Photo Anh Tuan |
Il est 22h30. A Hanoï, la nuit est déjà bien avancée et les rues commencent à se vider. Pour nos jeunes, c’est le début d’une nouvelle virée nocturne à moto, avec des sacs remplis de denrées alimentaires et de produits de première nécessité.
Ces jeunes sont en fait les membres d’un groupe caritatif nommé «Un cœur pour aimer». Ce soir, leur première destination est la rue Hang Dau. Madame Loan, âgée de 103 ans, y est installée depuis quelques années. Originaire de Hai Duong, elle est venue à Hanoï pour y tenter sa chance… laquelle ne lui aura décidément pas souri car elle est désormais sans domicile fixe, son mari étant décédé depuis maintenant deux ans.
Madame Loan - Photo Anh Tuan |
"Si je réussis à survivre tant bien que mal, c’est en grande partie grâce à tous ces jeunes qui me viennent en aide", nous confie-t-elle. "Je ne sais pas pour les autres, mais pour moi, des gens qui viennent me rendre visite, comme ça, en pleine nuit, qui m’achètent des choses… C’est particulièrement réconfortant ".
Fondé il y a une dizaine d'année, le groupe «Un cœur pour aimer» se donne rendez-vous tous les samedis soir pour faire le tour de Hanoï. En général, une dizaine de jeune répondent à l'appel à chaque fois.
«Par une nuit comme celle-là, on est bien chez soi, au chaud… Mais parfois, ça ne suffit pas, on a froid quand même. Alors imaginez un peu ce que ça peut être pour tous ces gens-là… Moi, ça m’empêche de dormir. Le rendez-vous c'est le samedi, mais moi, il m’arrive d’aller voir ces gens pendant le cours de la semaine. Souvent, j’ai les mains vides, mais au moins, ils savent que je pense à eux, et c’est déjà beaucoup», nous explique Nguyen Duc Khuynh, le chef du groupe.
«Un cœur pour aimer» est constitué de jeunes, âgés de 18 à 35 ans. Le groupe fonctionne principalement grâce aux cotisations de ses membres et aux dons qui lui sont adressés. C’est bien simple… Chacun donne ce qu’il a. C’est du reste la devise du groupe.
Photo Anh Tuan |
«J'ai senti un grand changement en moi», nous dit Tran Thi Kim Thoa, l’une des membres du groupe. «Il y a des nuits, quand l'orage gronde, c'est vraiment pénible. C'est mouillé partout, et ces gens-là continuent de vivre dans les rues. Ça me fait mal au cœur. Je n'ai pas forcément une vie très aisée mais quand je les vois, je me rends bien compte que j’ai quand même beaucoup plus de chances que bien des gens.»
«Moi, ce que je veux, c’est tout simplement faire le bien autour de moi, dans la mesure de mes possibilités. Alors des virées nocturnes comme celles-là, c’est très important pour moi», pour Kieu Hoang Linh, un nouveau membre.
Les activités du groupe ne s'arrêtent pas à l’aspect strictement caritatif. Il s’agit aussi de sensibiliser.
«Je voudrais faire comprendre à la jeune génération qu’il y a des laissés-pour-compte, des gens qui souffrent et qui ont besoin d’un élan de solidarité. Moi, il m’est arrivé de me rendre dans le village natal de telle ou telle personne pour tenter d’alerter ses proches…», nous dit Nguyen Duc Khuynh.
Le froid est un peu moins mordant ces derniers jours. Mais pour celles et ceux qui vivent dans la rue, la situation n’est pas forcément meilleure, loin s’en faut. Alors… Un blouson, une paire de gants… Il suffit parfois de peu pour se sentir un peu moins seul.