L’ambassadeur de France au Vietnam Nicolas Warnery (photo: Ambassade de France au Vietnam) |
Nicolas Warnery: La politique étrangère est décidée principalement par le président de la République en France. Elle est ensuite mise en œuvre par le Premier ministre, mais il y a une grande continuité d’un Premier ministre à l’autre et ainsi dans les relations bilatérales entre la France et le Vietnam, relation qui est excellente. La seule petite différence est que l’ancien Premier ministre est venu au Vietnam alors que le nouveau n’y est pas encore venu, mais cela ne changera rien à nos relations. J’ajoute que nous perdons le conseiller diplomatique de l’ancien Premier ministre qui était l’ancien ambassadeur au Vietnam, monsieur Bertrand Lortholary, mon prédécesseur, mais la nouvelle conseillère diplomatique est quelqu’un qui connaît très bien l’Asie. C’est une très bonne amie, une très bonne collègue.
VOVWorld: L’Assemblée nationale vietnamienne a ratifié le 8 juin l’Accord de libre-échange et l’Accord de protection des investissements Union Européenne-Vietnam. Quelles seront les retombées de ces deux accords sur la coopération France-Vietnam?
Nicolas Warnery: Nous espérons que ces deux accords, dès qu’ils seront en vigueur, auront un effet très positif sur le développement de nos relations bilatérales. Dès le 1 août, 70% des droits de douane seront supprimés et dans les sept ans qui viennent, c’est 99% des droits de douane qui auront disparus. Les produits vietnamiens pourront donc plus facilement être vendus sur les territoires européens et inversement, les produits et services européens pourront plus facilement être vendus, être proposés sur le marché vietnamien. Nous attendons un développement très fort de la relation économique.
VOVWorld: La France est l’unique pays avec lequel le Vietnam entretient une coopération décentralisée aussi développée et efficace. C’est ce qu’a indiqué le vice-ministre vietnamien des Affaires étrangères Nguyên Quôc Cuong lors des 11e assises de la coopération décentralisée franco-vietnamienne, tenues à Toulouse en France en avril 2019. Quelles sont les actions prévues par l’Ambassade de France pour approfondir cette coopération décentralisée?
Nicolas Warnery: J’aimerais d’abord souligner que cette coopération décentralisée est un élément capital pour nous. Elle remonte à 1989 avec une première coopération entre la région Ile de France et la ville de Hanoi, coopération qui se poursuit aujourd’hui et qui est extrêmement fructueuse. Et ensuite il y a une diversification formidable des collectivités françaises et des provinces vietnamiennes qui se sont donc associées. Aujourd’hui il y a 55 projets d’accord qui réunissent, côté français 24 collectivités et côté vietnamien 33 autorités locales, soit des villes, soit des provinces. Donc il y a eu effectivement à Toulouse un moment important. Nous sommes déjà dans la perspective des prochaines assises, celle qui auront lieu en 2022 ici à Hanoi. En 2019, il y a eu à l’occasion des assises à Toulouse deux nouveaux partenariats entre la région de l’Occitanie et la province de Lam Dông, entre l’agglomération de la Rochelle et la province de Thanh Hoa. Et donc ça continue en permanence. Ce sont des coopérations au niveau culturel et au niveau de la formation, au niveau de la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement et au niveau de développement d’une ville durable. Nous soutenons les collectivités, nous recueillons les demandes des provinces et des villes vietnamiennes qui souhaitent être jumelées avec des collectivités françaises et nous cherchons du côté français des collectivités capables de monter un partenariat de cette nature. Donc nous avons énormément de projets comme le projet sur la formation et la mobilité de la jeunesse entre la région Nouvelle Aquitaine et la province de Lào Cai, le projet de développement du tourisme durable entre le département du Val-de-Marne et la province de Yên Bai, le projet de lutte contre la violence faite aux femmes entre le département de Seine-Saint-Denis et la province de Hai Duong. Nous sommes déjà dans la mise en œuvre de ces partenariats nouveaux et dans la préparation des assises de 2020 avec le comité populaire de Hanoi.
VOVWorld: Depuis le début de l’année, la pandémie de Covid-19 constitue le souci majeur du monde entier. Comment la crise sanitaire a-t-elle influencé la coopération France-Vietnam dans le domaine de la santé?
Nicolas Warnery: Je dirais que paradoxalement la pandémie a prouvé à quel point que cette coopération était précieuse. Cette coopération, qui est très ancienne, et à laquelle nous tenons beaucoup, je crois des deux côtés. L’ambassade de France au Vietnam est la seule ambassade du réseau dans laquelle il y a un attaché de coopération de santé à 100% de son temps. Donc, pour revenir à l’épidémie, évidemment elle a bouleversé notre programme. Elle a interrompu les voyages de délégations et nous a obligés à changer notre méthode de travail. Nous recourrons beaucoup plus souvent maintenant aux visioconférences. Mais nous allons évidemment tout faire pour maintenir l’accueil d’étudiants et de médecins vietnamiens en France. Parce que c’était un des points forts de cette coopération. Il y a plus de 40 médecins, spécialistes, qui sont formés en France cette année et c’est un des pivots de cette coopération nous allons essayer de maintenir l’envoi des médecins, d’étudiants de médecine et d’ailleurs d’autres étudiants en France à partir de la rentrée prochaine. Et puis, il y a une réorientation des projets de recherche, notamment dans le financement des projets de recherche sur les projets dédiés à la gestion de la crise du Covid-19. L’AFD va mettre 2 million d’euros supplémentaires sur un projet régional lié à la pandémie.
VOVWorld: Quelles sont les priorités de l’Ambassade de France dans son plan d’action pour la période post-Covid-19?
Nicolas Warnery: Nous avons exactement les mêmes priorités qu’avant. La seule chose est le méthode de travail est un peu différente. Nous savons que nous aurons moins de visites de délégations parce que pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, nous ne pourrons pas accueillir des délégations qui étaient prévues, étaient attendues ici. Nous allons travailler à distance mais nous maintenons les mêmes objectifs: développement des relations économiques, enregistrement et approfondissement de la coopération culturelle, poursuite de la coopération en matière de développement et de mise en œuvre de l’accord de Paris, donc tout ce qui est durable et tout ce qui essaie de limiter l’impact de changement climatique. Nous sommes très attentifs à l’état des fleuves et des rivières ou des estuaires, à la salinité des eaux, à l’agriculture, à l’aquaculture, sans compter la pollution atmosphérique bien sûr. Tout ça nos paraît vital et donc les actions sont les mêmes: développement durable, développement harmonieux du pays pour que ses habitants vivent heureux. Il y a de plus en plus de Vietnamiens qui vont vivre en ville dans les années qui viennent. Nous voulons accompagner le Vietnam dans cette transition vers une société plus citadine, moins rurale, moins agricole.