Benoît Chaigneau (droite) et le nuoc mam fumé en spray
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Benoît Chaigneau : À la base, je suis producteur et animateur de télévision en France. J'ai produit et travaillé sur beaucoup de shows culinaires avant de devenir moi même cuisinier, d'avoir un restaurant. Et puis, il se trouve que j'enseigne l'audiovisuel depuis dix ans auprès de VTV. Je vis au Vietnam. Je participe à la promotion de la gastronomie vietnamienne à travers le monde et ça va peut être vous surprendre, mais je suis venu au Vietnam pour fabriquer du nuoc mam et j'ai mis au point un nuoc mam fumé à travers une société qui s'appelle Les Comptoirs d'Indochine et qui va bientôt mettre sur le marché ce nouveau produit. Donc un nuoc mam fumé en spray, c'est assez rigolo. C'est comme si un Français allait aux États-Unis pour vendre des jeans.
VOV: Pourquoi ne pas prendre un autre produit emblématique du Vietnam? Par exemple, le poivre du Phu Quôc?
Benoît Chaigneau: Le poivre et toutes les épices sont très intéressants.... Le nuoc mam, il a un parcours très intéressant, c'est-à-dire qu'il remonte à l'armée romaine qui utilisait ce qu'on appelait le garum, qui était un nuoc mam extrêmement concentré, mélangé avec de l'eau. Et on présume que le nuoc mam est arrivé sur les côtes de la Chine, dans la région de Canton dès les débuts de la route de la soie et qu’ensuite le Vietnam s'en est emparé. Et là où le nuoc mam a disparu d'Europe, à part dans quelques régions, comme à Nice ou à Naples, en Italie, le Vietnam a su l'utiliser comme un condiment extraordinaire à mon sens, puisque c'est plein de protéines, d'oligo éléments, de sels minéraux.... Ça a un pouvoir salant qui est nettement meilleur que celui du sel. Et en termes de saveurs, c'est incroyable. Donc je m'intéresse énormément aux épices, au poivre, le mac khen, le mang tang, le hat doi, la moc mat... Toutes ces épices-là, je les trouve absolument passionnantes. J'essaye même parfois de les combiner avec du nuoc mam. J'ai fait un nuoc mam au moc mat, un nuoc mam au mac khen et un autre au poivre puisque comme ça, on retombe sur quelque chose qui est assez typiquement vietnamien. Un mélange sel, poivre, mais liquide à défaut d'être solide...
VOV: Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre entreprise?
Benoît Chaigneau: C'est un tout début. On est en train de lancer les produits. Je travaille dans la région de Quang Nam, dans un petit village qui est au sud de Hoi An, dans lequel il y a 65 familles qui produisent toutes du nuoc mam. Et donc, on a travaillé ensemble sur les standards de nuoc mam, sur la manière dont on voulait travailler ensemble pour pouvoir ensuite sortir ces produits là... Donc, on fait travailler toute une coopérative en suivant des standards et on espère un jour avoir la même IGP que nos amis de Phu Quôc, d’autant que depuis la fin du mois d'octobre a été créé au Vietnam une association des producteurs de nuoc mam, pour essayer d'avoir une vraie communication entre tout le monde, de véritables standards. Je pense que c'est un produit qu'il faudrait populariser davantage à travers le monde, autant pour ses qualités gustatives que ses qualités sanitaires. Il faut qu'on arrête d'appeler ça de la sauce de poisson pourri. C'est de la sauce de poisson. Moi, je trouve que c'est un ingrédient extraordinaire à populariser d'urgence.
VOV: Est-ce que votre produit est popularisé?
Benoît Chaigneau: Alors, pour être tout à fait honnête, le marché français ne m'intéresse pas tellement. Moi, ce qui m'intéresse, c'est le marché vietnamien et le marché asiatique. Parce que j'ai envie de repopulariser ce produit à travers une évolution, par exemple, de l'utilisation en spray, c'est quelque chose qui va différer des utilisations classiques. Et puis, les nuoc mam aromatisés sur lesquels nous travaillons en ce moment suscitent véritablement la curiosité des consommateurs vietnamiens. Ma voisine, qui est agricultrice, qui travaille dans une rizière, lorsque je lui ai offert ma première bouteille de nuoc mam, elle m'a regardé en disant «Qu'est ce que c'est que ça? Un Français qui vient me faire du nuoc mam?». Et puis, quand elle a goûté, elle m'a dit «Alors, c'est drôlement bon ton truc»...
VOV: Donc quels sont vos plans pour faire valoir ce produit au Vietnam?
Benoît Chaigneau: Pour l'instant, c'est un produit que je propose essentiellement à des chefs cuisiniers pour qu'ils puissent l'utiliser dans l'élaboration de nouveaux plats et dans la haute gastronomie. Et puis ensuite, on essaiera de le populariser pour remplacer certains produits qui se prétendent du nuoc mam, mais qui n'en sont pas. C'est-à-dire que moi, ce que je veux, c'est qu'on soit attentif à ce cas sur l'étiquette du nuoc mam, c'est du poisson et du sel. Si jamais il y a du sucre, du mono glutamate de sodium, de l'eau, c'est que vous êtes en train de vous faire arnaquer. Ce n'est pas le bon produit. Donc moi, ce qui m'intéresse, c'est de revenir aux origines de ce produit. Et malheureusement, les nuoc mam les plus vendus sur le marché vietnamien sont souvent des additions d'eau, d'arômes de poissons, de sucre et de mono glutamate de sodium qui ne sont pas terribles pour la santé, pas terrible gustativement.