Le lieutenant général Nguyên Duc Soat |
«Mon cher ciel bleu! Puis-je comparer mon amour pour toi avec celui pour quelqu’un d’autre? Impossible! Tu es tout pour moi! Désormais, tu es le seul compagnon de ma carrière militaire!»
C’étaient les émotions que Nguyên Duc Soat, alors à peine 20 ans, avait retranscrites dans son journal intime, huit mois après avoir rejoint les forces aériennes. Le jeune homme n’avait qu’une seule pensée en tête: voler jusqu’au bout de sa vie. C’était son seul objectif.
«À 20 ans, je suis tombé amoureux du ciel bleu. Mon seul désir est de défendre l’espace aérien du pays, ce que j’ai fait pendant les 37 ans de ma carrière. C’est l’amour pour le ciel qui m’a tenu debout aussi longtemps», nous confie-t-il.
Né en 1946 et originaire du district de Phu Xuyên, en banlieue de Hanoï, à 19 ans, Nguyên Duc Soat a rejoint l’armée. En 1965, Soat et 59 autres collègues ont été envoyés en URSS pour une formation de pilote de l’armée de l’air. Ils ont appris à piloter le MiG-21, l’avion de chasse soviétique le plus moderne de l’époque.
Deux ans après, de retour au Vietnam, il a immédiatement participé à la guerre contre les Américains. En 1969, Soat a réalisé son premier exploit en abattant un drone américain. Mais l’année qui a marqué le plus sa carrière a été 1972.
«Le 23 mai 1972, lors d’un combat aérien à Nam Dinh, je suis tombé face à face avec un A-7 que j’ai abattu au bout de quinze minutes. Le mois suivant, le 24 juin, mon copilote Ngô Duy Thu et moi avons rencontré une troupe de 24 F-4 qui escortaient des bombardiers en direction de la province de Thai Nguyên. Nous les avons perturbés et avons abattu chacun un F-4. Le 27 juin, j’ai abattu un deuxième F-4 et le 26 août, j’ai éliminé un autre appareil du Corps des Marines des États-Unis, le seul avion de cette force à avoir été abattu pendant la guerre du Vietnam.»
Le 12 octobre, Soat a fait tomber le sixième appareil dans sa carrière et le cinquième dans la même année, un exploit sidérant pour ce jeune pilote de 26 ans.
En 1972, les États-Unis ont ouvert la campagne Linebacker II contre le Nord du Vietnam. Washington a mobilisé des bombardiers Boeing B-52, nommés «les super forteresses volantes» pour tenter de détruire Hanoï, Hai Phong, Thai Nguyên, Lang Son et d’autres provinces septentrionales. Les bombardements qu’a subis le Nord du Vietnam, pendant les douze jours et nuits du 18 au 29 décembre, ont donc été parmi les plus intenses dans l’Histoire des guerres. Nguyên Duc Soat et ses collègues ont vaillamment résisté pour défendre le ciel de la capitale.
«De l’aéroport de Da Phuc, je regardais vers Hanoï et je ne voyais qu’un ciel de feu et de missiles. Je me suis dit que les Américains n’auraient besoin que de trois Boeing B-52 munis chacun de 122 bombes. Si chaque B-52 bombardait un espace de 2 km2, il ne resterait plus rien en bas. Notre mission était d’intercepter les bombardiers et de réduire les pertes humaines. Aucun des pilotes ne pensait à sa survie», raconte-t-il.
Le journal intime du lieutenant général Nguyên Duc Soat |
Pendant ces douze jours et nuits, les Américains ont largué 36.000 tonnes de bombes. Malgré les dangers, Nguyên Duc Soat et ses compagnons d’armes ont tenu bon.
«Lors de la première nuit de cette campagne, les Américains ont bombardé sept aéroports vietnamiens pour nous bloquer. Nous avons été obligés de décoller sur des pistes très courtes d’environ 16 mètres avec des trous de bombes sur les côtés. Tout le monde était très vigilant, car une seule seconde d’inattention pouvait être fatale. À l’époque, j’étais chef de la 3e compagnie du régiment aérien 927. Le 22 décembre, j’ai été le premier à décoller. Le combat était très violent. J’ai croisé un groupe de 16 F-4 et quelques bombardiers. Ma mission consistait à les écarter des batteries de missiles. Et j’ai réussi. Les jours suivants, j’ai commandé mes subalternes. Pendant douze jours et nuits, nous avons abattu cinq avions, dont un B-52», se souvient le pilote.
En 1973, alors qu’il avait 27 ans, Nguyên Duc Soat a été nommé Héros des forces armées populaires vietnamiennes. Pendant sa carrière, il a assumé plusieurs postes importants, notamment commandant de l’armée de l’air et de la défense antiaérienne, et sous-chef d’état-major général de l’armée vietnamienne. Quelle que soit sa position, il a achevé avec brio toutes les missions et réussi à protéger son ciel bien aimé.