« Je ne me suis pas arrêté à Camus, j’ai continué »

Duc Quy
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(VOVworld) - Notre rubrique Francophonie revient cette semaine sur un homme qui fait pas mal parler de lui ces derniers temps : l’Algérien Kamel Daoud, le lauréat du Prix des cinq continents de la Francophonie de 2014.

(VOVworld) - Notre rubrique Francophonie revient cette semaine sur un homme qui fait pas mal parler de lui ces derniers temps : l’Algérien Kamel Daoud. Actuellement, Kamel Daoud travaille pour l’un des premiers quotidiens francophones de son pays en tant que rédacteur en chef mais ce n’est pas tout ! Il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment « Meursault, contre-enquête », un roman qui a été primé à diverses reprises - avec notamment le Prix des cinq continents de la Francophonie en 2014 - et qui est désormais disponible en vietnamien. Un écrivain, donc. Mais rien ne prédestinait Kamel Daouad à la littérature, lui qui a passé le bac dans une filière mathématique.


 « Je ne me suis pas arrêté à Camus, j’ai continué » - ảnh 1
Photo: VOV/Duc Quy

Parce que j’ai toujours aimé la littérature ! En Algérie, à l’époque, au niveau lycée, on n’avait pas grand choix pour les études. Et du reste, on ne choisissait pas soi-même. Moi, je me suis retrouvé à faire des maths alors que ce que je voulais, c’était étudier la langue et la littérature française.  Quand j’ai eu le bac, j’ai pu choisir, et là, j’ai étudié la littérature française.  J’ai toujours voulu être écrivain, être quelqu’un qui écrit.

Maintenant, vous êtes également rédacteur en chef au Quotidien d’Oran, le troisième quotidien national francophone d’Algérie. Les connaissances mathématiques et journalistiques sont-elles utiles pour l’écriture des récits et des romans ? 

Oui, quand on a une petite formation comme celle que j’ai eue dans cette discipline, ça apprend à être rationnel, à être strict et à avoir un raisonnement logique surtout. J’aime bien. Les matières scientifiques aident à avoir un raisonnement très strict et très logique.

En ce qui concerne « Meursault , contre-enquête », vous avez choisi d’écrire les non-dits de la violence coloniale... Pourquoi ?

Parce que c’est quelque chose qui n’a pas été encore bien accepté en Algérie. L’histoire coloniale a beaucoup de poids en Algérie sur les esprits, dans les écoles, dans les émissions de  télévision, dans les campagnes de propagande. C’est aussi un crime. Alors, je ne veux pas être enfermé dans l’histoire mais je veux aussi que l’histoire soit assumée par la France, par l’Algérie, une fois pour toute, et qu’on passe à autre chose. C’est pour ça que j’ai écrit sur l’époque coloniale.    


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Votre roman est déjà traduit en une vingtaine de langues et il est désormais disponible en vietnamien...

Je suis vraiment touché et ému par le fait que ce roman ait été publié au Vietnam. C’est très important pour moi de m’adresser à un pays comme le Vietnam. Pourquoi ? Parce qu’il a une histoire commune avec l’Algérie, une histoire coloniale commune. C’est un pays qui a subi beaucoup de violences de l’Occident. Mais c’est un pays qui n’a pas été enfermé dans l’histoire. Pour moi, c’est très important de me voir traduire en vietnamien et surtout de voir ce roman-là qui parle du passé colonial traduit en vietnamien.


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Les bibliophiles vietnamiens en général et les adeptes de la littérature française attendent avec impatience la publication de votre roman, je crois. Pourriez-vous le résumer en quelques mots ?

Albert Camus, qui était un grand écrivain du XXème siècle, a écrit un roman intitulé « L’Etranger » où un personnage qui s’appelle Meursault tue un Arabe, comme ça, absurdement, sur une plage. Après, il est condamné à mort non parce qu’il a tué un Arabe mais parce qu’il n’a pas pleuré à l’enterrement de sa mère. Moi, j’ai repris la même histoire qu’Albert Camus mais en la racontant du point de vue de l’Arabe, de la victime. C’est son frère qui raconte, qui dit que pendant soixante-dix ans, personne n’a jamais pensé à l’Arabe, personne n’a jamais dit qui il était, ni cherché à savoir la douleur qu’il a vécu, ni pensé à sa famille. Je ne me suis pas arrêté à Camus, j’ai continué. J’ai interrogé le présent algérien, le présent de maintenant. J’ai essayé d’utiliser la philosophie de Camus pour chercher des solutions à notre présent maintenant. Et j’ai essayé d’aller plus loin que l’histoire coloniale. Il ne faut pas que l’histoire coloniale nous enferme.


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Est-ce que vous avez pensé à un deuxième roman ? Si oui, pourriez-vous nous en révéler quelques éléments ?

Oui, j’ai une idée pour un autre roman mais je ne peux pas le faire cette année parce que j’ai un scénario de film à écrire et aussi une pièce de théâtre qui va sortir en France en Juin et en Juillet. Et puis il y a des tournées dans le monde entier. Ça me laisse peu de temps d’autant plus que je reste toujours journaliste. Même quand j’ai eu un déplacement, j’envoie mes articles et mes chroniques. Mais bon, l’année prochaine, j’aurais beaucoup plus de temps pour écrire un roman.


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Vous avez l’intention d’écrire un article sur notre pays ?

Oui, je pense que j’aurai fait un ou deux articles sur le Vietnam. Je vais écrire mes impressions sur votre pays, sur le fait que c’est un pays qui est en train de faire une belle transition et des réformes sans passer par la violence. Ça c’est important parce que dans le monde arabe, on n’a encore vu un pays faire une transition politique sans grande violence. Donc, quand je vais dans des pays comme le Vietnam, la Roumanie ou d’autres, c’est une expérience très importante pour moi.


« Meursault, contre-enquête » figure dans la liste des romans les plus vendus

en Algérie au cours de ces trentes dernières années

A noter que Kamel Daoud est également lauréat du Prix François Mauriac 2014

et du Prix Goncourt du premier roman 2015.


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