par les militaires lors de la campagne de Dien Bien Phu, celles du Président Ho Chi Minh et celles des anciens jeunes volontaires, pouvaient aider à contrer les éclats des bombes. Mme Xuân Loan, ancienne jeune volontaire m’explique : « Chaque jeune volontaire à cette époque recevait une paire de sandale en pneu. Les soldats, eux, portaient les chaussures fabriquées en Chine. Mais seules les sandales en pneu pouvaient éviter les blessures causées par les éclats des bombes. Pourquoi ? Parce que leurs semelles très épaisses et solides pouvaient résister à la chaleur des éclats. Si les pieds étaient blessés, on ne pouvait plus marcher ni combattre. »

Chaque sandale créée par Pham Quang Xuan porte un signe distinctif sur sa semelle : le territoire vietnamien en relief, archipels de Hoang Sa et Truong Sa compris. Mais la naissance de ce cachet s’est faite par hasard. M. Quang Xuan : « Un jour, un touriste étranger m’a demandé de lui mettre un signe distinctif vietnamien sur la paire qu’il venait d’acheter. Je voulais une chose originale mais significative. J’ai immédiatement pensé à une carte du pays comprenant les deux archipels de Truong Sa et Hoang Sa. Ce touriste a beaucoup apprécié ».

De son côté, Tien Cuong déclare : « Il y a eu une polémique sur le fait de graver une carte du pays en relief avec les archipels de Hoang Sa et Truong Sa sur les semelles des sandales. Moi, je viens de prouver à tout le monde que porter ces sandales, c’était comme marcher sur le territoire national et que c’était un droit légitime. Ça permet aussi d’affirmer la souveraineté du pays sur les deux archipels. Et bien, tout le monde a été convaincu par cet argument ». 

Pham Quang Xuan souhaite que tous ceux qui se rendent au Vietnam connaissent le sens historique des sandales en pneu usé. Ils les achèteront et raconteront, de retour dans leur pays, à leurs amis l’histoire  du Vietnam au travers de ces sandales.