(VOVworld) - La vie sur les rails... L’un des aspects les plus insolites de la capitale, qui n’en manque pourtant pas... A Hanoi, on vit sur la voie ferrée, au milieu des trains qui passent et repassent... Mais les rails peuvent parfois nous réveler le chemin d’un endroit caché, comme le Ray Quan, au carrefour Lê Duân-Nguyên Khuyên. « Ray » signifie « rail », et « quan », « bistro », tout simplement. Un bistrot ferroviaire, donc, qui n’en finit pas d’étonner et de détonner dans le paysage hanoien.
Il suffit de suivre les rails qui courent le long de la rue Lê Duân et de s’arrêter au croisement avec la rue Nguyên Khuyên. Tout de suite, le regard est attiré par une bâtisse un peu étrange, qui, par ce froid hivernal, prend vite des allures de ruche bourdonnante, même si ce n’est pas encore le week-end.
Il est 20h30. Cao Binh et Eric entrent dans le bistrot, absolument transis. Au bout de quelques minutes, ils recouvrent leurs esprit. Le premier est Vietnamien, le second, Français.
« J’ai découvert ce resto grâce à des amis, français notamment. C’est un resto assez spécial, assez exotique pour le Vietnam. A côté des rails, tu vois les trains qui passent tous les jours. L’alcool est vietnamien mais ça a un petit côté fruité qui est très sympa. L’ambiance est très cool, très internationale. »
« Je viens tout juste de découvrir ce resto, ce soir. C’est Binh qui m’a amené. Je trouve l’ambiance plutôt sympa, conviviale. C’est un peu la « dolce vita », comme on dit en italien. En tout cas, c’est vrai que la nourriture est excellente.»
Souvent, c’est par le bouche-à-oreille que l’on découvre Ray Quan. Mais en général, après y être allé une première fois, on a envie de revenir. C’est le cas d’Amélie et de Delphine...
« Des amis m’ont amenée ici quand je suis arrivée à Hanoi, et j’aime beaucoup ce restaurant, donc je reviens régulièrement. On y mange très bien, et il y a une ambiance amicale, avec la propriétaire qui est vraiment notre amie. Et on aime beaucoup aussi cette ambiance... proche des rails, avec les trains qui passent... C’est très sympa de manger ici, en terrasse. »
« Je suis venue au Vietnam il y a un an. C’est le premier endroit où de mes copains m’a emmenée. J’ai passé une très très bonne soirée, j’ai rencontré Te, la gérante. On a bu beaucoup de vin de riz et on s’est bien amusé. Un super bon accueil, de la convivialité... Eh oui c’est vraiment un lieu de rencontre, et ce que j’apprécie particulièrement, c’est qu’il n’y a pas que des étrangers, mais aussi beaucoup de Vietnamiens qui viennent, et on s’entend bien, on s’amuse... Il y a un bon mélange de culture ici. »
La patronne dont ces deux Françaises viennent de parler, c’est Dông Thành, ou Te, comme on l’appelle. D’une allure très jeune et dynamique pour ses 38 ans, Te est aussi souriante qu’exigeante dans le travail :
« Tous nos plats et tous nos alcools doivent respecter la saveur traditionnelle vietnamienne et être bénéfiques à la santé. En tant que commerçante, évidemment mon premier objectif, c’est d’attirer beaucoup de clients. Mais après l’ouverture de Ray Quan, je me suis aperçue qu’il y avait aussi une dimension culturelle à ne pas négliger. Mes clients ont toujours envie de découvrir la culture vietnamienne, et ils me confient souvent leurs problèmes, comment vivre au Vietnam, que fait-on quand on a une copine vietnamienne… Et je suis vraiment ravie de pouvoir tout partager avec eux. »
A Ray Quan, on peut passer d’une table à une autre pendant la soirée. On peut choisir la musique. Et on va rencontrer quelqu’un, qui va nous offrir un verre, avec qui on va discuter, parler de ses expériences au Vietnam, comme de vrais amis.
Et puis il y a le train. Le train sans lequel le Ray Quan ne serait pas le Ray Quan, et qui à chacun de ses passages, soulève les clients, lesquels se lèvent comme un seul homme pour trinquer tous ensemble.
« Pour moi, c’est extraordinaire. », nous dit Manh Cuong. « Le resto est tout près des rails. Et le train se déplace tout le temps. On est toujours en mouvement, ici. C’est ce qui fait que cet espace est si particulier, si original... »
« Et en plus de ça, nous confie Delphine, chaque fois qu’on a quelque chose qui ne va pas, qu’on est malade, qu’on a un rhume, qu’on a mal au ventre, il y a une boisson qui va nous soigner. Tout est médicinal, ici. On a appris énormément de choses. Et il y a la lumière qui sort de chaque maison, le karaoké à côté, les enfants qui courent, les gens qui passent, le train qui passe, les gens qui vont à Sapa, les gens qui viennent de Sapa... »
La clientèle de Ray Quan est majoritairement constituée d’Occidentaux, qui sont attirés par le côté insolite de l’établisement.
« On vient sans penser à ce qu’on doit payer ou à ce qu’on peut faire ici, on sait seulement qu’on sera content, et ça suffit. Pour les Vietnamiens, il y un côté nostalgique, mais pour les étrangers, c’est surtout l’aspect convivial qui compte... Il y a une dimension familiale qu’on ne retrouve nulle part ailleurs... C’est comme dans un repas au Vietnam, où tout le monde plonge ses morceaux de viande dans le même bol de saumure... Pour ceux qui ne sont pas habitués, c’est une chose précieuse. »
Eh oui, comme Te vient de le dire, les Français, les Américains ou les Anglais viennent à la fois pour l’ambiance conviviale et pour ce petit côté nostalgique qui leur rappelle la vie dans leur pays natal après la guerre. Quant aux Vietnamiens, comme Si Hoai, qui va à Ray Quan deux ou trois fois par semaine, c’est un retour au Hanoï d’il y a une quinzaine d’année.
« Je me sens en famille. C’est gênant un petit peu au début, car le train fait trop de bruit, mais on s’habitue rapidement. Ce n’est pas facile de trouver un lieu convivial où on peut regarder passer les trains, ceux-ci sont comme des amis qui nous rendent visite parfois, nous saluent, et s’en vont. Peut-être que vous ne vous ressentez rien en voyant passer des containeurs, mais quand vous regardez les trains de voyageurs, c’est autre chose... Il y a toute une vie là-dedans. C’est très émotionnel. »
Ces trains qui traversent Hanoi sont paradoxalement ce qui lui donne son air paisible et nostalgique. Comme quoi, un simple dîner pris au bord des rails peut vite prendre des allures de voyage...