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Beatrice
Maser Mallor: Je dois commencer en disant que la
Suisse est un pays pauvre et que nous n’avons pas beaucoup de ressources
naturelles. Ce discours surprend beaucoup de gens. Nous dépendons en grande
partie de nos ressources humaines et de notre système de formation. On a un
système politique très inclusif, des structures de gouvernance très
décentralisées et une participation très active du peuple. Le gouvernement est très
stable, et quatre partis politiques y participent. La richesse du pays provient
de son multilinguisme et de son aspect multiculturel. Le système politique et économique
est libéral et ouvert. Il serait difficile d’inclure toutes ces particularités
ailleurs car nous sommes un petit pays et que plusieurs siècles ont été
nécessaires à notre structuration.
VOV:
Pensez-vous que le savoir-faire suisse pourra profiter au Vietnam? Si oui, dans
quels domaines?
Beatrice
Maser Mallor: On peut toujours profiter du savoir-faire
des autres pays. Mais il faut aussi s’adapter au contexte de chacun et
certaines de nos particularités peuvent aider les autres pays. Le premier point
que j'aimerais mentionner est l’investissement dans l'éducation, et la
formation professionnelle. Il s’agit certainement d’une stratégie qui contribue au développement de chaque pays. Et je suis sûre que le Vietnam s’est déjà engagé sur ce chemin. Deuxièmement, assurer
de bonnes conditions aux entreprises afin de créer des emplois et d’améliorer
leur compétitivité. Pour le Vietnam, il est important d’attirer des investissements étrangers, d’absorber
leurs savoir-faire et d’être réceptif pour le transfert technologique. Troisième et dernier point que j'aimerais aborder, les investissements dans les infrastructures, un autre élément primordial pour le développement économique du pays.
VOV: Nous venons
d’aborder le sujet "économie". Pourriez-vous communiquer davantage au
sujet du partenariat économique entre le Vietnam et la Suisse?
Beatrice
Maser Mallor: La Suisse et le Vietnam ont des liens économiques très forts. Malgré la taille de la Suisse, les échanges commerciaux se
révèlent importants, avec une balance commerciale de deux milliards de francs suisses, soit environ deux milliards de
dollars. La balance commerciale est excédentaire pour le Vietnam, donc la
Suisse représente un partenaire économique très intéressant. La valeur
annuelle des exportations vietnamiennes est de 1,5 milliard de francs suisses. De
plus, la Suisse investit beaucoup ici, nous sommes positionnés au 4e ou 5e rang
des pays occidentaux, avec 140 projets. Ces projets emploient environ 20.000 Vietnamiens.
VOV: Qu’en est-il du
libre-échange? Pouvez-vous nous dévoiler des informations ?
Beatrice Maser Mallor: La Suisse est un petit pays qui dépend de ses
exportations, parce que notre modèle économique est très ouvert. Ce modèle est
notre point fort qui nous permet de proposer des produits de haute qualité au
reste du monde. Un commerce ouvert est indispensable à notre économie. On croit
dans le libre-échange, les accords de libre-échange, et dans l'Organisation mondiale du Commerce. J’aimerais ajouter que la Suisse fait partie d'un
groupe de petits pays européens (la Suisse, la Norvège, la Liechtenstein
et l'Islande), le FTA. Ce FTA est en train de négocier un accord de libre-échange avec le Vietnam, pour renforcer les échanges commerciaux parce que cela impactera positivement les deux
parties. On espère une conclusion prochaine avec un accord entre le FTA et le
Vietnam.
VOV :
La sécheresse et la salinisation sont deux phénomènes qui sont en train de
ravager le Vietnam. Qu’a fait la Suisse pour aider le Vietnam dans la lutte contre
ces phénomènes?
Beatrice
Maser Mallor: Oui, il s’agit
de défis à l’échelle mondiale, provoqués par le changement climatique. Le
Vietnam est touché, tout comme la Suisse où les glaciers fondent, ce qui nous
préoccupe car ils représentent notre source d’eau et d’électricité. Le Vietnam connaît
deux problèmes dans le delta du Mékong, la salinisation et la sécheresse. La
Suisse a soutenu le Vietnam pendant des décennies avec des aides au
développement, elle a aussi des projets dans le delta du Mékong. Par exemple à
Cân Tho, la Suisse finance un projet d’urbanisme. L'objectif est de renforcer
la résilience de la ville aux changements climatiques en améliorant la gestion
des risques, comme par exemple les risques d'inondation. Un deuxième projet que
nous finançons et que nos collègues de la coopération allemande sont en train de mettre en place est la formation des autorités nationales et
régionales aux questions de
la résilience urbaine, pour mieux faire face aux chocs climatiques. Nous élaborons actuellement une échelle nationale pour juger l’efficacité des mesures prises face au risque d'inondation et pour le drainage de l'eau en contexte urbain. Avec ce projet, nous souhaitons également améliorer les
systèmes d'alerte et d'avertissement dans les villes.
VOV:
Compte tenu du haut niveau des écoles et instituts de recherche suisses, l'un
des piliers de la coopération entre nos deux pays devrait être l'éducation et
la formation professionnelle. Mais les échanges dans ce domaine demeurent
modestes. Qu’en pensez-vous?
Beatrice Maser Mallor: La Suisse est un pays assez petit, avec une population de 8,5 millions d'habitants. Nous avons dans tout le pays seulement 10 universités et deux écoles fédérales polytechniques qui enseignent en allemand et en français. De ce point de vue, nous ne soutenons pas la comparaison
avec des pays comme les États-Unis, le
Canada ou l'Australie qui
proposent des offres nettement plus diversifiées dans l’enseignement supérieur.
Et en plus, les formations sont dispensées en anglais. Par contre, la Suisse offre des bourses d'excellence en doctorat mais aussi pour les artistes. Ces bourses sont proposées par les grandes écoles et
couvrent toutes les disciplines pour permettre au doctorant ou au
post-doctorant de poursuivre ses travaux de recherche au sein d’écoles
reconnues par l'État suisse. Les bourses artistiques concernent les
conservatoires et d’autres écoles d'art.
VOV:
Quels sont les projets que la Suisse souhaite réaliser pour la fin de 2018 et
surtout l'année 2019 au Vietnam?
Beatrice Maser Mallor: Comme je l’ai dit, il y a des projets en cours, le premier c'est
certainement de faire avancer les négociations de l'accord libre-échange entre les pays FTA et le Vietnam. Ensuite, en
novembre, le projet de vol direct entre la Suisse et Hô Chi Minh-ville va aboutir. Cela devrait augmenter le nombre de visiteurs dans les deux sens. Nous serons heureux d’accueillir plus de
touristes vietnamiens qui souhaitent découvrir notre pays. Le Vietnam est déjà
un pays très apprécié par les touristes suisses. Chaque année, environ 30.000 Suisses y voyagent. Plus de
flexibilité dans la politique de visas serait souhaitable, cela pourrait encourager
davantage les Suisses à venir ici. Nous allons par ailleurs continuer de soutenir le Vietnam dans son développement, comme nous le faisons depuis 30 ans, dans différents domaines. Actuellement, nous nous concentrons sur la coopération économique parce que le Vietnam s’est développé de manière spectaculaire au cours des vingt dernières
années et est devenu un pays à revenu
intermédiaire.