Depuis avril, les deux écoles qu’abrite Pa Khen accueillent tous les soirs des élèves d’un genre un peu particulier, des élèves dont la moyenne d’âge est beaucoup plus élevée que celle des enfants qui fréquentent habituellement les lieux, dont ils sont parfois les parents, voire les grands-parents… Chaque soir, ils viennent ainsi apprendre à lire, à écrire et à compter, donnant ainsi raison au proverbe qui dit qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire…
Même si elle habite loin, Sông Thi Vàng, 41 ans, est toujours la première arrivée: pas question, pour elle, de manquer ne serait-ce qu’une minute de cours…
«Quand j’étais petite, il n’était pas question, pour moi, d’aller à l’école: ma famille n’avait pas les moyens… Aujourd’hui, par contre… Quand j’ai appris qu’il y avait ces cours du soir, je me suis aussitôt inscrite. C’est vrai que je suis très accaparée par les travaux agricoles, mais pour rien au monde, je ne passerais à côté de cette chance qui m’est offerte. Maintenant, ça y est, je commence à savoir lire et écrire, et vraiment, je suis comblée!», nous dit-elle.
Tout comme Sông Thi Vàng, Giang Thi Ly n’a pas pu être scolarisée lorsqu’elle avait encore l’âge de l’être, et pour les mêmes raisons. Aujourd’hui jeune mère de famille, elle profite de ces cours du soir pour rattraper le temps perdu et étancher sa soif de connaissances...
«Ces cours d’alphabétisation sont une vraie bénédiction, pour moi. Maintenant je sais écrire, signer et surtout compter: pour la marchande que je suis, ça change tout!», s’enthousiasme-t-elle.
Cet enthousiasme, les enseignants qui dispensent ces cours du soir sont les premiers à le ressentir. Quoi de plus gratifiant, en effet, que de tracer ainsi le sillon du progrès?... Trân Thi Huy, elle, se sent comme en mission…
«C’est la deuxième fois que je donne des cours d’alphabétisation à des adultes. Je fais en sorte de me mettre à la portée de tous. Il m’arrive parfois de devoir aller relancer unetelle ou untel jusque chez lui, mais si ça peut limiter l’absentéisme, ça vaut le coup», nous explique-t-elle.
Ça vaut le coup, en effet… C’est en tout cas ce que pensent les autorités locales et les responsables des deux écoles impliquées, qui voudraient bien faire des émules dans la région, si l’on en croit Pham Minh Thang, le directeur adjoint de l’un des deux établissements.
«Pour ce qui est des enseignants, il faut bien sûr qu’ils s’adaptent à un public un peu particulier, auquel on ne peut pas s’adresser comme on s’adresse à des enfants ou des adolescents. Il y a une dimension vraiment sacerdotale, là-dedans, et aussi - parce que dans bien des cas c’est nécessaire - un aspect éducation civique. C’est pour ça que certain cours sont consacrés aux mesures sanitaires ou à la prévention contre la noyade… Il y a aussi des échanges culturels ou sportifs, l’idée étant vraiment de contribuer à l’épanouissement social et intellectuel de tous ces gens qui sont issus de minorités ethniques», nous indique-t-il.
Pour Vuong Van Hoc, le directeur adjoint du service de l’Éducation et de la Formation du district de Môc Châu, plus l’analphabétisme recule, plus la pauvreté recule…
«Il va falloir ouvrir de nouvelles classe d’alphabétisation. L’objectif, c’est que d’ici à 2025, 97% des 15-60 ans sachant lire et écrire», précise-t-il.
Le service de l’Éducation et de la Formation du district de Môc Châu prévoit même de décerner un certificat de fin d’études à celles et ceux qui auront ainsi fait l’effort de s’alphabétiser. Il n’est jamais trop tard…