Hallyu, un succès démystifié

Phuong Nguyen
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(VOVWORLD) - La mode coréenne n’en finit plus de faire fureur… Après l’Asie, l’Europe… C’est à croire que Séoul est devenu le nouveau centre névralgique de la jeunesse branchée… C’est à tel point vrai que d’éminents universitaires se penchent sur le phénomène. Tout récemment, l’Institut Français de Hanoi a organisé une table ronde intitulée «BTS et Parasite: la vague coréenne en France et au Vietnam»… Deux professeurs, Patrick Messerlin, un ancien de Sciences Po Paris, et Jimmy Park, chercheur à l’Université nationale de Séoul, ont tenté de décrypter cette nouvelle tendance qui est… si tendance!… 

Hallyu, un succès démystifié - ảnh 1 Table ronde sur la vague sud-coréenne "Hallyu" en France et au Vietnam, le 28 octobre à l’Institut français de Hanoï (L’Espace). Photo: Dang Duong/CVN

«Hallyu»… Ce terme, utilisé par les médias chinois dès 1998 pour décrire l’engouement de la jeunesse chinoise pour les produits culturels sud-coréens, a fait du chemin depuis… Des films, des séries télévisées, de la musique pop… Tout ce qui vient du pays du matin calme est bon à prendre… Et ce qui au départ n’était vrai que du Japon ou de la Chine, l’est désormais du monde entier… L’Asie du Sud-Est, l’Europe, l’Amérique et même l’Afrique… La vague coréenne déferle et balaye tout sur son passage.... Jimmy Park, lui, est dans la peau de l’observateur…

«Je suis en France depuis quelques années, maintenant. Avant, j’étais aux États-Unis. La beauté masculine asiatique n’a jamais été vraiment appréciée, dans ces pays-là... Mais petit à petit, je vois sur Youtube des vidéos faites par des Français, des Allemands, des Britanniques qui montrent que les points de vue évoluent sur cette question. En fait, c’est l’effet K-pop.», nous dit-il. 

«L’effet K-pop»… Au début des années 2000, la musique sud-coréenne ne pesait pas bien lourd, sur le marché. Mais en l’espace de dix ans, les choses ont changé du tout au tout puisqu’en 2016, la République de Corée faisait partie des quatre plus grands pays exportateurs de musique, à côté des États-Unis, du Royaume-Uni et du Japon.

«Quand j’étais au lycée, donc les années 1980 ou 1990, j’écoutais surtout de la J-pop.», se souvient Jimmy Park. «J’adorais ça, mais jamais je n’aurais imaginé qu’un jour, la K-pop connaîtrait le même succès. C’était tout simplement inimaginable. Mais ça a changé maintenant. Quand je voyage en Afrique ou en Europe, les gens me disent toujours: Oh, vous êtes sud-coréen, j’aime bien BTS!...»

Que s’est-il passé, alors? Comment expliquer ce succès planétaire? La K-pop est en fait le résultat d’un long processus ou l’assimilation des grandes tendances mondiales joue un rôle prépondérant. 

«Au début on a beaucoup imité la pop américaine. Il y aussi eu des périodes où on copiait la J-pop... À force de faire ça, on a finit par le faire à la sauce coréenne et par trouver notre propre style…», constate Jimmy Park.   

Le succès de la K-pop s’explique aussi en partie par l’essor du numérique qui a changé totalement la manière dont sont distribués des produits culturels. Certaines plateformes comme Youtube ou Spotify ont été exploitées à fond pour permettre à l’industrie musicale sud-coréenne d’établir de véritables stratégies gagnant-gagnant.  

«Certains distributeurs comme SM, YG, JYP ouvrent des chaînes sur Youtube et y téléchargent leur musique.», nous explique Jimmy Park. «Sachant que Youtube gagne de l’argent en augmentant le nombre de vues, ces distributeurs ne demandent pas à Youtube de payer pour leur musique. Ce qui se passe, c’est qu’en utilisant leurs algorithmes, Youtube assure le rayonnement de la K-pop auprès du grand public. Alors évidemment, vous allez me dire que quand on écoute de la musique sur Youtube, on le fait gratuitement et que les distributeurs n’y gagnent pas grand-chose… Eh bien si parce que ça donne envie à tous ceux qui écoutent d’aller à des concerts, par exemple…» 

L’industrie de la musique a su s’adapter aux changements d’habitude du  public. «Avant, on écoutait la musique avec un baladeur.», observe Jimmy Park. « Maintenant, c’est avec un ordinateur ou un smartphone. Ça donne de l’image. Les distributeurs comprennent bien cette différence, c’est pourquoi ils investissent beaucoup au côté visuel: les danses, les maquillages, les vêtements.... Ils produisent des chansons non seulement à écouter mais aussi à regarder. Autre chose... Auparavant, les gens achetaient un album de huit chansons, par exemple, mais il n’y avait qu’une ou deux chansons qui étaient vraiment bonnes. Maintenant, avec la numérisation, les gens achètent seulement les chansons qui leur plaisent. Les distributeurs se rendent bien compte de ce changement, et ils ne produisent qu’un hit à la fois.»

Le gouvernement sud-coréen, qui voit dans la culture populaire un instrument du «soft power», favorise-t-il la promotion du K-pop à l’étranger?

«Au départ, le gouvernement ne considérait pas la K-pop comme un vrai phénomène culturel.», nous répond Jimmy Park. «Mais à partir des années 2000, on a vu clairement que la K-pop était populaire, notamment à Taiwan, ce qui a incité le gouvernement à s’y intéresser. C’est pareil avec le cinéma… La République de Corée était pauvre, notamment durant les années 1960-70, et le gouvernement n’a pas du tout aidé l’industrie du cinéma. Mais après le succès de ‘Chéri’ en 1997, le gouvernement a commencé à voir dans l’industrie du cinéma un potentiel économique. Alors il y a des aides, mais pas très importantes. C’est surtout le secteur privé.»

Question: faut-il qu’un pays soit riche pour avoir une industrie culturelle puissante? D’après Patrick Messerlin, ce n’est pas une nécessité absolue.  

«Quand la République de Corée a eu du succès avec son industrie culturelle, ça a d’abord été avec la K-pop.», analyse-t-il. «Or, la K-pop n’est pas un industrie qui demande beaucoup d’argent. C’est une industrie qui demande beaucoup d’idées et qui demande des gens qui connaissent bien le métier. Les grandes compagnies de musique sud-coréennes ont été fondées par des anciens chanteurs, et au début, elles étaient de petites entreprises. Le groupe BTS par exemple… Son directeur a réussi à trouver une autre manière de gérer son groupe et les relations entre son groupe et les fans à travers le monde. C’est un succès de la communication et des techniques aussi, bien entendu, de production musicale.»

Eh oui, comme on dit en France, «on n’a pas de pétrole, mais on a des idées»… Le Vietnam qui cherche activement à promouvoir sa culture, a de quoi réfléchir...

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