Les
céramiques de Bàu Truc |
Avant
même de poursuivre, sans doute est-il utile de faire le point sur la différence
- si tant est qu’il y en ait une - entre «poterie» et «céramique». La poterie
est essentiellement utilitaire et concerne la fabrication d’objets,
d’ustensiles de la vie courante. La céramique, elle, concerne la fabrication
d’objets plus précieux, voire artistiques, mais qui peuvent également être
utilitaires, comme par exemple de la vaisselle fine. Autant dire que la
différence est ténue !...
Mais
revenons-en à Bàu Truc.
Si
l’on s’en réfère aux annales populaires, c’est un certain Poklong Chanh qui
aurait introduit la poterie artisanale à Bàu Truc, voilà plus de 1.000 ans.
Refusant de travailler pour la Cour royale de l’époque, il aurait décidé de
transmettre son savoir-faire aux femmes du village…
Voilà
pourquoi, aujourd’hui encore, en plus d’avoir à Bàu Truc un édifice dédié au
culte qui lui est rendu, ce fameux Poklong Chanh est célébré à l’occasion de la
fête Katê, qui est la plus importante fête traditionnelle des Cham.
Les
céramiques de Bàu Truc ont une grande valeur artistique. Il faut dire qu’elles
sont faites entièrement à la main et qu’elles ont ce «supplément d’âme» que
l’usage du guéridon tournant, courant dans la poterie moderne, ne permettrait
pas.
« Pour
les petits objets, la proportion entre la terre et le sable serait de 3 pour 2,
alors qu’elle passe à 7 pour 5 dans le cas d’objets de grande dimension »,
nous explique Dào Thi Tuyêt Hang, céramiste de son état. « Si on veut
obtenir un objet bien rond, bien équilibré, il faut tourner tout autour sans
arrêt: à ce jeu-là, on fait facilement de 7 à 8 kilomètres par jour! Sinon,
quand tout est sec, on passe le rasoir, on crée les motifs et la cuisson ne
vient qu’après. Mais ça peut durer toute une journée et toute une nuit… En tout
cas, ce que je constate, c’est que comme tout est fait à la main, chaque
céramique est un objet unique… »
Dào Thi Tuyêt Hang |
Les
motifs de décoration sont eux aussi tout à fait originaux: des rivières, des
coquillages, des végétaux et même des ongles au niveau des anses... Et comme elles
ne sont pas émaillées, les céramiques de Bàu Truc ont des couleurs typiques - rouge-jaune,
rouge-rose ou brun - qui fait qu’on les reconnaît du premier coup d’œil.
« Nous
n’utilisons aucune machine pour fabriquer nos céramiques », nous dit Dài
Tri Quyêt, un villageois. « Tout est fait à la main. Les artisans tournent
autour des céramiques. Pour la cuisson, là aussi, c’est naturel. Ça se fait en
plein air avec du bois, de la paille et de la balle de riz. A Bàu Truc, la
poterie artisanale a connu 2 périodes bien distinctes. Dans le passé, on
fabriquait surtout des jarres, des vases, des bols, des marmites... Mais depuis
les années 2.000, on est vraiment passé aux objets d’art. »
Celles
et ceux qui se rendent à Bàu Truc peuvent assister à la fabrication des
céramiques. Le tourisme artisanal est d’ailleurs en plein essor, comme nous
l’explique Hô Si Son, le directeur adjoint du service de la Culture, des Sports
et du Tourisme de la province de Ninh Thuân.
« Nous
sommes en train de préparer un dossier en vue d’une inscription par l’UNESCO de
la poterie artisanale de Bàu Truc sur la liste des patrimoines culturels
immatériels représentatifs de l’Humanité. Sinon, la province a adopté un plan de
préservation de la poterie artisanale de Bàu Truc, plan qui inclut un volet
consacré à la transmission du savoir-faire aux jeunes, et un autre, consacré au
développement du tourisme », nous indique-t-il.
Bàu
Truc est considéré comme l’un des plus anciens villages de céramistes d’Asie du
Sud-Est. A ce jour, sur les 500 foyers que compte le village, les neuf dixièmes
abritent des céramistes. Quant aux céramiques de Bàu Truc, elles se taillent
une bonne place sur le marché, non seulement au Vietnam, mais aussi à
l’étranger.