(VOVworld) - Nous vous avons présenté il y a deux semaines un spectacle de marionnette-objet du fantasque Belge Stéphane Georis. Avec une poche pleine d’objets, Stéphane Georis explore toutes les possibilités qu’offre cette sorte de théâtre qu’il pratique intensivement depuis une trentaine d’années, avec sa Compagnie des Chemins de Terre. Retrouver l’enfance et son ravissement, mais sans quitter la rigueur de l’âge adulte, c’est comme ça que Stéphane Georis définit son art.
Photo : Délégation Wallonie-Bruxelles Au Vietnam
Stéphane Georis : Mon métier c’est comédien, mais surtout comédien de théâtre de rue. Ça fait 30 ans que j’ai fait ce métier. Je jouais d’abord dans les couloirs du métro à Bruxelles quand j’avais 17 ans, et puis petit à petit j’ai évolué pour arriver à non seulement jongler mais aussi à cracher du feu, à marcher sur les échasses, enfin, toutes ces choses-là… et puis petit à petit arriver à un jeu clownesque qui m’a amené au jeu de comédien : pas seulement faire rire mais aussi toucher un peu à l’émotion. Et puis il y a 15 ans j’ai commencé à jouer avec des objets, et à en faire des marionnettes. C’est ce qui fait mon occupation principale maintenant, c’est de travailler avec des carottes, des bananes, avec des tasses de café, des enciers, des cafetières, avec des choses pour en faire des objets qui parlent - des marionnettes, et de raconter des histoires à toute petite échelle… Sur la table où je travaille, je peux raconter des histoires de poireaux qui tombent amoureux de bananes, ou l’histoire de Roméo et de Juliette avec une paire de gants et une chaussure… Des choses comme ça... C’est la marionnette objet qui me passionne pour le moment.
VOV5 : Qu’est-ce qui est de plus plaisant dans la marionnette-objet ?
Stéphane Georis : Quand j’avais 20 ans, quand j’étais encore jeune, j’ai vu un spectacle comme ça, à partir d’objets, et je me suis dis simplement : « Ah c’est possible de rendre les choses intéressantes ! ». Je sais à l’avance que tout est possible et c’est ce que je fais quand je travaille avec des jeunes, je leur dis « ouvrez vos possibilités dans la tête, tout est possible dans l’imaginaire ». Après le travail commence quand on se dit « comment est-ce qu’on peut le réaliser ? ». Je ne sais pas d’avance ce que je vais pouvoir faire de tel ou tel objet, mais quand je vois dans un supermarché un objet ou un autre qui peut devenir marionnette, je l’achète, je l’emmène chez moi, j’essaie de voir comment il est souple, comment il bouge, comment il ressemble à un homme ou à une femme, et comment je peux le faire bouger pour en faire une marionnette. C’est un peu d’exploration, après d’imagination qui nous appartient, et de création pour chacun. Comme chacun écrit différemment, chacun invente différemment un spectacle. Et c’est ça qui est beau, c’est ce qui fait la richesse du monde.
VOV5 : Comment choisissez-vous les objets avec lesquels vous jouez ? Vous les fabriquez ou vous les inventez vous-même ?
Stéphane Georis : Je fabrique très peu. J’essaie vraiment de prendre les objets comme ils sont, parce que prendre les objets comme ils sont et prendre les objets que tout le monde peut avoir chez soi, c’est aussi ouvrir l’imaginaire du public qui peut se dire « mais je peux le faire chez moi aussi ». Oui, allez-y, faites-le ! C’est ça qui est bien. Alors quand on voit des spectacles un peu complexe, quand on voit du théâtre avec trop de techniques, pour moi, ça me déçoit, parce que j’ai l’impression d’être un imbécile. Donc moi, quand je fais un spectacle, c’est pour dire aux gens : « Vous pouvez le faire chez vous ». Ça fait partie de ma démarche et j’aime bien ça. La culture est populaire, elle appartient à tout le monde. Et je crois que tout le monde est artiste dans le fond. Il faut juste le rappeler de temps en temps et les spectacles comme ceux-ci peuvent dire aux gens « Alllez-y, faites-le, c’est amusant. Jouer avec votre fourchette et votre poireau, c’est très rigolo ! ».
VOV5 : Vous jouez même avec des produits frais ?
Stéphane Georis : J’ai une tendance à jouer aussi avec la nourriture. Ça fait partie de ma démarche et du nombre d’objets qu’on peut utiliser. J’ai tout un spectacle où je raconte Richard III de Shakespeare avec comme objets-marionnettes un kilo de rôti de porc. On découpe le rôti de porc et ça devient le roi, avec un couteau on tue le roi… Tout est possible et de nouveau j’ouvre des portes de l’imaginaire…
VOV5 : Ça doit être très intéressant !...
Stéphane Georis : Oui ça l’est ! (rire)
VOV5 : Pourriez-vous nous parler un peu de votre Compagnie des Chemins de Terre ?
Stéphane Georis : La compagnie des Chemins de Terre existe depuis quasiment 30 ans. C’est une compagnie familiale, avec ma femme et mes enfants. On voyage en faisant des spectacles de rue, c’est-à-dire qu’on joue dans des fêtes des villages, dans les villes, dans les quartiers, partout où on peut faire un petit spectacle... Et donc les spectacles dans ces conditions-là doivent être assez universels, parce qu’on s’adresse dans la rue, vraiment à tout le monde. Alors que dans un théâtre, les gens qui paient, viennent voir le spectacle, ils paient pour vous regarder. Quand on joue dans la rue, il est important de toucher tout le monde. Donc il y a toujours un niveau pour les enfants, qui doit être amusant. Mais il faut aussi que les adultes puissent réfléchir un petit peu sur le monde où on est, que les gens qui parlent des langues étrangères puissent comprendre une partie de ce qui se passe... Donc il faut tout un langage visuel qui suive et qu’il ne soit pas trop long pour qu’on ne s’ennuie pas aussi. En général c’est comme ça, pour que le théâtre de rue soit agréable pour tout le monde. Et voilà c’est l’expérience de la Compagnie des Chemins de Terre depuis 30 ans.
VOV5 : C’est toujours le côté « de rue » qui compte pour vous ?
Stéphane Georis : On vient de la rue. Et puis si on nous invite dans un théâtre nous pouvons aussi jouer dans un théâtre. Mais d’abord dans la rue, on essaie notre spectacle et on a cette tension, ce plaisir de vivre qui est d’abord là.