Chao Thi Yên. Photo: NVCC |
Ayant grandi dans un climat rude au sein d’une famille pauvre, Chao Thi Yên a compris très tôt que l’éducation était la seule clef susceptible de lui ouvrir la porte d’une vie meilleure.
«Chez moi, on ne vit avec rien. Il n’y a ni route, ni électricité, ni télévision bien sûr. Lorsque la récolte est mauvaise, on n’a même pas de riz. Il faut aller dans la forêt chercher du manioc ou de l’igname pour se nourrir. Mon professeur m’a dit: ‘Un meilleur avenir passe par l’éducation, sinon, tu resteras dans la pauvreté.’ C’est pour cette raison que j’ai décidé de foncer dans les études», raconte-t-elle.
A la fin de la troisième, Yên a dû quitter sa chère école pour aider ses parents à travailler dans les champs. Cet abandon fut vécu par la petite adolescente avec une immense tristesse.
«Je n’ai pas pu aller à l’école pendant un an. Au départ, mes parents ne voulaient pas me laisser revenir à l’école, car pour eux, une fille n’a pas besoin d’éducation. J’ai insisté, et après plusieurs tentatives, ils ont finalement accepté», se souvient Yên.
De retour sur les bancs du lycée, Yên a toujours été la meilleure de sa classe. Mais pour cette fille ambitieuse, ses bons résultats scolaires n’étaient pas suffisants.
«Quand j’étais en première, quelqu’un m’a dit ‘Tu es fière parce que tes résultats sont excellents alors que tu es pauvre? Si tu es si bonne, pourquoi restes-tu pauvre?’ Même si j’avais été un peu blessée, sa question m’a réveillée complètement. A partir de ce moment là, bien gagner ma vie est devenu mon seul objectif. Et pour y parvenir, je devais entreprendre des études supérieures», dit Yên.
Admise à l’École supérieure de la sylviculture de Hanoï, Yên réfléchit alors aux filières qui lui permettront de trouver un emploi rapidement. A l’issue de sa première année, ses enseignants lui proposent de suivre un programme de formation en management des ressources naturelles dont les débouchés semblent plus prometteurs. Sauf que ce cursus est dispensé en anglais et qu’à l’époque, le niveau d’anglais de Yên n’est pas opérationnel. Alors qu’elle est sur le point d’y renoncer, Yên fait la connaissance d’une bénévole allemande d’origine vietnamienne qui l’aidera à parfaire son anglais.
En 2014, après avoir obtenu son diplôme avec mention excellent, Yên postule auprès d’Erasmus Mundus de l’Union européenne pour obtenir une bourse et poursuivre un master en management des ressources forestières. Admise le 8 mars 2016 en qualité de boursière avec un financement de 47.000 euros, Yên part poursuivre ses études dans les universités de Gottingen (Allemagne) et de Padova (Italie). Sa joie est immense et est partagée par toute sa famille. Son père, Chao Kim Son, se souvient:
«Les voisins n’ont pas compris pourquoi une fille devait aller à l’école. Chez nous, une fille doit se marier tôt, aider son conjoint et rester à la maison pour faire le ménage. Financer les études d’une fille est donc un investissement à perte. Mais depuis qu’ils ont vu la réussite de ma fille, ils ont changé d’avis. Maintenant, ils laissent leurs enfants aller à l’école et ne font plus de différence entre les garçons et les filles.»
Aujourd’hui, Yên travaille pour une ONG spécialisée dans la protection des ressources forestières. Son salaire lui permet d’aider amplement ses parents. Yên a raconté son parcours dans une autobiographie intitulée «À contre-voie: d’un hameau Dao à la bourse d’Erasmus».
Pour elle, seule la détermination compte et chaque vie se fait son destin.