Nos corps empoisonnés, mais le cœur pleinement résolu

Thùy Linh
Chia sẻ
(VOVWORLD) - La pièce Nos corps empoisonnés, de Marine Bachelot Nguyen, met en lumière les séquelles douloureuses de la guerre du Vietnam à travers le parcours de Trân Tô Nga, une femme engagée toute sa vie dans l’ultime combat pour les victimes vietnamiennes de l’agent orange. Après avoir touché les spectateurs de Hô-Chi-Minh-ville, Dà Nang et Huê, cette œuvre théâtrale poignante a fait sensation le 15 novembre dans l’enceinte du Lycée Français Alexandre Yersin, à Hanoï.

Nos corps empoisonnés, mais le cœur pleinement résolu - ảnh 1 Photo: Thùy Linh

Ce spectacle puissant, aussi singulier que politique, plonge le public dans l’histoire de vie et les luttes de Trân Tô Nga. Depuis son enfance dans les forêts du Vietnam jusqu’au procès historique d’Évry en janvier 2021 en France, où elle, à 79 ans, se porte partie civile contre quatorze firmes agro-industrielles ayant fourni à l’armée américaine l’agent orange, l’œuvre retrace son parcours bouleversant. Cet agent chimique, responsable de monstruosités, d’un écocide et de crimes de guerre, a marqué son vécu, notamment lors de sa jeunesse en tant que résistante dans le maquis, où elle fut exposée aux épandages mortifères de pesticides... 

Bien que le tribunal d’Évry se soit déclaré incompétent pour juger de la plainte de l’activiste franco-vietnamienne, Marine Bachelot Nguyên, autrice et metteuse en scène, souhaite poursuivre la lutte et sensibiliser la jeune génération vietnamienne à cette mémoire douloureuse en portant le débat sur la scène d’un théâtre-documentaire.

Nos corps empoisonnés, mais le cœur pleinement résolu - ảnh 2La salle était bondée. Photo: Thùy Linh

«Je me suis basée sur le livre biographique de Trân Tô Nga. Je me suis aussi appuyée sur des entretiens et des interviews que j’ai faits avec elle, sur des moments passés avec elle lors de manifestations. Et puis, je me suis documentée sur le procès et sur l’histoire du Vietnam pour essayer de faire une pièce qui puisse parler autant au public français qu’au public vietnamien, et transmettre des informations tout en apportant de la sensibilité, de la vie, des émotions sur l’histoire de Nga et son combat pour les victimes de l’agent orange. J’admire beaucoup son engagement pour la justice et sa capacité à ne jamais abandonner, à garder toujours l’espoir. Sa générosité, son goût pour la transmission vers les jeunes générations, sa spiritualité… pour moi, c’est vraiment une figure de transmission», a-t-elle souligné.

Elle a ensuite exhorté à la participation de tous, notamment des jeunes, dans ce combat contre les injustices et les crimes de l’histoire.

«Le rôle de la jeunesse est de garder cette force morale pour prendre le relais des personnes plus âgées et aussi réinventer les combats. En France, en effet, il y a beaucoup de jeunes autour de Trân Tô Nga qui se battent contre les crimes de l’agent orange, pour son procès, pour toutes les victimes. Et nous espérons que la jeunesse vietnamienne rejoindra aussi ce combat pour la justice», a-t-elle ajouté.

Nos corps empoisonnés, mais le cœur pleinement résolu - ảnh 3Olivier Brochet, ambassadeur de France au Vietnam, prend la parole aux côtés d'Angélica-Kiyomi Tisseyre Sékiné (au milieu), comédienne interprètant Trân Tô Nga dans la pièce et de Marine Bachelot Nguyên, autrice et metteuse en scène. Photo: Thùy Linh

Des vidéos et images d’archives s’entremêlent au discours incarné d’une combattante persistante et inspirante. Après environ une heure et demie de ce récit théâtral, une grande vie se raconte. Les larmes tombent, et les cœurs sont profondément touchés. Le public vibre à chaque drame, se laissant porter par la détermination et la force de caractère de Trân Tô Nga. Indestructible, imperturbable, elle lutte, elle se bat, elle croit en la justice, toujours résiliente malgré les nombreuses épreuves.

«Je ne connaissais pas du tout Mme Trân Tô Nga avant. Je suis ravi de découvrir cette personnalité, parce que, bien qu’elle soit un peu seule à porter ce combat, je pense que derrière elle, il y a des millions de personnes. Et de voir aussi la jeunesse se joindre à elle, ce genre de spectacles qui montrent son histoire et ce qu’elle a vécu… Je trouve ça vraiment incroyable. Suite au spectacle, moi aussi, je suis bouleversé d’apprendre tout ce qui s’est passé. En France, on savait qu’il y avait eu des atrocités au Vietnam, comme avec le napalm, mais je n’étais pas au courant des impacts de l’agent orange. Découvrir tout cela ce soir, c’est bouleversant», a partagé un spectateur. 

«C’était vraiment très touchant comme spectacle. Je n’étais pas au courant de ce qu’était l’agent orange. Découvrir tout ce qui s’est passé m’a vraiment chamboulé. La mise en scène était étonnante, et cela rendait très bien, car ce genre de mise en scène est rare», a témoigné une autre.

«C’est très touchant. Le spectacle était merveilleux, bien écrit, et la comédienne a si bien joué que j’ai pleuré plusieurs fois tout au long de la représentation», nous a confié un autre.

Nos corps empoisonnés, mais le cœur pleinement résolu - ảnh 4Photo: Thùy Linh

Présent, l’ambassadeur de France au Vietnam, Olivier Brochet, ne pouvait pas non plus cacher son émotion face à la quête de justice inlassable menée par Trân Tô Nga. Il a souligné son lien étroit avec la France et les Français qui la soutiennent.

«C’est aujourd’hui une vieille dame, elle a l’âge qu’aurait ma mère aujourd'hui. C’est une femme d’une incroyable vitalité malgré la maladie qui la ronge. Vous l’aurez compris en voyant ce spectacle: c’est d’abord une combattante. Une combattante de la liberté, profondément attachée à la justice. C'est une patriote vietnamienne, mais également une amoureuse de ce que la culture française et la France lui ont apporté. Elle a dit qu’au dernier souffle, elle se battrait pour que les responsables reconnaissent leurs torts. Ni pour de l’argent, ni pour la vengeance, mais pour la justice. Son combat est long et compliqué, mais elle le mène pour faire connaître ce qui s’est passé et mobiliser l’opinion publique, en France et dans le monde», a-t-il fait remarquer. 

À cette occasion, cinq fauteuils roulants, financés par des collectes de Trân Tô Nga auprès d’associations humanitaires en France et de bienfaiteurs anonymes, ont été remis aux victimes de la dioxine, via l’Association Vietnamienne des Victimes de l’Agent Orange (VAVA). Un beau moment pour clore une soirée riche en émotions.

Commentaires